[Dossier] StreetPress : le kébab des médias

[Dossier] StreetPress : le kébab des médias
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[Première diffusion le 7 juillet 2016] Rediffusions estivales 2016

Cette entreprise de formatage idéologique a déjà été évoquée ici dans sa structure, ses moyens et ses buts. Mais le sujet est décidément trop riche pour n’être davantage exploité… L’OJIM revient donc sur StreetPress sous l’angle de sa prose, de sa rhétorique, de sa mythologie : quand la caricature vire au burlesque.

Difficile d’être aussi ouvertement binaire, mais l’info selon StreetPress, ce n’est pas exposer des faits et développer des analyses, mais se masturber sans fin la fibre clanique dans un esprit post-ado où la conscience des choses se limite à ce qui se fait ou ne se fait pas dans le gang, où le débat collectif se réduit à scander en permanence ce noir et blanc fondateur d’une identité précaire, normalement transitoire, mais ici complaisamment entretenue papier après papier. Il y a ce qui est cool : le rap, le foot, les joggings, les manifs, les Noirs et les Arabes, les casseurs, les antifas, les lesbiennes, Internet et les jeux vidéos. Et puis il y a ce qui « fout le seum » : les flics, l’ordre, l’État, les fachos, la grammaire et le monde adulte en général. Misant sans doute sur la chute du QI que subit l’Occident et la dégradation manifeste de l’Éducation nationale pour s’imposer comme média collaboratif sur la tranche des 20/30 ans d’aujourd’hui, StreetPress divulgue à un rythme soutenu un contenu aussi peu nourrissant qu’il est gras, un contenu qu’on consomme en bande sur le même banc entre deux concours de mollards et en observant avec fierté le « nike la police » tout juste gravé sur l’une des lattes de bois ; un contenu débité au kilo, prémâché et noyé sous des épices à la fois artificielles et vulgaires – en somme, StreetPress est aux médias ce que le kébab est à la gastronomie.

Le degré zéro du journalisme

Ce qui distingue a priori le site, c’est la longueur de ses papiers, un format qui dénote dans le monde des médias Internet où la brièveté est en général de mise. On s’attendrait donc à des articles de fond, un peu creusés, avec des arguments substantiels, des analyses développées – que l’espace soit exploité, en somme. On tombe en effet sur quelque chose de tout à fait inédit dans les méthodes journalistiques, mais pour d’autres raisons. Aucun angle, rien n’est problématisé, rien n’est non plus structuré ou articulé, ce journalisme au rabais, exploitant le narcissisme verbeux et ignare de la « Net Generation », propose moins des articles journalistiques que des sortes de témoignages en langage de « djeunes » adhérant totalement à leur sujet, complaisants, longs, prévisibles. Loin de toute réflexion, de toute cérébralité, on s’immerge émotionnellement dans un bonheur de fans, quand, bien sûr, on ne cultive pas la peur des méchants toujours sur un plan purement émotionnel, en évoquant la droite ou les policiers. Mais ce qui est le plus saisissant demeure cette absence totale de distance par rapport à leurs sujets. Par exemple, l’un des derniers « reportages » de StreetPress s’intéresse à la chaîne de vêtements de sport « Foot Korner ». Décrivant fascinés les lieux et les êtres qu’ils découvrent, recueillant les paroles de leurs interlocuteurs comme des trésors à offrir au lecteur, et sans jamais engager le moindre débat ou mettre l’interviewé face à ses paradoxes, ce long papier soulève pourtant des problèmes de société tout à fait exemplaires.

Le fantasme des « Boloss »

La plupart des « journalistes » de StreetPress sont des jeunes Blancs avec des têtes de victimes que leurs idoles de banlieue qualifieraient, sociologiquement parlant, de « boloss » (« bourgeois lopettes », destinés, normalement, à l’humiliation ou au racket par les bandes de racailles des cités). En adoration devant tout ce qui transpire un peu la banlieue, les reporters de StreetPress s’agenouillent donc éblouis devant un exemple de pur libéralisme communautaire tel que l’incarne Foot Korner, sans jamais en relever les aspects problématiques. Notamment, cet enfermement communautaire, faisant que le jeune immigré de banlieue semble toujours davantage condamné à mariner dans une culture précaire qui l’isole du reste du pays, quoi qu’elle fasse fantasmer le petit Blanc qui, lui, aura toujours la possibilité d’y échapper. Les mœurs un rien frustes des deux frères ayant ouvert leur chaîne à succès sont relayées en toute sympathie. Par exemple, ceux-ci tweetent : «#CaCritiqueMaisSaSuceEnChetca », ce qui signifie plus ou moins : « Les mêmes personnes jalouses qui nous critiquent en public tentent de nous séduire en privé. » « Leurs piques régulières sur Instagram leur ont déjà valu quelques soucis. Il y a quelques semaines, un concurrent s’installe à Lille. Ils postent une photo d’un pied qui lève le troisième doigt. »

Manières de caïds de ZEP, ensauvagement des rapports humains, que vient corroborer une autre anecdote. Deux gamins de la cité avoisinante expliquent les raisons pour lesquelles ils se sentent bien chez Foot Korner : « C’est comme si on était au quartier. On n’entre pas en disant : “bonjour, pardon”. En plus on peut tutoyer les vendeurs. »

Derrière la comédie gangsta, le drame social

Forcément, cet ensauvagement des mœurs a parfois des conséquences hors du cadre du magasin lui-même. Par exemple quand le rappeur Niska, en septembre 2015, vient faire une dédicace au « Foot Korner » du Havre et que la fête vire à l’émeute. Cette conséquence logique de la brutalité des rapports décrite plus haut est minimisée d’une manière pour le moins étrange : « La pression était montée et Niska avait dû couper court. Les médias locaux titrent sur une « émeute » après que des jeunes se sont attaqués aux tramways tout proches. » StreetPress insinue donc que le terme « émeute » est inapproprié et stigmatisant. Une « émeute », tout ça parce que des jeunes attaquent des tramways ! Comme vous y allez, ma bonne dame ! Sauf qu’avec un tel comportement, on comprend aisément que la séparation entre la France des banlieues et le reste du pays ne peut que s’aggraver. Une France des banlieues condamnée au rap, au foot, à l’émeute et à se trimbaler en jogging. « On sait que les grands frères, même avec un Bac +5, ils n’y arrivent pas. Alors on se replie sur nous. » Voilà comment se conclue l’article. Et une phrase aussi grave, témoignant d’un repli identitaire revendiqué et posant la question de la désintégration de la société française ne soulève aucune mise en perspective, aucune mise en garde, chez nos petits Blancs en extase. Derrière la comédie gangsta, le drame social, mais chez StreetPress, jamais on ne franchit le premier degré des choses.

Potentiel comique de la bêtise

Cela dit, cette invincible adhésion au premier degré possède parfois des vertus comiques. L’article sur Babacar Gueye, jeune sénégalais clandestin tué par la police, à Rennes, au cours d’une crise de démence, vire involontairement au burlesque le plus époustouflant. Louis Demarles réalise une « contre-enquête » afin de transformer un fait divers tragique en dossier à charge contre la police qui aurait commis une « bavure » dans cette affaire. Il s’agit de monter tout un scénario pour mettre en scène l’acharnement supposé d’une police digne de celle de Vichy vis-à-vis des nouveaux Juifs de 40 qu’incarneraient les clandestins. On va donc commencer par transformer Babacar Gueye en nouvelle Anne Franck, en racontant sa journée pour susciter l’empathie. Chez StreetPress, un clandestin n’est pas un clandestin, ce n’est même pas un « sans-papier », c’est mieux, c’est un « sans-pap’ » ! L’étranger ayant pénétré dans votre pays de manière illégale, par les vertus de l’apocope, est devenu d’un coup « tellement cool et stylé » qu’on aimerait tous, comme lui, être un « sans-pap’ ». Avant le drame, afin de pousser au maximum l’identification et le pathos dans cet exercice d’intoxication qu’est la prétendue « contre-enquête », Demarles touche au sublime : « Le 2 décembre, la soirée commence tranquillement pour « Baba », mais le jeune sans pap’ a le blues. » Cette manière de romancer des faits que, pour sa part, l’enquêteur n’a jamais été en mesure d’observer n’est pas franchement déontologique. Mais comme toujours, ce qui compte, ce n’est ni la vérité ni la raison, mais la jouissance émotionnelle partisane. Bref, notre « sans pap’ » qui va bientôt être victime d’une police immonde a pourtant « tout fait pour s’intégrer. Bon danseur, il a pris des cours de Salsa avant de dispenser à son tour des cours de danse africaine. » Il a dû se tromper de continent à intégrer, possiblement. Mais ce : « Il a tout fait pour s’intégrer, il a pris des cours de Salsa », rédigé sans rire, sans trembler, est d’un comique involontaire redoutable.

Exploitation idéologique des faits divers

Bref, en ce 2 décembre, en pleine nuit et comme il a le blues, notre jeune « sans pap’ » s’empare d’un couteau de cuisine, s’automutile et blesse le jeune homme qui l’héberge. «Il exécutait des petit pas de danse, et des gestes d’automutilation, qui laissaient sur son bras et son ventre de légères éraflures. Ce sont des gestes rituels Baye-Fall [obédience religieuse, ndlr]. » Le type s’automutile et vous blesse au couteau en pleine nuit parce qu’il se sent « persécuté par des esprits » et il pousse des cris en wolof, mais cela ne relève sans doute que d’une option culturelle différente qu’il faudrait découvrir avec bienveillance… Le colocataire appelle donc les pompiers et s’étonne que la Bac débarque également (en même temps, vu la situation, on s’étonne qu’il s’étonne que les pompiers aient pu ressentir le besoin d’une escorte). Celle-ci ne parvient pas à obtenir de « Baba » qu’il lâche son couteau et le perçoit comme très agressif. Ce qui serait donc faux, d’après Pierre, le coloc : « La voix de “Baba” était rauque, il était effrayé et effrayant, mais il n’était pas menaçant. » Nuance qu’on ne peut reprocher aux policiers de n’avoir eu la subtilité de percevoir. Ensuite, le « sans pap’ » en transe avance dans l’escalier arme au poing, les policiers paniquent, tirent, l’homme se relève et poursuit sa route armé. Jusqu’à tomber enfin inconscient mais toujours en vie. Il succombera malheureusement de la suite de ses blessures. La situation est donc très claire : les policiers ont paniqué et n’ont pas géré la situation au mieux, c’est évident. Mais il n’y a nulle part une « bavure », ils n’ont pas profité de leur uniforme pour maltraiter quelqu’un. L’article est illustré par des stickers appelant à l’abolition des frontières et des patries. Mais la nature-même de « sans pap’ » n’a strictement aucune incidence dans le drame qui nous est rapporté. Des policiers gèrent mal la crise de démence d’un individu armé. Celui-ci aurait-il été blanc ou jaune, clandestin ou français depuis Vercingétorix, que leur réaction aurait été la même. C’est donc le pseudo journaliste qui exploite, lui, sans vergogne, un fait divers tragique pour l’enrégimenter au service de sa cause, et quoi qu’il ne dispose d’aucun élément tangible qui puisse le lui permettre. Et l’on peut trouver cet acharnement contre l’image de fonctionnaires français sous-payés et confrontés à des situations toujours plus difficiles, de la part de fils de bobos se prenant pour des journalistes, tout simplement immonde.

Des perles à chaque article

Sur StreetPress, on glane des perles à chaque article, au point que, si la lecture n’était si fastidieuse, on serait tenté de les collectionner. Dans un article titré « À Lille, la Police (s’)éclate » et qui présente encore les fonctionnaires de Police comme des brutes assoiffées de sang réprimant les manifestants, attaché à héroïser ces derniers, le journaliste écrit cette phrase : « Un homme en fauteuil roulant décide de faire un sitting. Il restera sur place un bon bout de temps. » Il est vrai que la faculté des tétraplégiques à éterniser les « sittings » est remarquable ! Réalisant le portrait de Marcus, un communautariste africain de la « brigade anti-négrophobie », on relaie ceci au sujet des clandestins : « Après les attentats, on a dit que certains terroristes s’étaient mêlés à eux pour rentrer en France. On trouvait ça important de soutenir une population stigmatisée » explique Marcus. Et le rédacteur de ne pas relever, d’abord, que les faits présentés comme des mensonges (des terroristes se sont glissés parmi les clandestins) sont avérés. Ensuite, que ce déplacement du statut de victime des jeunes Français assassinés comme des bêtes de boucherie vers les clandestins qui pourraient, éventuellement, voir leur réputation être ternie après les événements, est moralement tout à fait scandaleuse. Plus loin dans l’article, on relaie encore sans la moindre distance la défense grotesque que l’avocate du militant anti-français présente au tribunal qui l’a déjà été condamné deux fois pour « outrage à agent » : « « Mon client n’est pas violent mais il exprime ses convictions de manière risquée » complète Maitre Terrel. » Hitler devait être à peu près dans les mêmes dispositions…

Reporters en toc pour révolutionnaires en carton

Quand StreetPress réalise un reportage sur les Black Blocs, ces autres fils de bourgeois désœuvrés occupés à se donner des émotions en saccageant l’espace public et en s’affrontant aux CRS, le ton épique, l’adhésion infantile, l’absence de recul et la modalité binaire sont de mise. « Autour d’un café, Ahmad et Jonathan rembobinent la scène, des étincelles dans les yeux : « C’était vraiment la honte pour eux. On a inversé le rapport de force. On a vu la peur dans leurs yeux… Ils se sont pris une branlée de fou ». » Donc la violence, dans ce sens-là, est présentée comme héroïque et exaltante. Mais quand les jeunes branleurs prennent leur fessée, on obtient ça : « Il grimace douloureusement. Selon lui, les policiers n’y vont pas avec le dos de la cuillère : « Des manifestants ont pris des flash-ball dans la tête. Certains ont failli perdre un œil ». Ça veut dire que les règlements ne sont pas respectés par la police. L’État laisse faire parce que ça permet de maintenir l’ordre par la peur. » On devrait sans doute en conclure que les CRS sont priés, de leur côté, de retenir leurs coups et de ne pas trop éprouver nos Che Guevara en herbe. On ne peut pas, d’un côté, outrepasser toutes les limites du droit encadré de manifester pour prôner la violence révolutionnaire, et de l’autre, se plaindre que l’État se défende. La naïveté de la réflexion trahit bien, cela dit, à quel point, les gamins en question entendent moins faire la révolution que de jouer à la révolution et, par conséquent, entendent ne se faire tirer dessus qu’avec des balles à blanc.

Idiotie utile

C’est un peu la même chose avec les journalistes de StreetPress : ils jouent aux journalistes, aux éveilleurs, aux esprits forts, sans se rendre compte qu’ils prônent indirectement toutes les conditions culturelles nécessaires à imposer en Europe un libéralisme communautariste et libertaire à l’américaine, avec toutes les contradictions manifestes qu’un tel système comprend. Mais ça, ça ne tient pas à la prétendue violence policière, mais au génie des adultes qui, de tout temps, manipulent la fougue et la bêtise adolescentes.

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[Dossier] StreetPress : le kébab des médias

[Dossier] StreetPress : le kébab des médias
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Source : Ojim.fr – Cette entreprise de formatage idéologique a déjà été évoquée ici dans sa structure, ses moyens et ses buts. Mais le sujet est décidément trop riche pour n’être davantage exploité… L’OJIM revient donc sur StreetPress sous l’angle de sa prose, de sa rhétorique, de sa mythologie : quand la caricature vire au burlesque.

Difficile d’être aussi ouvertement binaire, mais l’info selon StreetPress, ce n’est pas exposer des faits et développer des analyses, mais se masturber sans fin la fibre clanique dans un esprit post-ado où la conscience des choses se limite à ce qui se fait ou ne se fait pas dans le gang, où le débat collectif se réduit à scander en permanence ce noir et blanc fondateur d’une identité précaire, normalement transitoire, mais ici complaisamment entretenue papier après papier. Il y a ce qui est cool : le rap, le foot, les joggings, les manifs, les Noirs et les Arabes, les casseurs, les antifas, les lesbiennes, Internet et les jeux vidéos. Et puis il y a ce qui « fout le seum » : les flics, l’ordre, l’État, les fachos, la grammaire et le monde adulte en général. Misant sans doute sur la chute du QI que subit l’Occident et la dégradation manifeste de l’Éducation nationale pour s’imposer comme média collaboratif sur la tranche des 20/30 ans d’aujourd’hui, StreetPress divulgue à un rythme soutenu un contenu aussi peu nourrissant qu’il est gras, un contenu qu’on consomme en bande sur le même banc entre deux concours de mollards et en observant avec fierté le « nike la police » tout juste gravé sur l’une des lattes de bois ; un contenu débité au kilo, prémâché et noyé sous des épices à la fois artificielles et vulgaires – en somme, StreetPress est aux médias ce que le kébab est à la gastronomie.

Le degré zéro du journalisme

Ce qui distingue a priori le site, c’est la longueur de ses papiers, un format qui dénote dans le monde des médias Internet où la brièveté est en général de mise. On s’attendrait donc à des articles de fond, un peu creusés, avec des arguments substantiels, des analyses développées – que l’espace soit exploité, en somme. On tombe en effet sur quelque chose de tout à fait inédit dans les méthodes journalistiques, mais pour d’autres raisons. Aucun angle, rien n’est problématisé, rien n’est non plus structuré ou articulé, ce journalisme au rabais, exploitant le narcissisme verbeux et ignare de la « Net Generation », propose moins des articles journalistiques que des sortes de témoignages en langage de « djeunes » adhérant totalement à leur sujet, complaisants, longs, prévisibles. Loin de toute réflexion, de toute cérébralité, on s’immerge émotionnellement dans un bonheur de fans, quand, bien sûr, on ne cultive pas la peur des méchants toujours sur un plan purement émotionnel, en évoquant la droite ou les policiers. Mais ce qui est le plus saisissant demeure cette absence totale de distance par rapport à leurs sujets. Par exemple, l’un des derniers « reportages » de StreetPress s’intéresse à la chaîne de vêtements de sport « Foot Korner ». Décrivant fascinés les lieux et les êtres qu’ils découvrent, recueillant les paroles de leurs interlocuteurs comme des trésors à offrir au lecteur, et sans jamais engager le moindre débat ou mettre l’interviewé face à ses paradoxes, ce long papier soulève pourtant des problèmes de société tout à fait exemplaires.

Le fantasme des « Boloss »

La plupart des « journalistes » de StreetPress sont des jeunes Blancs avec des têtes de victimes que leurs idoles de banlieue qualifieraient, sociologiquement parlant, de « boloss » (« bourgeois lopettes », destinés, normalement, à l’humiliation ou au racket par les bandes de racailles des cités). En adoration devant tout ce qui transpire un peu la banlieue, les reporters de StreetPress s’agenouillent donc éblouis devant un exemple de pur libéralisme communautaire tel que l’incarne Foot Korner, sans jamais en relever les aspects problématiques. Notamment, cet enfermement communautaire, faisant que le jeune immigré de banlieue semble toujours davantage condamné à mariner dans une culture précaire qui l’isole du reste du pays, quoi qu’elle fasse fantasmer le petit Blanc qui, lui, aura toujours la possibilité d’y échapper. Les mœurs un rien frustes des deux frères ayant ouvert leur chaîne à succès sont relayées en toute sympathie. Par exemple, ceux-ci tweetent : «#CaCritiqueMaisSaSuceEnChetca », ce qui signifie plus ou moins : « Les mêmes personnes jalouses qui nous critiquent en public tentent de nous séduire en privé. » « Leurs piques régulières sur Instagram leur ont déjà valu quelques soucis. Il y a quelques semaines, un concurrent s’installe à Lille. Ils postent une photo d’un pied qui lève le troisième doigt. »

Manières de caïds de ZEP, ensauvagement des rapports humains, que vient corroborer une autre anecdote. Deux gamins de la cité avoisinante expliquent les raisons pour lesquelles ils se sentent bien chez Foot Korner : « C’est comme si on était au quartier. On n’entre pas en disant : “bonjour, pardon”. En plus on peut tutoyer les vendeurs. »

Derrière la comédie gangsta, le drame social

Forcément, cet ensauvagement des mœurs a parfois des conséquences hors du cadre du magasin lui-même. Par exemple quand le rappeur Niska, en septembre 2015, vient faire une dédicace au « Foot Korner » du Havre et que la fête vire à l’émeute. Cette conséquence logique de la brutalité des rapports décrite plus haut est minimisée d’une manière pour le moins étrange : « La pression était montée et Niska avait dû couper court. Les médias locaux titrent sur une « émeute » après que des jeunes se sont attaqués aux tramways tout proches. » StreetPress insinue donc que le terme « émeute » est inapproprié et stigmatisant. Une « émeute », tout ça parce que des jeunes attaquent des tramways ! Comme vous y allez, ma bonne dame ! Sauf qu’avec un tel comportement, on comprend aisément que la séparation entre la France des banlieues et le reste du pays ne peut que s’aggraver. Une France des banlieues condamnée au rap, au foot, à l’émeute et à se trimbaler en jogging. « On sait que les grands frères, même avec un Bac +5, ils n’y arrivent pas. Alors on se replie sur nous. » Voilà comment se conclue l’article. Et une phrase aussi grave, témoignant d’un repli identitaire revendiqué et posant la question de la désintégration de la société française ne soulève aucune mise en perspective, aucune mise en garde, chez nos petits Blancs en extase. Derrière la comédie gangsta, le drame social, mais chez StreetPress, jamais on ne franchit le premier degré des choses.

Potentiel comique de la bêtise

Cela dit, cette invincible adhésion au premier degré possède parfois des vertus comiques. L’article sur Babacar Gueye, jeune sénégalais clandestin tué par la police, à Rennes, au cours d’une crise de démence, vire involontairement au burlesque le plus époustouflant. Louis Demarles réalise une « contre-enquête » afin de transformer un fait divers tragique en dossier à charge contre la police qui aurait commis une « bavure » dans cette affaire. Il s’agit de monter tout un scénario pour mettre en scène l’acharnement supposé d’une police digne de celle de Vichy vis-à-vis des nouveaux Juifs de 40 qu’incarneraient les clandestins. On va donc commencer par transformer Babacar Gueye en nouvelle Anne Franck, en racontant sa journée pour susciter l’empathie. Chez StreetPress, un clandestin n’est pas un clandestin, ce n’est même pas un « sans-papier », c’est mieux, c’est un « sans-pap’ » ! L’étranger ayant pénétré dans votre pays de manière illégale, par les vertus de l’apocope, est devenu d’un coup « tellement cool et stylé » qu’on aimerait tous, comme lui, être un « sans-pap’ ». Avant le drame, afin de pousser au maximum l’identification et le pathos dans cet exercice d’intoxication qu’est la prétendue « contre-enquête », Demarles touche au sublime : « Le 2 décembre, la soirée commence tranquillement pour « Baba », mais le jeune sans pap’ a le blues. » Cette manière de romancer des faits que, pour sa part, l’enquêteur n’a jamais été en mesure d’observer n’est pas franchement déontologique. Mais comme toujours, ce qui compte, ce n’est ni la vérité ni la raison, mais la jouissance émotionnelle partisane. Bref, notre « sans pap’ » qui va bientôt être victime d’une police immonde a pourtant « tout fait pour s’intégrer. Bon danseur, il a pris des cours de Salsa avant de dispenser à son tour des cours de danse africaine. » Il a dû se tromper de continent à intégrer, possiblement. Mais ce : « Il a tout fait pour s’intégrer, il a pris des cours de Salsa », rédigé sans rire, sans trembler, est d’un comique involontaire redoutable.

Exploitation idéologique des faits divers

Bref, en ce 2 décembre, en pleine nuit et comme il a le blues, notre jeune « sans pap’ » s’empare d’un couteau de cuisine, s’automutile et blesse le jeune homme qui l’héberge. «Il exécutait des petit pas de danse, et des gestes d’automutilation, qui laissaient sur son bras et son ventre de légères éraflures. Ce sont des gestes rituels Baye-Fall [obédience religieuse, ndlr]. » Le type s’automutile et vous blesse au couteau en pleine nuit parce qu’il se sent « persécuté par des esprits » et il pousse des cris en wolof, mais cela ne relève sans doute que d’une option culturelle différente qu’il faudrait découvrir avec bienveillance… Le colocataire appelle donc les pompiers et s’étonne que la Bac débarque également (en même temps, vu la situation, on s’étonne qu’il s’étonne que les pompiers aient pu ressentir le besoin d’une escorte). Celle-ci ne parvient pas à obtenir de « Baba » qu’il lâche son couteau et le perçoit comme très agressif. Ce qui serait donc faux, d’après Pierre, le coloc : « La voix de “Baba” était rauque, il était effrayé et effrayant, mais il n’était pas menaçant. » Nuance qu’on ne peut reprocher aux policiers de n’avoir eu la subtilité de percevoir. Ensuite, le « sans pap’ » en transe avance dans l’escalier arme au poing, les policiers paniquent, tirent, l’homme se relève et poursuit sa route armé. Jusqu’à tomber enfin inconscient mais toujours en vie. Il succombera malheureusement de la suite de ses blessures. La situation est donc très claire : les policiers ont paniqué et n’ont pas géré la situation au mieux, c’est évident. Mais il n’y a nulle part une « bavure », ils n’ont pas profité de leur uniforme pour maltraiter quelqu’un. L’article est illustré par des stickers appelant à l’abolition des frontières et des patries. Mais la nature-même de « sans pap’ » n’a strictement aucune incidence dans le drame qui nous est rapporté. Des policiers gèrent mal la crise de démence d’un individu armé. Celui-ci aurait-il été blanc ou jaune, clandestin ou français depuis Vercingétorix, que leur réaction aurait été la même. C’est donc le pseudo journaliste qui exploite, lui, sans vergogne, un fait divers tragique pour l’enrégimenter au service de sa cause, et quoi qu’il ne dispose d’aucun élément tangible qui puisse le lui permettre. Et l’on peut trouver cet acharnement contre l’image de fonctionnaires français sous-payés et confrontés à des situations toujours plus difficiles, de la part de fils de bobos se prenant pour des journalistes, tout simplement immonde.

Des perles à chaque article

Sur StreetPress, on glane des perles à chaque article, au point que, si la lecture n’était si fastidieuse, on serait tenté de les collectionner. Dans un article titré « À Lille, la Police (s’)éclate » et qui présente encore les fonctionnaires de Police comme des brutes assoiffées de sang réprimant les manifestants, attaché à héroïser ces derniers, le journaliste écrit cette phrase : « Un homme en fauteuil roulant décide de faire un sitting. Il restera sur place un bon bout de temps. » Il est vrai que la faculté des tétraplégiques à éterniser les « sittings » est remarquable ! Réalisant le portrait de Marcus, un communautariste africain de la « brigade anti-négrophobie », on relaie ceci au sujet des clandestins : « Après les attentats, on a dit que certains terroristes s’étaient mêlés à eux pour rentrer en France. On trouvait ça important de soutenir une population stigmatisée » explique Marcus. Et le rédacteur de ne pas relever, d’abord, que les faits présentés comme des mensonges (des terroristes se sont glissés parmi les clandestins) sont avérés. Ensuite, que ce déplacement du statut de victime des jeunes Français assassinés comme des bêtes de boucherie vers les clandestins qui pourraient, éventuellement, voir leur réputation être ternie après les événements, est moralement tout à fait scandaleuse. Plus loin dans l’article, on relaie encore sans la moindre distance la défense grotesque que l’avocate du militant anti-français présente au tribunal qui l’a déjà été condamné deux fois pour « outrage à agent » : « « Mon client n’est pas violent mais il exprime ses convictions de manière risquée » complète Maitre Terrel. » Hitler devait être à peu près dans les mêmes dispositions…

Reporters en toc pour révolutionnaires en carton

Quand StreetPress réalise un reportage sur les Black Blocs, ces autres fils de bourgeois désœuvrés occupés à se donner des émotions en saccageant l’espace public et en s’affrontant aux CRS, le ton épique, l’adhésion infantile, l’absence de recul et la modalité binaire sont de mise. « Autour d’un café, Ahmad et Jonathan rembobinent la scène, des étincelles dans les yeux : « C’était vraiment la honte pour eux. On a inversé le rapport de force. On a vu la peur dans leurs yeux… Ils se sont pris une branlée de fou ». » Donc la violence, dans ce sens-là, est présentée comme héroïque et exaltante. Mais quand les jeunes branleurs prennent leur fessée, on obtient ça : « Il grimace douloureusement. Selon lui, les policiers n’y vont pas avec le dos de la cuillère : « Des manifestants ont pris des flash-ball dans la tête. Certains ont failli perdre un œil ». Ça veut dire que les règlements ne sont pas respectés par la police. L’État laisse faire parce que ça permet de maintenir l’ordre par la peur. » On devrait sans doute en conclure que les CRS sont priés, de leur côté, de retenir leurs coups et de ne pas trop éprouver nos Che Guevara en herbe. On ne peut pas, d’un côté, outrepasser toutes les limites du droit encadré de manifester pour prôner la violence révolutionnaire, et de l’autre, se plaindre que l’État se défende. La naïveté de la réflexion trahit bien, cela dit, à quel point, les gamins en question entendent moins faire la révolution que de jouer à la révolution et, par conséquent, entendent ne se faire tirer dessus qu’avec des balles à blanc.

Idiotie utile

C’est un peu la même chose avec les journalistes de StreetPress : ils jouent aux journalistes, aux éveilleurs, aux esprits forts, sans se rendre compte qu’ils prônent indirectement toutes les conditions culturelles nécessaires à imposer en Europe un libéralisme communautariste et libertaire à l’américaine, avec toutes les contradictions manifestes qu’un tel système comprend. Mais ça, ça ne tient pas à la prétendue violence policière, mais au génie des adultes qui, de tout temps, manipulent la fougue et la bêtise adolescentes.

Dossier : StreetPress, site-vitrine mais entreprise réelle de formatage Idéologique

Dossier : StreetPress, site-vitrine mais entreprise réelle de formatage Idéologique
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Né il y a presque cinq ans, en décembre 2009, StreetPress veut jouer dans la cour des grands « nouveaux médias », comme Médiapart ou Rue89. Dans le monde des tout-en-ligne, il fait pourtant figure de petit poucet, et mise sur des formats rares à l’écran : les articles publiés nécessitent en moyenne cinq minutes de lecture, à l’image des articles au long cours publiés dans les magazines.

StreetPress ne réagit pas à l’actualité ; fonctionnant avec une équipe plutôt réduite, il ne pourrait pas rivaliser avec la nombreuse concurrence. Au contraire, le site préfère dérouler une ligne éditoriale « jeune » (pour ne pas dire jeuniste) avec des sujets qui reviennent comme des obsessions.

L’information anecdotique tient aussi une place étonnamment importante chez StreetPress.

L’information anecdotique tient aussi une place étonnamment importante chez StreetPress.

La dénonciation de « l’extrême droite » est l’un de des thèmes les plus étudiés. Chaque mois, ou plus souvent, selon son humeur, la rédaction propose un florilège du « pire de la presse d’extrême droite ». StreetPress se gausse des ennuis judiciaires et financiers de ces confrères haïs et met en exergue des phrases censées décrédibiliser les idées supposées « patriotes » ou tout simplement d’inspiration chrétienne.

À l’inverse, les clandestins que StreetPress préfère appeler « sans-papiers », bénéficient de toute la bienveillance du site. Branché (ou croyant l’être), StreetPress s’attache à tout ce qui est jeune, ou plutôt à tout ce qui « fait jeune ». Les journalistes y prennent assez explicitement parti pour les voyous des banlieues contre les policiers, comme dans un article récent intitulé Le business des outrages.

L’information anecdotique tient aussi une place étonnamment importante chez StreetPress. La rédaction n’hésite pas à consacrer par exemple un article assez long à une vente de cassettes audio qui, de son propre aveu, n’attire que quelques dizaines d’amateurs. C’est comme cela que StreetPress entend hiérarchiser l’information.

Les phénomènes de société, comme l’immigration – toujours présenté sous le même angle laudatif – le sexe, l’homosexualité, sont beaucoup plus souvent traités que les questions économiques. Les articles culturels, eux, sont réservés au seul art (très) contemporain.

Un succès en demi-teinte

Les formats longs peinent à trouver leur public sur Internet. Ceux de StreetPress dans lesquels quelques rares informations sont souvent perdues au milieu d’un long récit ne semblent pas faire exception à la règle.

Pour se faire une idée de l’audience du site, il faut aller sur les réseaux sociaux. Eux seuls, avec les nombres d’abonnements et les mentions “j’aime”, peuvent nous donner une idée de l’influence de StreetPress. Les quelques 10 000 “j’aime” récoltés sur Facebook par le site font pâle figure à côté des 70 000 mentions de Boulevard Voltaire, le site fondé par Robert Ménard d’inspiration opposée et pourtant plus récent. Rue89, auquel StreetPress voudrait se comparer, évolue carrément dans une autre galaxie avec plus de 420 000 “j’aime”.

Sur Twitter, l’audience de StreetPress n’est pas plus importante. Pour un site qui entend s’adresser aux jeunes urbains, en pointe sur les réseaux sociaux, c’est une piètre performance.

Au-delà du suivi de la page, l’écho des articles pris individuellement est lui aussi limité. Sur Facebook, les articles publiés par StreetPress peinent à rassembler plus de trente mentions “j’aime”, tandis que les commentaires restent rares. À titre de comparaison, Boulevard Voltaire récolte quotidiennement plus de cent mentions sur certains de ses articles.

Un modèle économique étrange

L’accès aux articles de StreetPress est entièrement gratuit. Alors comment, en dépit d’une fréquentation plutôt modeste, le site peut-il rémunérer une équipe de neuf personnes et payer ses frais de fonctionnement ?

Officiellement, StreetPress vit de la publicité. Le directeur du site, Johan Weisz-Myara, évoque des partenariats avec des annonceurs qui, au lieu d’acheter des espaces publicitaires comme cela se fait régulièrement, paieraient pour des lots d’articles mettant en valeur leurs produits ou leur cause. Le tout sans droit de regard sur le contenu produit. À la lecture du site, la réussite ne saute pas aux yeux, tant on peine à trouver ces articles publicitaires.

Il y a bien, sur le site, plusieurs placards publicitaires. Mais l’audience apparente fait douter de la viabilité d’un modèle publicitaire qui ne permet pas même de faire vivre les champions du secteur.

Pour faire fonctionner son site et payer toutes ses charges, StreetPress semble avoir trouvé un autre modèle, sans vraiment l’avouer.

Abel Mestre chez StreetPress.

Abel Mestre, le journaliste du Monde spécialisé dans la chasse aux sorcières et au FN, chez StreetPress. DR

StreetPress a en effet mis sur pied un programme de formation pour apprentis journalistes : la Street School. Il ne s’agit pas vraiment d’une école de journalisme, même si le terme est utilisé par ses promoteurs. La Street School est plutôt un programme de formation très accélérée, avec des cours uniquement organisés le samedi, quinze semaines par an. Les participants au programme bénéficient de cours dispensés par les journalistes de StreetPress et par des intervenants extérieurs, comme par exemple le 10 juin 2014, Abel Mestre, le journaliste du Monde spécialisé dans la chasse aux sorcières et au FN…

Journaliste engagé, Mestre ne craint pas les raccourcis. Devant les auditeurs de la Street School, il démontrait en effet que le FN était un parti « extrémiste » parce que la préférence nationale, qu’il défend, « a été considérée comme illégale par un tribunal administratif ». Un raisonnement étrange. Le tribunal administratif de Paris ayant interdit le travail du dimanche chez Séphora en juillet 2013, faudra-t-il considérer comme « extrémiste » tout élu défendant le travail dominical ?

Gratuite, la formation est sponsorisée par des partenaires. Et ce sont ces partenaires qui semblent pouvoir constituer une source importante de revenus la plus fiable pour la petite entreprise de Johan Weisz.

Des sponsors engagés

La liste de ceux qui soutiennent la Street School, et donc StreetPress, est affichée sur le site du programme de formation, sans qu’apparaisse clairement la nature ou le niveau de contribution de chacun. Parmi ces soutiens figurent des médias : le gratuit Metronews, le magazine So Foot ou Radio Campus. Tous ces partenaires médias ne disposent pas de la même force de frappe et il est difficile de connaître la nature de leur soutien.

Mais le programme est aussi soutenu par des partenaires dont la puissance financière ne fait aucun doute. Free, l’opérateur de télécommunications du milliardaire Xavier Niel, fait partie de la liste. L’homme, co-actionnaire du Monde et du Nouvel Observateur, est connu pour investir des sommes considérables dans les médias.

À côté de Free figure la fondation Evens, du nom d’un couple de philanthropes belges passionnés par la construction européenne. Sur son site, la fondation explique qu’elle soutient des projets « qui contribuent au progrès et au renforcement d’une Europe fondée sur la diversité culturelle et sociale ». Un vrai petit manifeste politique en une phrase.

Un autre philanthrope, beaucoup moins discret que la famille Evens, apparaît également parmi les soutiens de la Street School : George Soros.. Le milliardaire américain, qui a fait fortune en spéculant sur les devises, s’est fait une spécialité de soutenir des causes politiques par l’intermédiaire des Open Society Foundations. Soros est notamment connu pour avoir offert un trésor de guerre 100 millions d’euros à Human Rights Watch, une association qui, sous couvert de promotion des droits de l’homme, avait critiqué la loi française interdisant le port du voile intégral dans la rue. Le milliardaire se vante également d’avoir financé l’insurrection de la place Maïdan, fin 2013 en Ukraine. Soros est aussi souvent associé au groupuscule Femen qu’il financerait. Enfin son nom est régulièrement évoqué comme un « partenaire » de la CIA (une de ses fondations dirige aujourd’hui radio Free Europe/Radio Liberty, la radio de la CIA pendant la guerre froide ! voir ici pour en savoir plus : Soros, le maîtres des ONG) Autant de partis pris qui pourraient introduire un véritable biais dans l’analyse journalistique de StreetPress.

Des mercenaires du journalisme

StreetPress est éditeur de H, le magazine des jeunes médecins

StreetPress est éditeur de H, le magazine des jeunes médecins.

En lisant attentivement les pages du site, on apprend que StreetPress est éditeur de H, le magazine des jeunes médecins. Émanation de l’Inter-syndicat National des Internes (ISNI), ce trimestriel gratuit a été confié à StreetPress à l’occasion de sa refonte, à l’automne 2013. Le ton de H est calqué sur celui de StreetPress : urbain et branché, c’est un outil de séduction pour le syndicat professionnel.

L’ours du magazine précise que la rédaction est dirigée par Johan Weisz, secondé par Elsa Bastien et d’une bonne partie de l’équipe de StreetPress. Autant de personnes rémunérées, au moins partiellement, par l’ISNI. De quoi questionner l’indépendance de StreetPress le jour où le site traitera certains sujets liés à la santé.

StreetPress ressemble finalement davantage à une vitrine destinée à vanter une équipe de rédacteurs qui vendent leurs services pour la formation ou l’édition, qu’à un véritable média qui rechercherait l’équilibre économique dans un partenariat avec ses lecteurs et, éventuellement, des annonceurs attirés par ces lecteurs.

La formation en école de commerce du patron du site, Johan Weisz-Myara, n’y est peut-être pas étrangère. Diplômé de l’ESSEC, Weisz – connu à l’état-civil sous le nom de Jonathan Myara – est né en 1983. Il a commencé sa carrière Journalistique à Radio Shalom, une radio communautaire juive de gauche. À cette époque, il a co-signé un livre, OPA sur les juifs de France (Cécila Gabizon et Johan Weisz, OPA sur les Juifs de France. Enquête sur un exode programmé 2000-2005, Grasset, 2006, 264 pages) dans lequel il enquêtait sur un exode de la diaspora juive de France vers Israël organisé par l’État hébreu. Weisz y dénonçait notamment le rapprochement de la communauté avec « le radicalisme de droite pour mieux s’opposer au danger islamiste perçu comme prioritaire ».

Johan Weisz, un homme de réseaux

Johan Weisz-Myara

Johan Weisz-Myara. Crédit : DR

Entrepreneur, Johan Weisz est un homme de réseaux. Il est notamment lié à l’historien socialiste Patrick Weil à plusieurs titres. Celui-ci est d’abord actionnaire de StreetPress. Weil a aussi accueilli StreetPress pendant plusieurs mois dans les locaux de Bibliothèques sans frontières, une ONG qu’il préside. Weil a enfin colonnes ouvertes chez StreetPress, où il exprime assez régulièrement ses idées sur l’immigration ou l’intégration. Ancien membre de la commission Stasi et du Haut Conseil à l’Intégration, c’est un partisan déclaré de l’extension du droit du sol.

Le nom de Johan Weisz est aussi souvent associé à celui de Cécilia Gabizon. Journaliste expérimentée, elle est aujourd’hui rédactrice en chef de la version en ligne de Madame Figaro. C’est notamment avec elle que Johan Weisz a écrit OPA sur les juifs de France. C’est également avec Cécilia Gabizon qu’il a fondé StreetPress, puis la Street School. Elle apparaît aujourd’hui en tant que directrice pédagogique du programme de formation en journalisme. Elle donne des cours qui peuvent être écoutés en ligne, sur les plateformes d’hébergement de vidéos.

Dans la droite ligne éditoriale de StreetPress, Cécilia Gabizon défend un journalisme de terrain. Fière d’être née de parents étrangers, elle explique que les gens ont « une perception étroite du monde ». Aux journalistes, donc, de leur ouvrir les yeux. Elle invite vivement ses ouailles à se rendre en banlieue, son terrain préféré lorsqu’elle était grand-reporter au Figaro. Et quand elle raconte un reportage au cours duquel, en octobre 2001, elle avait entendu des jeunes de banlieue lui dire que « Oussama [Ben Laden] il est trop fort », c’est pour expliquer à son public que c’est pour eux une façon de faire entendre la « situation sociale trop difficile » de « ces gamins ». Une façon assez personnelle d’interpréter les faits.

Entouré de ses influents financiers, StreetPress est sans doute un outil de formatage plus influent qu’il n’y paraît, en particulier grâce à ses activités de formation. Derrière le site, c’est finalement une entreprise discrète mais vraisemblablement efficace d’un point de vue financier que nous avons découverte. Une entreprise où libéralisme sociétal et libéralisme économique marchent main dans la main.