Quand la presse française et américaine inventent une déclaration de Trump

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Source : Ojim.fr – Bien connue pour son suivisme vis-à-vis des médias américains, la presse française a à nouveau sauté sur une occasion d’égratigner Donald Trump… au risque de se ridiculiser.

Lundi 19 février, Le Monde et Libération (entre autres) publiaient deux articles au titre racoleur, estimant que Donald Trump avait « inventé un attentat en Suède ». Car outre-Atlantique, la polémique fait rage. Lors d’un rassemblement en Floride dimanche, le président américain a vu ses propos déformés par les grands médias (qui lui sont majoritairement hostiles).

Ces derniers ont en effet prêté au Président des propos, qu’il n’a pas tenu en ces termes exacts, l’accusant d’avoir inventé un attentat survenu la veille du meeting, en Suède. L’affaire, largement relayée, a créé toute une polémique allant jusqu’à faire réagir les autorités suédoises. Voici ce que Trump déclarait ce jour-là : « You look at what’s happening last night in Sweden,» Mr Trump said. «Sweden. Who would believe this? Sweden. They took in large numbers. They’re having problems like they never thought possible. » À aucun moment il n’est question d’attentats, mais simplement de « problèmes ».

D’ailleurs, Le Monde et Libération ont eux-mêmes traduit par : « Regardez ce qui se passe en Allemagne, regardez ce qui s’est passé hier soir en Suède. La Suède, qui l’aurait cru ? La Suède. Ils ont accueilli beaucoup de réfugiés, et maintenant ils ont des problèmes comme ils ne l’auraient jamais pensé. » Là aussi, pas de traces d’un quelconque attentat. Et pourtant… « Quand Donald Trump invente un attentat en Suède », titre Libération, qui précise plus bas que le président « a laissé la Suède perplexe, voire goguenarde, lors d’un discours prononcé samedi où il devisait sur la crise des réfugiés et l’insécurité dans le monde, et a évoqué un attentat commis dans le pays scandinave — qui n’a en fait jamais eu lieu ».

De son côté, Le Monde titrait : « Donald Trump invente un acte terroriste en Suède. » Plus bas, le quotidien du soir ajoutait : « Pour étayer son propos, Donald Trump a même voulu en fournir la preuve séance tenante : la Suède, pays particulièrement accueillant, vient de subir un attentat, dit-il. » C’est en tout cas la version qui était disponible en ligne lundi en début de matinée. Mais à 11h26, la phrase avait été modifiée en : « Pour étayer son propos, Donald Trump a même voulu en fournir la preuve séance tenante : il a sous-entendu que la Suède, pays particulièrement accueillant, venait de subir un attentat. » Le Monde a-t-il l’ombre d’un doute ? Le titre n’a pas été modifié pour autant.

Durant la campagne électorale, une large majorité des médias américains a tout fait pour dénigrer, diaboliser et freiner le candidat républicain afin d’empêcher son élection et faire triompher Hillary Clinton. Quelle ne fut pas leur surprise le soir de l’élection du diable en personne… Désormais, ces mêmes médias semblent concentrés sur une autre mission : pourrir au maximum l’administration et l’action de leur Président, ce qui est tout de même assez incroyable.

En France, c’est encore pire, l’hostilité ne se justifiant que de très loin. Pendant la campagne, nos médias se sont montrés d’une extrême partialité pour une élection pourtant étrangère. Cette fois, ils se sont contentés de surfer sur la polémique en suivant aveuglément leurs confrères américains, montrant que la claque de novembre dernier ne leur avait pas servi de leçon. Bien peu déontologique, surtout pour un médias, Le Monde, qui s’est depuis peu érigé en autorité morale du journalisme, auto-proclamé chasseur de « fake news » avec son tristement célèbre Décodex…

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La défiance envers médias et journalistes se poursuit

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Source : Ojim.fr – Comme tous les ans, le journal La Croix a publié son baromètre des médias, qui a pour but de refléter la confiance des Français envers médias et journalistes.

Et comme chaque année, tous les indicateurs sont au rouge. D’après les chiffres de l’Institut Kantar, tous les supports ont perdu en crédibilité aux yeux du public : la radio a perdu 3 points avec 52 % de taux de confiance (restant ainsi le support jugé le plus fiable), la presse écrite a perdu 7 points à 44 %, la télévision 9 points à 41 % et le Web 5 points à 26 %.

Aussi, les Français présentent de moins en moins d’intérêt pour l’information, qu’ils jugent biaisée. Seulement 64 % des personnes interrogées se disent intéressées par l’information, soit une baisse de 6 points. Pire : 67 % des sondés estiment que les journalistes ne sont pas indépendants des pressions des partis politiques ou du pouvoir.

En parallèle de cette défiance croissante, le désintérêt s’accentue au profit des médias alternatifs ou des réseaux sociaux. En revanche, le taux de confiance envers les informations glanées sur le web est bas : 73 % des sondés déclarent ne pas avoir confiance dans les informations qui y circulent. Pour les médias, c’est une opportunité de se placer en médiateur, en tuteur, pour « vérifier l’information ».

Présidentielle : les réseaux sociaux sont-ils en train de détrôner les médias ?

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Source : Ojim.fr – Auteur du livre La Langue des médias. Destruction du langage et fabrication du consentement (éd de l’Artilleur/Toucan, 2016), Ingrid Riocreux, que l’Ojim a été l’un des premiers médias à interroger sur son livre passionnant, donnait récemment un entretien au Figaro/Vox.

Dans celui-ci, l’agrégée de Lettres modernes analysait le langage des principaux candidats à la présidentielle et leurs rapports aux médias. Mais avant tout, au regard des initiatives de Jean-Luc Mélenchon et Florian Philippot, qui ont tous deux créé leur chaîne Youtube, un constat s’impose selon elle : internet, les réseaux sociaux et les médias alternatifs ont pris une place importante dans le grand concert de l’information.

Ainsi désormais, « la hiérarchie de l’information échappe en grande partie aux médias officiels », explique-t-elle. En témoignent les récentes agressions de Cologne, commise par des clandestins, et que les médias officiels ont, dans un premier temps, tenté d’étouffer. Or aujourd’hui, « toute tentative d’étouffer des faits avérés est contre-productive. Les faits en question finissent par être connus parce que les réseaux sociaux propagent les images et les témoignages ».

En parallèle, « les médias alternatifs gagnent en crédibilité: ils apparaissent comme ceux qui disent ce que les autres nous cachent », note Ingrid Riocreux. Pour contrer cette menace, les médias traditionnels ont donc choisi, de plus en plus, de nous mettre constamment en garde contre internet et les réseaux sociaux. Certes, cet appel à la prudence peut paraître légitime, mais pour l’essayiste, « ces mêmes médias ne semblent pas se l’appliquer à eux-mêmes », et commettent souvent des bourdes. La faute à la volonté d’être le premier à sortir une information, et donc à ne pas vraiment la vérifier, entre autres…

Concernant le monde politique, force est de constater que la majorité du personnel politique « se soumet au magistère moral des médias et accepte ce système dans lequel il faut utiliser certains mots et pas d’autres ». Et quand bien même beaucoup dénoncent ce magistère et se prétendent « hors système », ils ne le sont pas totalement. Car on ne peut tout simplement pas l’être, « cela reviendrait à ne pas exister du tout », nous dit Ingrid Riocreux. Et d’ajouter : « Si on laisse de côté ceux qui se prétendent hors système sans l’être en rien, les candidats « hors système » sont, en réalité, ceux qui arrivent à utiliser le système contre lui-même. »

[Dossier] Élections à Berlin : l’analyse des médias allemands

[Dossier] Élections à Berlin : l’analyse des médias allemands
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Source : Ojim.fr – Les élections à Berlin ont été une fois de plus l’occasion pour la presse française de produire analyses superficielles et phrases toute faites semblant sortir mécaniquement d’un traitement de texte robotisé : nouveau revers de la CDU, percée du parti « d’extrême-droite » AfD, Berlin reste à gauche… Aucun journaliste français n’a examiné à la loupe ces résultats afin d’en tirer des analyses un tant soit peu pertinentes. Et de s’étonner de cette « percée nationaliste » dans cette capitale pourtant si « multiculturelle »…

Les gros titres sont globalement justes si on reste à la surface des choses :

  • les partis institutionnels (la CDU, mais aussi le SPD et les Verts) ont enregistré de lourds revers,
  • l’AfD, mais aussi le libéral FDP (parti libéral-démocrate) ont enregistré des progressions, très fortes dans le cas de l’AfD (de 0 à 14%),
  • l’extrême-gauche (Die Linke, d’une certaine manière comparable à notre Front de Gauche) se maintient ou enregistre une faible progression,
  • la gauche reste globalement au pouvoir, mais l’ancienne « grande coalition » SPD-CDU devra céder la place à une coalition SPD-Grüne-Die Linke, c’est-à-dire rose-vert-rouge. Une ancienne coalition improbable de perdants sera donc remplacée par une nouvelle coalition improbable de perdants,
  • l’abstention a par ailleurs été forte, contrairement aux dernières élections régionales à l’Est.

Une sociologie politique très particulière

Les médias allemands ont été plus loin dans l’analyse aussi bien historique que sociale et géographique.

Pour mieux comprendre la politique locale berlinoise, il convient de comprendre la sociologie très particulière de cette ville au passé récent tumultueux : Berlin a été, de 1949 à 1990, coupée en deux entre Berlin-Ouest (RFA) et Berlin-Est (RDA). La partie ouest de la ville, constituée comme une île démocratique capitaliste dans la mer du paradis collectiviste communiste, n’a jamais eu de sociologie normale : coupée de son arrière-pays et d’une économie rentable du fait des coûts de transport, elle a été sous perfusion financière pendant des décennies, peuplée d’une part de fonctionnaires et autres employés parapublics sous subsides de l’État, et d’autre part d’une faune d’étudiants, d’artistes et de marginaux en rupture de ban dont la présence a été longtemps marquée par un puissant mouvement de squatters (165 immeubles occupés dans les années 70). La ville, dont le futur chancelier SPD Willy Brandt a été le maire de 1957 à 1966 avant d’être propulsé chef du gouvernement allemand de 1969 à 1974, a été gouvernée sans interruption par la gauche jusqu’à aujourd’hui. Mais dans des conditions qui ont désormais fortement évolué : dans les années 60 et 70 le SPD recueillait régulièrement plus de la moitié des suffrages. Ça n’est plus du tout le cas actuellement.

Les élections berlinoises ne sont en rien comparables aux dernières élections qui ont eu lieu en Mecklembourg-Poméranie Occidentale ou en Saxe-Anhalt. Elles n’en sont pas moins très emblématiques de l’évolution politique allemande vers l’éclatement et l’ingouvernabilité – non pas « malgré » le radieux « Multikulti », mais à cause de l’éclatement provoqué par le « Multikulti ». La sociologie de Berlin a en effet rapidement évolué après la chute du mur (1990) : une classe moyenne de commerçants, d’artisans et de professions libérales a vu le jour, repoussant en partie les fonctionnaires et les marginaux. Par ailleurs, les « Ossis » ont pu se maintenir dans certains quartiers. D’autres quartiers ont été massivement investis par une immigration musulmane turque et arabe.

Un vote éclaté entre groupes socio-ethniques et religieux

Les différentes tribus qui peuplent désormais Berlin (Gentry, Wessis, Ossis, marginaux et musulmans) ne se sont nullement réparties de façon uniforme dans la ville. Comme partout ailleurs en Europe de l’Ouest, elles se sont regroupées par affinité dans les différents quartiers de la ville. Les résultats des élections sont extrêmement représentatifs de cet éclatement, qui empêche désormais tout consensus raisonnable.

On constate ainsi que la CDU n’existe politiquement qu’à l’Ouest, tout comme d’ailleurs le libéral FDP. À l’inverse, le parti d’extrême-gauche Die Linke n’existe pratiquement qu’à l’Est. Seul l’AfD enregistre d’excellents scores à l’Est, mais aussi de bons scores à l’ouest. Mais un examen plus minutieux des résultats quartier par quartier permet d’éviter toute conclusion trop hâtive d’un clivage Ouest/Est classique. C’est tout autre chose que l’on constate bien au contraire à la lumière de ce dernier :

  • les quartiers Est doivent être en effet soigneusement divisés entre les quartiers de la première couche en partant du centre, par exemple Friedrichshain-Kreuzberg ou Neukölln. Ces quartiers ont très nettement voté à gauche voire à l’extrême-gauche. Le premier compte 22% d’immigrés musulmans, le second 15% de Turcs et 10% d’Arabes. Les marginaux, alternatifs et autres représentants de la gauche culturelle y sont également fort nombreux.
  • Les quartiers Est de la seconde couche, tels que Marzahn-Hellersdorf, Treptow-Köpenick, Lichtenberg et Pankow, nettement plus excentrés, ont accordé entre 20 et 25% de leurs suffrages à l’AfD. Ils ne comptent que 4 à 5% d’immigrés musulmans en moyenne. Ce sont les quartiers typiquement « Ossis ».
  • Mais les quartiers ouest « gentrifiés », tels que Spandau, Reinickendorf et Neukölln, ont également accordé leurs suffrages à l’AfD et aussi au FDP – d’où de bons scores de l’AfD, mais moindres que dans les quartiers « Ossis »

Conclusion ? Contrairement à ce qu’on a pu lire çà et là, la percée de l’AfD ne s’est pas faite « en dépit du multiculturalisme berlinois ». C’est tout à fait autre chose que l’on observe : la politique à Berlin est en voie de tribalisation. Elle ressemble de plus en plus à ce que l’on observe dans ces faux pays arabes ou africains, dans lesquels une multitude de tribus qui ne forment pas de nation ethnique ni civique (chrétiens/musulmans et animistes ou bien nomades/sédentaires en Afrique, ou bien encore sunnites/shiites/minorités religieuses dans le monde arabe) ne votent pas pour des partis défendant des options de gouvernance, mais des intérêts ethnico-politico-religieux, ce qui contraint à des alliances improbables.

À Berlin, la gentry de l’ouest a fait basculer en partie son vote du CDU vers le FDP et l’AfD. À l’Est, les quartiers marginaux-immigrés ont fait basculer en partie le leur du SPD vers Die Linke, qui s’affirme de plus en plus comme un parti islamo-gauchiste. Et à l’Est encore, les quartiers « Ossis » ont eu tendance à délaisser le SPD pour l’AfD, qui s’affirme donc comme le parti des « petits blancs », démocrate et libéral, mais aussi eurosceptique et islamosceptique.

Berlin c’est déjà un peu politiquement (non militairement) Bagdad à cause de l’éclatement multiethnique, dans le cadre duquel s’affrontent des groupes que ne peut unir aucun consensus parce que leurs visions même de la société sont incompatibles. La fin de la domination absolue du SPD dans cette ville avait contraint ce dernier parti à former, lors des avant-dernières élections, une grande coalition avec la CDU. Désormais, c’est une autre coalition bancale que les sociaux-démocrates devront former avec les Verts et les islamo-gauchistes.

L’éclatement ethnico-religieux de Berlin rend la ville ingouvernable : la dernière grande coalition avait déjà été incapable de prendre à bras-le-corps les problèmes qui, selon les enquêtes récemment effectuées, continuent à préoccuper les Berlinois : le logement, les écoles et les crèches, l’emploi et la sécurité.

La prochaine coalition rose-vert-rouge semble ainsi vouée à l’échec. Les Berlinois ne sont d’ailleurs pas dupes : un très grand nombre d’entre eux a voté « avec les pieds »… en s’abstenant de se déplacer. Contrairement à ce qui s’est passé au Mecklembourg-Poméranie Occidentale en effet, l’abstention est restée élevée lors de ces élections dans la capitale allemande.

Sources :

Crédit photo : Taxiarchos228 via Wikimedia (cc)

[Dossier] Les médias allemands face à l’AfD

[Dossier] Les médias allemands face à l'AfD
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Source : Ojim.fr – Dossier : Les médias allemands face au succès du parti Alternative für Deutschland (AfD) aux élections régionales en Mecklembourg-Poméranie Occidentale.

L’État fédéral de Mecklembourg-Poméranie Occidentale est sans doute l’une des régions les plus méconnues de la République Fédérale d’Allemagne. Peuplée initialement par des tribus slaves elle a été progressivement germanisée dans le sillage du fameux Drang nach Osten (« Poussée vers l’est ») du XIème siècle jusqu’à la défaite des Chevaliers Teutoniques à Tannenberg (1410). Elle a également subi une forte influence scandinave : les Vikings suédois tout proches ont souvent ravagé ses côtes du VIIIème au XIème siècle; Gustave-Adolphe Vasa en a conquis une bonne partie pour le compte de la Suède pendant la Guerre de Trente ans (Traité de Westphalie, 1648) jusqu’à ce que le « Grand Électeur » de Brandebourg, Frédéric-Guillaume von Hohenzollern la leur reprenne en infligeant aux Suédois la mémorable défaite de Fehrbellin (1675). Mais cette région se distingue également par une côte sableuse aux contours tourmentés d’estuaires d’un romantisme à couper le souffle, des îles touristiques (Rügen, Usedom) et un arrière-pays bosselé (relief postglaciaire) pittoresque où alternent prairies, lacs et forêts d’une nature souvent intacte. Exception faite de quelques grandes villes anciennes, c’est une région largement rurale qui n’a pas été défigurée par la révolution industrielle, par ailleurs très ouverte sur l’est de l’Europe en l’absence d’obstacles topographiques dans cette direction jusqu’à l’Oural.

Cette belle endormie vient d’être le théâtre d’un événement historique : la spectaculaire percée du parti AfD avec 20% de suffrages lors des élections régionales.

Le parti Alternative für Deutschland (AfD) est un parti de droite conservateur, démocrate et libéral anti-islam. La presse et les médias français n’ont cessé, dans leurs commentaires, de parler de « percée de l’extrême-droite » lors des élections brandebourgeoises et poméraniennes. L’article en français dans Wikipédia est infiniment plus nuancé dans sa description :

« Considéré comme un parti « anti-establishment«  et classé plutôt du côté de la droite conservatrice, son appartenance à la tendance populiste est discutée — l’AfD rejette cette classification, tout en déclarant n’être « ni de gauche ni de droite ». Il adhère en juin 2014 au groupe des Conservateurs et réformistes européens, qu’il quitte en avril 2016 après la scission de l’Alliance pour le progrès et le renouveau l’année précédente. »

Aucun journal allemand ne désigne l’AfD comme un parti d’extrême-droite. Les termes utilisés sont généralement « rechtspopulistisch » et « konservativ », soit « populiste de droite » et « conservateur » – un terme qui ferait plutôt référence à une partie du néo-conservatisme américain, qui défend la démocratie et le libéralisme.

« Certains scientifiques voient dans son programme politique des tendances populistes de droite, mais ce parti est majoritairement considéré comme conservateur. (Die Zeit, 05/09/2016). Les autres médias main stream (Süddeutsche Zeitung, die Welt, Die Zeit) utilisent ce même qualificatif dans leurs articles, idem pour les médias audiovisuels. Le qualificatif d’extrême-droite devrait nécessairement désigner une tendance politique visant à instaurer un État fort et autoritaire, centralisé, avec abolition de la démocratie, du pluralisme politique et de la liberté d’expression.

Alternative für Deutschland (AfD) défend farouchement la Grundgesetz, la loi fondamentale démocratique allemande, nettement plus démocratique que les institutions de la Vème République française. Le parti souhaite même la compléter en y introduisant des éléments de démocratie directe afin de prévenir toute confiscation du pouvoir à l’avenir.

La même chose vaut d’ailleurs du FPÖ autrichien, de l’UDC suisse, du PVV néerlandais, du SD suédois, tous partis démocrates souverainistes, libéraux, favorables au contrôle migratoire, hostiles à l’islam et pro-israéliens que les médias français évoquent tous en permanence comme étant « d’extrême-droite ».

Les grands traits « conservateurs » et « populistes » du programme d’Alternative für Deutschland (AfD)

Le néo-conservatisme de l’AfD

Le programme économique de l’AfD présente des traits largement inspirés du libéralisme :
– moindre progressivité de l’impôt (point 11.1),
– limitation des dépenses publiques et de la fiscalité (point 11.2),
– abolition de tous les impôts sur les sociétés, la fortune et la succession (point 11.3),
– restauration du secret bancaire (point 11.7).

« Ceci convient au programme économique de l’AfD, qui s’inspire de principes néolibéraux et affiche un fort scepticisme par rapport aux interventions de l’État dans l’économie, veut soulager les entreprises, accorder davantage de responsabilité aux citoyens. Süddeutsche Zeitung, 05/09/2016. Le Süddeutsche Zeitung est de tendance sociale-démocrate.

À noter que l’AfD souhaite mettre un terme à une politique de libre-échange indifférencié pour lui substituer un libre-échange différencié en fonction des situations et des conditions structurelles. Le parti s’est par exemple déclaré hostile au TTIP/Tafta.

Le « populisme » d’AfD

Le « populisme » de l’AfD peut se décliner en deux volets : l’euroscepticisme et la volonté d’instaurer une politique d’immigration restrictive, notamment de l’immigration musulmane.

Le programme de l’AfD prévoit :

  • Le renoncement à l’euro ; l’AfD considère en effet que cette monnaie ne saurait fonctionner en l’absence d’homogénéité des structures économiques et des traditions de politique économique des différents pays européens ; l’AfD croit à la résilience à long terme de ces phénomènes et ne croit pas à la possibilité d’une convergence; l’AfD prône le retour au DM et aux autres devises nationales ;
  • L’AfD souhaite la totale restauration de la souveraineté législative des parlements nationaux européens, c’est-à-dire la substitution du centralisme par un fédéralisme intégral au sein de l’UE (le terme de « fédéralisme » étant pris ici au sens propre et non au sens de « centralisme » qu’il a souvent en France quand on parle d’Europe). Mais cette demande est bel et bien une demande de restauration de la démocratie confisquée par Bruxelles.

« L’AfD prône la dissolution de la zone Euro et le retour aux monnaies nationales comme le DM. » Die Welt 05/09/2016

L’AfD est en outre hostile aux déconstructions sociétales, comme le mariage pour tous.

« Les points forts du programme de ce parti sont : l’exigence d’une sortie de l’Euro, le plaidoyer en faveur de la famille traditionnelle et de l’énergie nucléaire, l’exigence de davantage de démocratie directe. Die Zeit, 05/09/2016

Ce premier sujet sensible dans une Europe de l’ouest où les « avancées (= déconstructions) sociétales » sont censées ne pouvoir être remises en cause, même démocratiquement (totalitarisme). Mais le véritable torchon rouge est la volonté de mettre en place une politique de limitation de l’immigration, et surtout l’hostilité à l’islam.

L’AfD pense en effet que la politique d’immigration allemande – ou plutôt son absence – est devenue folle. Elle exige le renoncement à la pensée magique et religieuse, et l’adoption d’une politique restrictive et surtout rationnelle dans ce domaine.

La question de l’immigration n’a en effet jamais été une question morale, religieuse ou raciale. Toute immigration a des conséquences économiques et sociales qui peuvent, selon les conditions dans lesquelles elle survient, être positives ou négatives, comme le démontrent les études réalisées par l’État allemand lui-même. L’AfD a toujours rejeté l’idéologie « antiraciste » comme étant une imposture et propose la mise en place d’une politique rationnelle de l’immigration et d’asile.

« C’est parce que nous tenons à l’État de droit que nous estimons que la politique d’immigration doit être réglementée par la loi selon des critères clairs, s’inspirant par exemple de ceux qui existent en Australie ou au Canada. Ce qui est décisif, ce sont les connaissances linguistiques, la formation, les connaissances professionnelles et les exigences du marché allemand du travail. L’AfD rejette totalement toute immigration à la seule charge du système social allemand – y compris en provenance des pays de l’Union Européenne. » (Portail AfD).

Cette politique ne consiste donc pas à fermer les frontières, mais à les réguler. La dernière phrase de ce programme implique en outre clairement que l’AfD veut mettre fin aux accords de Schengen : la restauration de l’État de droit signifie celle des frontières…

Ce discours touche des pans entiers de la société allemande :

« (Leif-Erik) Holm (candidat de l’AfD à la présidence en Mecklembourg-Poméranie Occidentale, NDLR) l’a dit et répété : « Nous ne laisserons pas plus longtemps les anciens partis conduire notre pays à la catastrophe » et encore « La police fédérale doit contrôler nos frontières » ». Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), 05/09/2016

On se rappellera ici opportunément de l’extraordinaire succès de l’essai « Deutschland schafft sich ab (L’Allemagne se détruit) » de Thilo Sarrazin, vendu à des millions d’exemplaires…

Et Frauke Petry – porte-parole de l’AfD depuis le 4 juillet 2015 – martelant : « Plus de 90% des demandeurs d’asile viennent alourdir la charge de l’État-Providence .

Fortes restrictions imposées à l’islam

« Un élément central (de la politique de l’AfD, NDLR) est constitué par le rejet général de l’islam. Cette religion doit être refoulée en Allemagne. Die Zeit, 05/09/2016

« L’AfD mène un combat culturel – pas une guerre des classes » Süddeutsche Zeitung (SZ), 05/09/2016

L’islam est considéré comme une religion anti-démocratique, totalitaire, suprématiste, raciste et antisémite, phallocrate et ségrégationniste. Le fait que des individus nés musulmans ne suivent pas à la lettre ses préceptes ne change rien à son contenu.

L’AfD marche sur des œufs dans ce domaine, tant l’interdiction de la critique de cette religion a progressé en détruisant des pans entiers de la liberté d’expression et partant de la démocratie. Le programme de l’AfD énonce que l’islam ne fait pas partie de l’Allemagne. Il affirme même que ce dernier est verfassungswidrig (contraire à la constitution), ce qui ouvre théoriquement la porte à son interdiction. Mais comme l’AfD veut cependant maintenir la liberté de culte, ce parti se propose seulement d’interdire entre autres les minarets, l’appel du muezzin et le voile intégral, veut accepter tous les musulmans qui reconnaissent la constitution et renoncent à tout ce qui, dans l’islam, y est contraire. Le parti ne veut donc pas interdire l’islam, mais se contenter de dissoudre les associations rejetant la constitution et la construction et la gestion de mosquées intégristes, tout comme les financements étrangers par des pays ou des individus islamistes. Les imams doivent être formés en Allemagne et en allemand.

Leif-Erik Holm : « Les citoyens ne veulent pas que notre pays et toute l’Europe deviennent petit à petit un califat » Die Welt, 05/09/2016

Cette attitude vis-à-vis de l’islam constitue le motif de critique le plus violent d’un establishment qui a renoncé à la démocratie et à la liberté d’expression dans ce domaine en condamnant, voire en poursuivant judiciairement toute critique du totalitarisme islamique.

C’est surtout l’extrême-gauche qui enfonce le clou :

« Toute comparaison directe du NSDAP et de l’AfD serait certes impropre et anachronique. Il y a cependant des parallèles étonnants : ce ne sont plus « les juifs », mais « l’islam » qui est devenu l’ennemi fantasmé des populistes de droite. 75% des partisans de l’AfD voient dans l’islam un danger pour l’Allemagne, selon une analyse de (l’institut de sondage) infratest-dimap sur le résultat des élections. 86% ont répondu oui à l’affirmation « le nombre des migrants me fait peur . Pas moins de 100% sont d’avis que le nombre des migrants doit être limité. Le sujet des migrants a constitué pour 54% le motif de vote en faveur de l’AfD, suivi de la justice sociale avec 48% (notons que ces électeurs considèrent que ce sont des mesures libérales, et non l’intervention tous azimuts de l’État, qui sont le meilleur garant de cette dernière, NDLR). » Tageszeitung (TAZ) 05/09/2016

L’électorat de l’AfD : clivages sociaux

Certains journaux allemands ont donné de l’électorat de l’AfD une image plutôt dévalorisante : « Masculin, diplôme de fin d’études secondaires, au chômage » Die Welt 05/09/2016. « 28% des électeurs de l’AfD ont un faible niveau de formation ». TAZ 05/09/2016.

Mais une étude de l’Institut der deutschen Wirtschaft (Institut de l’économie allemande) vient quelque peu tempérer ces affirmations péremptoires : selon elle, un tiers des sympathisants de l’AfD ferait partie des revenus de la tranche supérieure. Seul le très libéral FDP peut s’enorgueillir de scores comparables. (Süddeutsche Zeitung (SZ) 05/09/2016). Or le FDP est le seul parti à afficher une progression aux élections régionales de Mecklembourg-Poméranie Occidentale à part l’AfD. Ces deux partis séduisent clairement un électorat de petits entrepreneurs, de patrons de PME, d’artisans et de professions libérales, qui n’ont jamais demandé une immigration de peuplement, contraire aux très grandes entreprises qui le font pour des raisons de collusion avec le monde politique – un phénomène que nous avons déjà précédemment évoqué.

Un sondage des électeurs de l’AfD commandé par le Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) le 05/09/2016 a montré que ce parti obtenait les meilleurs résultats chez les groupes suivants :

  • hommes (26%, contre 17% de femmes) âgés de 30 à 44 ans,
  • issus de la société civile et de l’économie privée (indépendants, artisans, commerçants, petits entrepreneurs mais aussi travailleurs du privé en général),
  • ayant une formation faible à moyenne,
  • issus des périphéries urbaines plutôt que citadins, voire ruraux. C’est ainsi que les circonscriptions de Vorpommern-Greifswald II, III et V – rurales et à la frontière polonaise – sont majoritairement tombées aux mains de l’AfD. C’est de là que provient une bonne partie des députés AfD. Sur la paradisiaque île touristique d’Usedom, 9 communes sur 16 ont voté à plus de 40% pour l’AfD ou le NPD (extrême-droite).

Les femmes, les fonctionnaires, les plus jeunes et les plus vieux sont donc moins enthousiastes, mais l’AfD dépasse les 10% dans tous les groupes et n’est donc rejetée nulle part.

Il est le premier parti des travailleurs, sans toutefois rebuter complètement les fonctionnaires, les diplômés d’études supérieures ni les retraités. Les chômeurs votent également pour lui, sans pour autant rejeter le libéralisme : ce sont les obstacles systémiques à l’emploi qui doivent être éliminés, tout doit être fait pour que les bénéficiaires du Hartz IV (sorte de « RSA » à l’Allemagne) retournent à l’emploi coûte que coûte.

À noter que plus de 15% des électeurs de l’AfD sont des transfuges de l’extrême-gauche, de l’alter-mondialisme et de l’antifascisme, séduits par la volonté de l’AfD de mettre fin à un libre-échange indifférencié pour lui substituer un libre-échange différencié en fonction des situations et des conditions structurelles. Ce sont en fait les classes moyennes qui fournissent les gros bataillons des électeurs de l’AfD, sans toutefois qu’aucun autre groupe ne soit totalement rebuté par ce parti.

L’électorat de l’AfD : clivages géographiques

Le principal clivage politique structurel observable est géographique : l’AfD engrange deux fois plus de voix (autour de 20% en moyenne) dans les régions de l’est issues de l’ex-RDA qu’à l’ouest (autour de 10% en moyenne). Mais elle n’est pas sans séduire les régions du sud (Bade-Wurtemberg, Bavière, autour de 15% aux dernières élections).

Les états fédérés de l’est issus de l’ex-RDA rejettent le politiquement correct et le gauchisme idéologique, qui leur rappellent de mauvais souvenirs pires que ceux de l’époque nazie. Le sud alémanique et bavarois a une forte identité historique extrêmement ancienne. Les états fédérés de l’ouest sont des régions artificiellement créés après la guerre, sans identité forte, ravagées dès le XIXème siècle par la révolution industrielle, et comprenant de fortes communautés turques ou afro-musulmanes courtisées électoralement.

Le consensus politique allemand déstabilisé

La percée de l’AfD déstabilise le système politique allemand, car il ne rentre pas dans le consensus qui s’est installé après-guerre. Cette déstabilisation est durable : l’analyse des résultats au Mecklembourg-Poméranie Occidentale montre en effet deux phénomènes structurels essentiels :

  • la spectaculaire progression de l’AfD s’est faite au détriment de tous les autres partis,
  • l’AfD est parvenue à mobiliser de nombreux abstentionnistes ce qui a permis à ce parti de parler de « grand jour pour la démocratie » suite aux dernières élections : plus de la moitié des électeurs ont voté AfD par conviction, mais tout de même 42% par rejet des partis traditionnels.

« L’AfD a empiété sur les plates-bandes de tous les partis. C’est ce que montrent les données collectées par le groupe de recherche sur les élections mandaté par la ZDF (2nde chaîne publique allemande). 17% des électeurs avaient coché SPD il y a cinq ans, 16% NPD (extrême-droite), 15% CDU (chrétiens-démocrates), 3% Verts et FDP. Süddeutsche Zeitung (SZ), 05/09/2016.

L’AfD est parvenu à se mettre en phase avec le mécontentement grandissant au sein de la société allemande, et ce dans un pays économiquement dynamique, avec un taux de chômage modéré, un excédent commercial appréciable et un endettement public et social acceptable… c’est bel et bien le Kulturkampf (la « guerre des civilisations ») qui est au cœur de la crise en Allemagne.

Leif-Erik Holm a qualifié Angela Merkel de « chancelière-dictateur », et la RFA d’« autocratie dominée par des tyrans ». Des mots qui touchent les laissés-pour-compte et les dégoûtés de la politique…

« Il y a sûrement beaucoup de vacanciers à Usedom pendant l’été, mais les étrangers (extra-européens) ou les demandeurs d’asile sont rarissimes dans tout le Mecklembourg-Poméranie Occidentale. Pourquoi donc la question des réfugiés domine-t-elle à un tel point le débat là où ils sont absents ? […] La xénophobie fonctionne en effet sans étrangers, déclarent des experts tels que le professeur de politique de Mainz Jürgen Falter : « Ces électeurs n’ont pas besoin de confrontation pour fantasmer un ennemi imaginaire. Il leur suffit de croire que celle-ci pourrait se produire ». » TAZ, 05/09/2016

Comme dans les pays d’Europe centrale, les länder de l’est ne veulent en aucun cas subir les horreurs qu’ils constatent à l’ouest. Ils les préviennent donc en freinant des quatre fers. C’est un phénomène de séparation des populations non-miscibles et de constitution de réserves. À l’ouest, le clientélisme oblige les politiques à faire le grand écart en ménageant les électeurs musulmans. Mais les communautés se séparent sur le terrain et rêvent chacune de deux pays diamétralement opposés.

Tout se passe par ailleurs comme si, et ce à l’instar des tendances constatables dans les pays d’Europe centrale, les Allemands de l’est regardaient de plus en plus l’ancienne puissance coloniale russe avec les yeux de Chimène : « De nombreux partisans de l’AfD et le Front de gauche (allemand) font davantage confiance à Poutine qu’à Merkel » (Die Zeit, 05/09/2016) ; « La confiance en Poutine est supérieure de presque un tiers (30%) parmi les soutiens de l’AfD à la moyenne nationale. C’est également le cas chez les électeurs de gauche (radicale) (31%). C’est ce qui ressort d’une enquête menée par l’institut de sondage Forsa commandé par le Zeit. » Die Zeit, 05/09/2016.

La montée de la crise politique en Allemagne

Les partis de l’establishment ont réagi par des mesures d’urgence à la crise à l’est. Il existe ainsi depuis 2015 des grandes coalitions (rouge-noir, soit SPD-CDU) dans cinq états fédérés dont 4 dans l’ex-RDA : Berlin, Mecklembourg-Poméranie Occidentale, Saxe-Anhalt, Saxe et Sarre (Ouest). Ce type de coalition apparaît dans un pays en crise, mais épris de consensus. Il consiste néanmoins à abolir le système partisan dans les faits et l’histoire montre qu’elles ne sont jamais que des situations transitoires. Ce fut par exemple le cas de la célèbre Grande Coalition du chancelier Kurt-Georg Kiesinger (1966 – 1969), qui ne fit guère que marquer la transition en douceur d’une domination de la démocratie chrétienne (1949 – 1966) vers celle de la social-démocratie (1969 – 1981) dans le cadre des bouleversements qui ont abouti à la crise de 1968-69, en attendant le retour de bâton néo-conservateur de 1981.

L’avenir reste incertain. L’AfD pourrait triompher à l’est mais pas ou nettement moins à l’ouest, la question du sud restant un dilemme. Une alliance de la Bavière et du Bade-Wurtemberg avec les états fédérés de l’est pourrait entraîner un blocage politique au niveau de l’assemblée haute, le Bundesrat (Conseil fédéral), constitué des représentants des 16 régions. Un désaccord irréconciliable entre les partis de l’establishment et l’AfD entraînerait une crise politique majeure en Allemagne dans l’impossibilité de réaliser le sacro-saint consensus, sachant que nul ne peut prédire l’évolution d’un CDU menacé d’implosion interne, sans compter que nombre de membres de la CSU bavaroise ne sont pas hostiles à l’AfD.

Sources

Polémiques sur le burkini : les réactions en Allemagne

Polémiques sur le burkini : les réactions en Allemagne
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Source : Ojim.fr – Le burkini a fait les gros titres de la presse de cet été. En France bien sûr, mais aussi à l’étranger. On a ainsi pu lire à plusieurs reprises dans certains quotidiens français, notamment dans Libération et dans Le Monde, que la presse étrangère ne « comprenait pas le débat français » ou bien qu’elle était « choquée par les arrêtés anti-burkini ». Sans nuance aucune.

On ne peut ici qu’une fois de plus constater la forte tendance des journalistes français à ne pas enquêter, à ne pas examiner tous les aspects contradictoires d’un sujet, à ne pas informer exhaustivement avant de formuler une synthèse. La presse française n’informe pas, elle prescrit. La majorité de la presse française n’est pas la presse d’un pays démocratique.

Il va sans dire que les journaux anglo-saxons, par exemple, reflètent surtout l’attachement fondamental à la liberté de culte et d’expression, l’une et l’autre fortement restreintes en France… Le monde anglo-saxon ne connaît rien à la culture de la laïcité. Il eût été judicieux d’analyser les causes de ces attitudes, certes piégées dans le fameux « paradoxe de la tolérance » de Karl Popper, mais très différentes des postures françaises. Les journaux espagnols cités sont quant à eux des journaux de gauche, de plus en plus gagnés par un certain islamo-gauchisme. Leur position est donc comparable sur le fond à celle de Libération et du Monde. On aurait trouvé également des sons de cloches très différents au Québec.

Il ressort de ce préambule qu’il est parfaitement faux de dire que la presse étrangère ne comprenait pas – globalement – le débat français sur le burkini. La réalité est que le burkini a suscité des débats dans toute l’Europe, débats dont la teneur a pu se rapprocher, mais aussi se différencier fortement des débats français. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les opinions sont aussi partagées qu’en France.

Examinons le cas de l’Allemagne, comme en France, le burkini a fait une apparition massive dans les piscines, au bord des lacs et même des plages des mers du Bord et Baltique, illustrant clairement le caractère global de cette offensive islamiste culturelle :

  • comme en France, les attitudes des autorités locales ont été fortement contrastées : certaines ont laissé faire, mais d’autres ont promulgué à leur tour des arrêtés anti-burkini,
  • comme en France enfin, les débats ont été vifs dans la presse et les médias sociaux.

Plusieurs arrêtés anti-burkini dans les piscines allemandes, surtout en Bavière et à l’Est

La réalité est que de nombreuses piscines allemandes ont promulgué, sous leur propre responsabilité ou à travers les décisions de responsables politiques locaux, des arrêtés anti-burkini de teneur similaire à ce qu’on a pu voir en France. Mais ce qui est frappant à ce niveau, c’est le fort contraste qui existe entre les différentes régions.

La Bavière s’est par exemple largement prononcée en faveur de la prohibition du burkini dans les piscines publiques. L’interdiction prononcée à Neutraubling, dans le Haut-Palatinat (nord de la Bavière), a ainsi mis cette paisible petite ville près de Ratisbonne sur le devant de la scène à l’instar de Cannes en France. Elle a fait tache d’huile. Les régions du sud (Bade-Wurtemberg, Palatinat…) se sont généralement alignées sur l’exemple bavarois. L’idyllique cité de Constance au bord du lac du même nom a également fait parler d’elle du fait des procédures judiciaires intentées par les organisations pro-djihad culturel.

L’Est de l’Allemagne ne veut lui non plus rien entendre du burkini. Cette partie de l’Allemagne a cela de particulier qu’elle possède en effet une forte culture du naturisme (FKK = Freikörperkultur). Née dès les années 20, cette pratique n’a cessé de se renforcer sous un national-socialisme soucieux de promouvoir la culture du corps, et plus tard sous la dictature communiste. Elle est ainsi rentrée intacte de plein pied dans la nouvelle Allemagne réunifiée, alors qu’elle avait fortement décliné à l’ouest après la guerre. C’est ainsi que de nombreuses piscines du Brandebourg, du Mecklembourg-Poméranie et de Saxe, de Saxe-Anhalt ou de Thuringe ont à leur tour banni le burkini. Alors que le nudisme est autorisé en de nombreux endroits. Il est vrai par ailleurs qu’à part Berlin, le taux d’immigrés dans la population est ici moindre qu’à l’ouest – et on se souvient aussi que la population est fortement hostile à l’immigration afro-musulmane, et que PEGIDA et l’AfD font un tabac dans cette partie de l’Allemagne. Or justement, des incidents ont été signalés aux thermes de Berlin. Des femmes voilées, choquées par la résistance au djihad culturel rencontrée à Bad Saarow (Brandenburg), ont eu une belle occasion de se poser en victimes en déclarant, le 22 août 2016 au Hannoversche Allgemeine Zeitung , qu’elles « se sentaient discriminées ». Des plaintes classiques pour « racisme », « injures » etc. ont été déposées.

La situation est bien différente, par exemple, en Rhénanie du Nord-Westphalie. À Oberhausen par exemple, le directeur général de l’office des piscines municipales OGM, Hartmut Schmidt, a déclaré au Westdeutsche Allgemeine Zeitung s’être « décidé en faveur de la tolérance ». Dortmund a préféré par contre bannir le burkini de ses piscines municipales.

Conclusion : on ne peut qu’être frappé à nouveau par les clivages régionaux que suscite la question de l’islam en général en Allemagne – le burkini n’étant qu’un aspect parmi bien d’autres. Les régions issues de l’ex-RDA y sont farouchement hostiles, à l’instar des pays d’Europe Centrale, et rejettent bien plus fortement le politiquement correct qui s’est imposé à l’ouest. Mais également les régions du sud, à forte identité bavaroise et aussi alémanique, ont plutôt mal accueilli le burkini. Le rejet alémanique a d’ailleurs fort logiquement trouvé un écho dans la Suisse alémanique toute proche : signalons le cas de Bâle, excédée par les débordements des musulmans venus de l’Alsace toute proche. Les régions de l’ouest en revanche, sans forte identité depuis l’exode rural massif de l’époque industrielle et à fort taux d’immigration – et partant d’électeurs musulmans, notamment germano-turcs – ont adopté des attitudes plus contrastées et partant souvent plus « tolérantes ».

Un débat tout aussi faussé qu’en France, mais dans des termes très différents du débat français : pas de laïcité ni de « valeurs de la République »… c’est l’hygiène qui justifie les prohibitions… mais le public n’est pas dupe.

L’Allemagne est un pays démocratique. Il n’existe aucune base légale pour interdire ou prescrire légalement un vêtement quelconque aux citoyens. Il a donc fallu trouver autre chose pour justifier les interdits. L’Allemagne n’est par ailleurs pas un pays laïc. Elle reconnaît certains cultes, au nom desquels d’ailleurs l’État prélève une dime qu’il reverse aux différents cultes reconnus. Il n’y a d’ailleurs pratiquement pas de mot allemand pour dire « laïcité » et l’équivalent du mot français n’est jamais utilisé et pratiquement incompris. Il est vrai que la laïcité à la française cache en réalité la déification d’un État théocratique. Rien de tel en Allemagne, pas plus que de « valeurs de la République » censées supplanter la volonté populaire, et donc la démocratie.

Mais l’Allemagne est très à cheval sur la propreté. C’est ainsi que les longs shorts, fort en vogue outre-Atlantique, ont été prohibés dans ce pays pour des raisons d’hygiène. C’est donc cette interdiction qui a servi de jurisprudence pour les arrêtés anti-burkini.

C’est ce que reflètent aussi les articles publiés dans la presse nationale et régionale. Partout, les vraies questions ont été soigneusement évitées. Nul n’ignore que l’argument « de l’hygiène » n’est qu’un paravent visant à soigneusement éviter les questions de fond. En Allemagne comme en France, le politiquement correct a tué la réalité de la liberté d’expression dans de nombreux domaines.

Comme en France, on a vu des « intellectuels » turcs, comme le chercheur spécialiste des questions des migrations Özkan Ezli, déclarer sans rire au quotidien Die Welt  le 22 juillet dernier que le burkini, ce symbole d’apartheid caractéristique d’un islam génétiquement porteur d’une idéologie du pur et de l’impur séparant musulmans et infidèles au même titre que le voile ou le halal, était « un vêtement ambivalent positif » qui permettait aux femmes musulmanes de « s’intégrer socialement ». L’intégration par la séparation, voilà un beau concept à ajouter à la longue liste des termes techniques orwelliens.

Partout donc, le monde politique et médiatique a soigneusement occulté le problème latent de la cohabitation, dans un même pays, de populations aux valeurs radicalement opposées.

Pourtant, ce qui est occulté par les autorités soucieuses d’éviter tout débat sur la paix civile, le caractère idéologique irréaliste de la non-politique migratoire et les mensonges éhontés de l’idéologie d’État depuis des décennies, ne trompe plus guère l’opinion publique. Il est en effet intéressant de lire les multiples commentaires des lecteurs, qui montrent les passions, les inquiétudes et les prises de conscience de l’ampleur des problèmes qu’a déclenché l’offensive du burkini. Les Allemands de base sont de plus en plus conscients que la question du burkini n’a rien à voir avec l’hygiène, mais avec les valeurs fondamentales de l’égalité hommes-femmes (que nie le burkini), de l’unité de la société (que nie le burkini) et au-delà de la compatibilité de l’islam et de son idéologie du pur et de l’impur séparant musulmans et infidèles avec les valeurs multiséculaires d’une Allemagne de culture chrétienne, et donc majoritairement « infidèle ».

Dans tous les cas, cette séparation abyssale entre les élites et le peuple est parfaitement illustrée par ce sondage réalisé par l’Hildesheimer Allgemeine Zeitung le 18 août dernier :

Question : que pensez-vous de l’interdiction du burkini dans les piscines ?
Réponses :           1 019

Je suis pour :      62,5%
Je suis contre :  32,5%
Ça m’est égal :     5,0%

Quant au maire de Neutraubling, Heinz Kiechle, il a déclaré au quotidien Die Welt, le 11 juin, avoir été inondé de messages de soutien de sa décision d’interdiction, à des années-lumière des débats du monde politique et médiatique.

Sources

[Dossier] StreetPress : le kébab des médias

[Dossier] StreetPress : le kébab des médias
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[Première diffusion le 7 juillet 2016] Rediffusions estivales 2016

Cette entreprise de formatage idéologique a déjà été évoquée ici dans sa structure, ses moyens et ses buts. Mais le sujet est décidément trop riche pour n’être davantage exploité… L’OJIM revient donc sur StreetPress sous l’angle de sa prose, de sa rhétorique, de sa mythologie : quand la caricature vire au burlesque.

Difficile d’être aussi ouvertement binaire, mais l’info selon StreetPress, ce n’est pas exposer des faits et développer des analyses, mais se masturber sans fin la fibre clanique dans un esprit post-ado où la conscience des choses se limite à ce qui se fait ou ne se fait pas dans le gang, où le débat collectif se réduit à scander en permanence ce noir et blanc fondateur d’une identité précaire, normalement transitoire, mais ici complaisamment entretenue papier après papier. Il y a ce qui est cool : le rap, le foot, les joggings, les manifs, les Noirs et les Arabes, les casseurs, les antifas, les lesbiennes, Internet et les jeux vidéos. Et puis il y a ce qui « fout le seum » : les flics, l’ordre, l’État, les fachos, la grammaire et le monde adulte en général. Misant sans doute sur la chute du QI que subit l’Occident et la dégradation manifeste de l’Éducation nationale pour s’imposer comme média collaboratif sur la tranche des 20/30 ans d’aujourd’hui, StreetPress divulgue à un rythme soutenu un contenu aussi peu nourrissant qu’il est gras, un contenu qu’on consomme en bande sur le même banc entre deux concours de mollards et en observant avec fierté le « nike la police » tout juste gravé sur l’une des lattes de bois ; un contenu débité au kilo, prémâché et noyé sous des épices à la fois artificielles et vulgaires – en somme, StreetPress est aux médias ce que le kébab est à la gastronomie.

Le degré zéro du journalisme

Ce qui distingue a priori le site, c’est la longueur de ses papiers, un format qui dénote dans le monde des médias Internet où la brièveté est en général de mise. On s’attendrait donc à des articles de fond, un peu creusés, avec des arguments substantiels, des analyses développées – que l’espace soit exploité, en somme. On tombe en effet sur quelque chose de tout à fait inédit dans les méthodes journalistiques, mais pour d’autres raisons. Aucun angle, rien n’est problématisé, rien n’est non plus structuré ou articulé, ce journalisme au rabais, exploitant le narcissisme verbeux et ignare de la « Net Generation », propose moins des articles journalistiques que des sortes de témoignages en langage de « djeunes » adhérant totalement à leur sujet, complaisants, longs, prévisibles. Loin de toute réflexion, de toute cérébralité, on s’immerge émotionnellement dans un bonheur de fans, quand, bien sûr, on ne cultive pas la peur des méchants toujours sur un plan purement émotionnel, en évoquant la droite ou les policiers. Mais ce qui est le plus saisissant demeure cette absence totale de distance par rapport à leurs sujets. Par exemple, l’un des derniers « reportages » de StreetPress s’intéresse à la chaîne de vêtements de sport « Foot Korner ». Décrivant fascinés les lieux et les êtres qu’ils découvrent, recueillant les paroles de leurs interlocuteurs comme des trésors à offrir au lecteur, et sans jamais engager le moindre débat ou mettre l’interviewé face à ses paradoxes, ce long papier soulève pourtant des problèmes de société tout à fait exemplaires.

Le fantasme des « Boloss »

La plupart des « journalistes » de StreetPress sont des jeunes Blancs avec des têtes de victimes que leurs idoles de banlieue qualifieraient, sociologiquement parlant, de « boloss » (« bourgeois lopettes », destinés, normalement, à l’humiliation ou au racket par les bandes de racailles des cités). En adoration devant tout ce qui transpire un peu la banlieue, les reporters de StreetPress s’agenouillent donc éblouis devant un exemple de pur libéralisme communautaire tel que l’incarne Foot Korner, sans jamais en relever les aspects problématiques. Notamment, cet enfermement communautaire, faisant que le jeune immigré de banlieue semble toujours davantage condamné à mariner dans une culture précaire qui l’isole du reste du pays, quoi qu’elle fasse fantasmer le petit Blanc qui, lui, aura toujours la possibilité d’y échapper. Les mœurs un rien frustes des deux frères ayant ouvert leur chaîne à succès sont relayées en toute sympathie. Par exemple, ceux-ci tweetent : «#CaCritiqueMaisSaSuceEnChetca », ce qui signifie plus ou moins : « Les mêmes personnes jalouses qui nous critiquent en public tentent de nous séduire en privé. » « Leurs piques régulières sur Instagram leur ont déjà valu quelques soucis. Il y a quelques semaines, un concurrent s’installe à Lille. Ils postent une photo d’un pied qui lève le troisième doigt. »

Manières de caïds de ZEP, ensauvagement des rapports humains, que vient corroborer une autre anecdote. Deux gamins de la cité avoisinante expliquent les raisons pour lesquelles ils se sentent bien chez Foot Korner : « C’est comme si on était au quartier. On n’entre pas en disant : “bonjour, pardon”. En plus on peut tutoyer les vendeurs. »

Derrière la comédie gangsta, le drame social

Forcément, cet ensauvagement des mœurs a parfois des conséquences hors du cadre du magasin lui-même. Par exemple quand le rappeur Niska, en septembre 2015, vient faire une dédicace au « Foot Korner » du Havre et que la fête vire à l’émeute. Cette conséquence logique de la brutalité des rapports décrite plus haut est minimisée d’une manière pour le moins étrange : « La pression était montée et Niska avait dû couper court. Les médias locaux titrent sur une « émeute » après que des jeunes se sont attaqués aux tramways tout proches. » StreetPress insinue donc que le terme « émeute » est inapproprié et stigmatisant. Une « émeute », tout ça parce que des jeunes attaquent des tramways ! Comme vous y allez, ma bonne dame ! Sauf qu’avec un tel comportement, on comprend aisément que la séparation entre la France des banlieues et le reste du pays ne peut que s’aggraver. Une France des banlieues condamnée au rap, au foot, à l’émeute et à se trimbaler en jogging. « On sait que les grands frères, même avec un Bac +5, ils n’y arrivent pas. Alors on se replie sur nous. » Voilà comment se conclue l’article. Et une phrase aussi grave, témoignant d’un repli identitaire revendiqué et posant la question de la désintégration de la société française ne soulève aucune mise en perspective, aucune mise en garde, chez nos petits Blancs en extase. Derrière la comédie gangsta, le drame social, mais chez StreetPress, jamais on ne franchit le premier degré des choses.

Potentiel comique de la bêtise

Cela dit, cette invincible adhésion au premier degré possède parfois des vertus comiques. L’article sur Babacar Gueye, jeune sénégalais clandestin tué par la police, à Rennes, au cours d’une crise de démence, vire involontairement au burlesque le plus époustouflant. Louis Demarles réalise une « contre-enquête » afin de transformer un fait divers tragique en dossier à charge contre la police qui aurait commis une « bavure » dans cette affaire. Il s’agit de monter tout un scénario pour mettre en scène l’acharnement supposé d’une police digne de celle de Vichy vis-à-vis des nouveaux Juifs de 40 qu’incarneraient les clandestins. On va donc commencer par transformer Babacar Gueye en nouvelle Anne Franck, en racontant sa journée pour susciter l’empathie. Chez StreetPress, un clandestin n’est pas un clandestin, ce n’est même pas un « sans-papier », c’est mieux, c’est un « sans-pap’ » ! L’étranger ayant pénétré dans votre pays de manière illégale, par les vertus de l’apocope, est devenu d’un coup « tellement cool et stylé » qu’on aimerait tous, comme lui, être un « sans-pap’ ». Avant le drame, afin de pousser au maximum l’identification et le pathos dans cet exercice d’intoxication qu’est la prétendue « contre-enquête », Demarles touche au sublime : « Le 2 décembre, la soirée commence tranquillement pour « Baba », mais le jeune sans pap’ a le blues. » Cette manière de romancer des faits que, pour sa part, l’enquêteur n’a jamais été en mesure d’observer n’est pas franchement déontologique. Mais comme toujours, ce qui compte, ce n’est ni la vérité ni la raison, mais la jouissance émotionnelle partisane. Bref, notre « sans pap’ » qui va bientôt être victime d’une police immonde a pourtant « tout fait pour s’intégrer. Bon danseur, il a pris des cours de Salsa avant de dispenser à son tour des cours de danse africaine. » Il a dû se tromper de continent à intégrer, possiblement. Mais ce : « Il a tout fait pour s’intégrer, il a pris des cours de Salsa », rédigé sans rire, sans trembler, est d’un comique involontaire redoutable.

Exploitation idéologique des faits divers

Bref, en ce 2 décembre, en pleine nuit et comme il a le blues, notre jeune « sans pap’ » s’empare d’un couteau de cuisine, s’automutile et blesse le jeune homme qui l’héberge. «Il exécutait des petit pas de danse, et des gestes d’automutilation, qui laissaient sur son bras et son ventre de légères éraflures. Ce sont des gestes rituels Baye-Fall [obédience religieuse, ndlr]. » Le type s’automutile et vous blesse au couteau en pleine nuit parce qu’il se sent « persécuté par des esprits » et il pousse des cris en wolof, mais cela ne relève sans doute que d’une option culturelle différente qu’il faudrait découvrir avec bienveillance… Le colocataire appelle donc les pompiers et s’étonne que la Bac débarque également (en même temps, vu la situation, on s’étonne qu’il s’étonne que les pompiers aient pu ressentir le besoin d’une escorte). Celle-ci ne parvient pas à obtenir de « Baba » qu’il lâche son couteau et le perçoit comme très agressif. Ce qui serait donc faux, d’après Pierre, le coloc : « La voix de “Baba” était rauque, il était effrayé et effrayant, mais il n’était pas menaçant. » Nuance qu’on ne peut reprocher aux policiers de n’avoir eu la subtilité de percevoir. Ensuite, le « sans pap’ » en transe avance dans l’escalier arme au poing, les policiers paniquent, tirent, l’homme se relève et poursuit sa route armé. Jusqu’à tomber enfin inconscient mais toujours en vie. Il succombera malheureusement de la suite de ses blessures. La situation est donc très claire : les policiers ont paniqué et n’ont pas géré la situation au mieux, c’est évident. Mais il n’y a nulle part une « bavure », ils n’ont pas profité de leur uniforme pour maltraiter quelqu’un. L’article est illustré par des stickers appelant à l’abolition des frontières et des patries. Mais la nature-même de « sans pap’ » n’a strictement aucune incidence dans le drame qui nous est rapporté. Des policiers gèrent mal la crise de démence d’un individu armé. Celui-ci aurait-il été blanc ou jaune, clandestin ou français depuis Vercingétorix, que leur réaction aurait été la même. C’est donc le pseudo journaliste qui exploite, lui, sans vergogne, un fait divers tragique pour l’enrégimenter au service de sa cause, et quoi qu’il ne dispose d’aucun élément tangible qui puisse le lui permettre. Et l’on peut trouver cet acharnement contre l’image de fonctionnaires français sous-payés et confrontés à des situations toujours plus difficiles, de la part de fils de bobos se prenant pour des journalistes, tout simplement immonde.

Des perles à chaque article

Sur StreetPress, on glane des perles à chaque article, au point que, si la lecture n’était si fastidieuse, on serait tenté de les collectionner. Dans un article titré « À Lille, la Police (s’)éclate » et qui présente encore les fonctionnaires de Police comme des brutes assoiffées de sang réprimant les manifestants, attaché à héroïser ces derniers, le journaliste écrit cette phrase : « Un homme en fauteuil roulant décide de faire un sitting. Il restera sur place un bon bout de temps. » Il est vrai que la faculté des tétraplégiques à éterniser les « sittings » est remarquable ! Réalisant le portrait de Marcus, un communautariste africain de la « brigade anti-négrophobie », on relaie ceci au sujet des clandestins : « Après les attentats, on a dit que certains terroristes s’étaient mêlés à eux pour rentrer en France. On trouvait ça important de soutenir une population stigmatisée » explique Marcus. Et le rédacteur de ne pas relever, d’abord, que les faits présentés comme des mensonges (des terroristes se sont glissés parmi les clandestins) sont avérés. Ensuite, que ce déplacement du statut de victime des jeunes Français assassinés comme des bêtes de boucherie vers les clandestins qui pourraient, éventuellement, voir leur réputation être ternie après les événements, est moralement tout à fait scandaleuse. Plus loin dans l’article, on relaie encore sans la moindre distance la défense grotesque que l’avocate du militant anti-français présente au tribunal qui l’a déjà été condamné deux fois pour « outrage à agent » : « « Mon client n’est pas violent mais il exprime ses convictions de manière risquée » complète Maitre Terrel. » Hitler devait être à peu près dans les mêmes dispositions…

Reporters en toc pour révolutionnaires en carton

Quand StreetPress réalise un reportage sur les Black Blocs, ces autres fils de bourgeois désœuvrés occupés à se donner des émotions en saccageant l’espace public et en s’affrontant aux CRS, le ton épique, l’adhésion infantile, l’absence de recul et la modalité binaire sont de mise. « Autour d’un café, Ahmad et Jonathan rembobinent la scène, des étincelles dans les yeux : « C’était vraiment la honte pour eux. On a inversé le rapport de force. On a vu la peur dans leurs yeux… Ils se sont pris une branlée de fou ». » Donc la violence, dans ce sens-là, est présentée comme héroïque et exaltante. Mais quand les jeunes branleurs prennent leur fessée, on obtient ça : « Il grimace douloureusement. Selon lui, les policiers n’y vont pas avec le dos de la cuillère : « Des manifestants ont pris des flash-ball dans la tête. Certains ont failli perdre un œil ». Ça veut dire que les règlements ne sont pas respectés par la police. L’État laisse faire parce que ça permet de maintenir l’ordre par la peur. » On devrait sans doute en conclure que les CRS sont priés, de leur côté, de retenir leurs coups et de ne pas trop éprouver nos Che Guevara en herbe. On ne peut pas, d’un côté, outrepasser toutes les limites du droit encadré de manifester pour prôner la violence révolutionnaire, et de l’autre, se plaindre que l’État se défende. La naïveté de la réflexion trahit bien, cela dit, à quel point, les gamins en question entendent moins faire la révolution que de jouer à la révolution et, par conséquent, entendent ne se faire tirer dessus qu’avec des balles à blanc.

Idiotie utile

C’est un peu la même chose avec les journalistes de StreetPress : ils jouent aux journalistes, aux éveilleurs, aux esprits forts, sans se rendre compte qu’ils prônent indirectement toutes les conditions culturelles nécessaires à imposer en Europe un libéralisme communautariste et libertaire à l’américaine, avec toutes les contradictions manifestes qu’un tel système comprend. Mais ça, ça ne tient pas à la prétendue violence policière, mais au génie des adultes qui, de tout temps, manipulent la fougue et la bêtise adolescentes.

[Dossier] Ces patrons de presse cités dans les « Panama Papers »

[Dossier] Ces patrons de presse cités dans les « Panama Papers »
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[Première diffusion le 19 mai 2016] Rediffusions estivales 2016

Début avril, l’International Consortium of Investigate Journalists (ICIJ), basé à Washington, révélait plus de 11,5 millions de documents confidentiels issus du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca. Des personnalités étaient citées comme ayant eu recours à ce cabinet pour créer des sociétés offshore afin de dissimuler leurs actifs. Parmi elles, des patrons de presse…

Patrick Drahi, actionnaire de Libération, L’Express, BFMTV…

Propriétaire d’Altice (SFR, Numéricable) et actionnaire de nombreux médias français (Libération, L’Express, BFMTV, RMC), Patrick Drahi a vu son nom repris par L’Obs et « Cash Investigation » (mais pas Le Monde…) dans le scandale des « Panama Papers ».

Aussitôt, Altice s’est fendu d’un communiqué affirmant avoir eu recours tout à fait légalement, entre novembre 2008 et décembre 2010, aux services d’une société panaméenne. « Le groupe international Altice, que contrôle M. Patrick Drahi et qui compte aujourd’hui 262 filiales et participations dans le monde, a recouru à une société panaméenne, dans laquelle ni M. Patrick Drahi ni le groupe Altice n’ont jamais détenu, directement ou indirectement, de participation », explique le communiqué.

Pour Altice, cette société offshore « a été utilisée sur des opérations accessoires pour des raisons de stricte confidentialité et dans des conditions parfaitement légales, sans aucune incidence fiscale, et a fortiori étrangères, de près ou de loin, à toute fin d’évasion, de dissimulation, ou d’optimisation fiscale ».

Il faut dire que l’organigramme de l’empire Drahi est tellement complexe qu’il est difficile de s’y retrouver. Malgré tout, quelques lignes se dégagent, notamment grâce à ce graphique réalisé par Capital (voir également notre infographie).

On peut voir que la holding Altice SA est domiciliée au Luxembourg, État fantôme à la fiscalité aussi attractive qu’opaque. « De là, plusieurs embranchements, dont l’un passe par la société Next LP à Guernesey, autre paradis fiscal, qui détient Jenville SA au Panama qui, elle même, possède Altice Média France », précise Capital. C’est dans le porte-feuille de Jenville SA que se trouvent, justement, les médias contrôlés en France par Drahi.

Si BFMTV s’est empressée de défendre son patron et qu’Altice nie tout en bloc, l’empire Drahi offrira sans doute de nombreux secrets à qui voudra bien s’y intéresser en profondeur…

Juan Luis Cebrian, patron du groupe Prisa (El País)

Patron du journal espagnol El País, Juan Luis Cebrian s’est retrouvé lui aussi, mêlé à cette vaste affaire.

Comme le rapporte le journal El Confidencial, M. Cebrian aurait pour intime Massoud Farshall Zandi, entrepreneur irano-espagnol, qui aurait utilisé les services du cabinet Mossack Fonseca pour cacher au fisc les activités offshore de la société espagnole Star Petroleum. Or cette société, dont les activités ont été cachées au Luxembourg, à Samoa ou encore aux Seychelles, est détenue à 2 % par Cebrian, assure El Confidential.

Pire : ce dernier envisageait il y a peu d’acquérir de nouvelles parts pour près de 14,5 millions d’euros. Concernant Zandi le journal El Mundo en remet une couche : « les documents de l’enquête montrent manifestement que l’entrepreneur a été aidé par le cabinet Mossack Fonseca pour constituer des sociétés offshore aux Seychelles et aux Samoa, à travers lesquelles il contrôlait Star Petroleum, dont le siège administratif se trouve à Madrid et le siège fiscal au Luxembourg. »

Pour Juan Luis Cebrian, « ces insinuations sont totalement fausses ». Portant l’affaire devant les tribunaux, le patron du groupe Prisa a même ordonné aux journalistes de son groupe de ne plus accueillir les journalistes des trois médias ayant rapporté l’information que sont la chaîne La Sexta, El Confidential et le site eldiario.es. Ignacio Escobar, rédacteur en chef d’eldiario.es et chroniqueur sur la radio Cadena Ser (propriété de Prisa), a d’ailleurs reçu une lettre de licenciement. « Je ne regrette rien de ce qu’a publié le journal que je dirige, malgré les conséquences. J’ai accompli mon devoir de journaliste », a-t-il commenté.

Suite à ces révélations, une guerre ouverte fait rage dans la presse espagnole. La suite se déroulera devant les tribunaux.

Iskandar Safa, propriétaire de Valeurs Actuelles

Comme le rapporte Le Monde, l’homme d’affaires français d’origine libanaise a toujours aimé « être dans l’ombre des hommes de pouvoir ». Proche de la famille royale saoudienne et de Jean-Charles Marchiani, ministre de l’Intérieur sous Pasqua, il a entre autres servi d’intermédiaire pour la libération des 4 otages français au Liban en 1986.

Grâce à ses réseaux au Moyen-Orient, il a récolté par la suite de nombreux contrats, dont un, en 2003, de plusieurs centaines de millions de dollars avec les Émirats arabes unis avec le soutien direct de Jacques Chirac. À cette période, il tisse des liens solides avec la famille royale d’Abou Dabi et crée, en 2007, il holding spécialisée dans la construction de bateaux militaires et yachts de luxe.

« Il n’est dès lors pas incohérent de retrouver dans les « Panama papers » le nom d’Iskandar Safa associé à la gestion de deux sociétés offshore appartenant au cheikh Abdallah Ben Zayed Al Nahyane, frère du président des Emirats arabes unis et ministre des affaires étrangères », note Le Monde. D’après la base de données de la firme offshore Mossack Fonseca, M. Safa a agi au nom du cheikh dans Marshdale SA et Mainsail Holdings Corp.

En France, ce dernier a fait l’objet d’une procédure judiciaire en 2009 : il aurait utilisé ses comptes bancaires pour verser des rétrocommissions sur la rançon des otages français au Liban. Plus tard, le juge d’instruction prononcera un non-lieu général.

Enfin, Iskandar Safa est également actionnaire et bénéficiaire d’au moins deux sociétés offshores aux îles Vierges britanniques. Ces deux sociétés ont servi au montage financier visant à acheter les droits d’exploitation sur des champs gaziers en Pologne… Grâce à un réseau financier tortueux, Safa se retrouve ainsi mêlé, de près ou de loin, à de nombreuses sociétés et contrats dans différents paradis fiscaux, du Luxembourg aux îles Vierges en passant par les Antilles néerlandaises. Pour son avocat, en revanche, son client « revendique sa liberté de choix » et « gère ses affaires en respectant la loi ».

Rodolpho De Benetti, propriétaire du magazine L’Espresso

Industriel, patron de Sogefi Group et actionnaire de L’Espresso, l’un des principaux magazines italiens, Rodolpho De Benedetti a également été cité comme étant mêlé aux « Panama Papers ».

En effet, de 1995 à 2003, celui-ci a été administrateur de McIntyre Limited, une société offshore installée aux îles Vierges britanniques, en association avec un Français spécialisé dans la finance, Antoine Bernheim. « Cette société a été fermée voilà plusieurs années », s’est-il défendu, expliquant qu’elle servait à « à gérer les anciennes économies de la famille ».

Sommé de s’expliquer dans son propre journal, ce dernier poursuit : « Je n’ai jamais été actionnaire ou bénéficiaire économique de McIntyre. Mon nom n’apparaît qu’en tant que membre du conseil d’administration. Enfin, je tiens à souligner que je déclare tous mes revenus et que je paye mes impôts en Italie. »

Ouest-France a perdu plus de 68 000 lecteurs en 10 ans

Ouest-France a perdu plus de 68 000 lecteurs en 10 ans
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Source : Ojim.fr – Selon les derniers chiffres de l’OJD, relayés par Breizh-Info, Ouest-France a perdu près de 70 000 lecteurs en l’espace de 10 ans.

En effet, en 2005, la diffusion totale du « premier quotidien de France » atteignait 781 033 exemplaires par jour. En 2015, dix ans plus tard, elle n’était plus qu’à 712 500 ex/jour, soit une perte de 68 533 lecteurs. Une chute qui s’est accélérée en 2013 puis en 2014.

« La télévision et internet ont bien entendu contribué à affaiblir la diffusion d’Ouest-France. Mais cela n’explique pas tout. À coup sûr, un contenu fade, inodore, sans saveur ne peut pas enthousiasmer les nouvelles générations de lecteurs », analyse Breizh-Info. Certes, ce choix de « neutralité » exagérée (mais pas dépourvue d’idéologie) permet de ménager les élus tout en protégeant ses arrières. Mais cela se fait au prix d’une chute douloureuse.

Concernant le supplément du dimanche, Dimanche Ouest-France, celui-ci a progressé jusqu’en 2012 avant de décliner d’année et année. En 2013, sa diffusion était de 366 526 exemplaires par jour (- 4 577), en 2014 de 363 372 ex/jour (-3 154), et en 2015 de 364 028 ex/jour (-656).

Heureusement pour le quotidien du Grand Ouest, les faits divers, bien que peu approfondis, et la couverture locale permettent encore de maintenir le navire à flots. Mais pour combien de temps ?

Délinquants étrangers : le Sächsische Zeitung veut la vérité

Délinquants étrangers : le Sächsische Zeitung veut la vérité
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Source : Ojim.fr – Le quotidien allemand Sächsische Zeitung va désormais publier systématiquement la nationalité des délinquants ! C’est Oliver Reinhard, le « Kultur-Redakteur » du quotidien saxon, qui l’explique dans un long éditorial, publié sur le site du journal, sous le titre « les faits contre les rumeurs ».

Le but de cette nouvelle pratique semble double : renouer avec la confiance des lecteurs et « protéger les minorités ». Il est vrai qu’au lendemain de l’affaire des viols de Cologne, le 31 décembre dernier, les médias allemands avaient été montrés du doigt, pour avoir minimisé, quand ce n’est pas occulté totalement, les faits.

« Beaucoup de gens, regrette Oliver Reinhard, doutent que les journalistes recherchent vraiment la réalité des faits. Au contraire, ils croient que les journalistes manipulent », constatant qu’ «on a beaucoup parlé de la baisse de confiance dans les médias depuis la crise des réfugiés ». « Il n’est un secret pour personne, continue-t-il, qu’un certain nombre d’Allemands pensent que les médias dissimulent l’origine des criminels étrangers dans leur couverture des faits ».

Actuellement, le code de la presse, établi par le Conseil de la presse allemande, interdit de préciser la nationalité ou la religion des délinquants, parce que « cette mention pourrait alimenter les préjugés à l’égard des minorités ».

Faux, répond Oliver Reinhard ! « De nombreux collaborateur du SZ (Sächsische Zeitung, ndlr) sont, au contraire, convaincus que de ne pas spécifier la nationalité des délinquants et des suspects peut créer un espace pour les rumeurs, qui nuisent, précisément, à ceux que nous voudrions protéger ». Pire, selon lui, « cette surestimation des crimes commis par des étrangers est à l’échelle nationale, un problème grave, car elle peut favoriser les préjugés racistes ».

Bref, en publiant la nationalité des délinquants et criminels, le SZ entend donc « protéger les minorités ». « Nous allons continuer à indiquer l’origine des délinquants ou des suspects dans chaque cas, qu’ils soient allemands ou étrangers ». Et de conclure : « ce que nous voulons est la vérité » ! Espérons que le même journaliste fasse le bilan dans quelques mois.

Source : Sächsische Zeitung