ONPC : Vanessa Burggraf, la « Rolls de France 24 », succédera à Léa Salamé

ONPC : Vanessa Burggraf, la « Rolls de France 24 », succédera à Léa Salamé
Par défaut

Laurent Ruquier a fait son choix. La saison prochaine, c’est Vanessa Burggraf qui prendra la place de Léa Salamé en tant que chroniqueuse d’« On n’est pas couché », sur France 2.

À 44 ans, la journaliste de France 24, quasiment inconnue du grand public, s’est dite « ravie » de relever ce « challenge » qui annonce « un gros boulot en perspective ». « On n’est pas couché est la seule émission où règne une telle liberté de parole », a-t-elle estimé dans le Parisien.

Spécialisée dans l’actualité internationale, celle-ci est présentée comme « surdiplômée » avec un DEA de lettres et un DESS de sciences politiques… Elle a débuté à France 2 en tant qu’assistante de Catherine Ceylac dans « Thé ou café » avant de partir pour Londres sur la chaîne américaine Bloomberg.

Vanessa Burggraf est ensuite revenue en France sur TV5 Monde puis a rejoint France 24 dès la création de la chaîne d’informations internationales. Actuellement, elle y anime la tranche 18-20h comprenant un rendez-vous en direct à 19h10 intitulé « Le débat ». Pour son patron, Marc Saikali, directeur de la chaîne, « Vanessa? C’est la Rolls de France 24! Maîtriser le breaking news puis enchaîner sur l’animation d’un délicat débat en direct comme elle le fait, c’est vraiment fort ».

Avec Léa Salamé, elle a conclu un pacte à l’époque où l’actuel chroniqueuse de Ruquier était, elle aussi, à France 24 : « Là où la majorité des nanas se font des sales coups, nous on avait conclu un pacte au Plaza Athénée à coups de caïpirinha: ne jamais se trahir, toujours s’entraider. »

C’est en la regardant pendant ses vacances que Laurent Ruquier a été séduit par son traitement de la crise grecque. Grâce à cette nomination, Vanessa Burggraf va ainsi être propulsée sur le devant de la scène. Quand bien même elle est déjà « une star en Afrique » grâce à la diffusion internationale de France 24, elle est pour l’instant quasiment inconnue du public français.

Voir notre portrait de Léa Salamé

Source : ojim.fr

Publicité

Dossier : ONPC, nouvelle configuration du « clash »

Dossier : ONPC, nouvelle configuration du "clash"
Par défaut

Source : Ojim.fr – Depuis la rentrée, le talk show star du samedi soir enchaîne « buzz » et scandales systématiques selon une mise en scène des échanges très révélatrice de l’évolution du climat idéologique. – Claude Chollet

Au temps de l’ORTF, soit la préhistoire de la « culture » télévisuelle, la tendance, dans une émission politique ou culturelle, était d’inviter un écrivain, un acteur, un responsable politique et de l’interroger avec déférence sur des sujets qu’il connaissait et à propos desquels il ou elle avait généralement quelque chose à dire. Voilà qui paraît aujourd’hui aussi ahurissant que désuet, et pourtant… L’esprit libertaire qui soufflait dans les années 80 offrit dans l’émission « Droit de réponse » de Michel Polac sans doute les premiers grands « clashs » mémorables. Plus de déférence, moins d’écoute, certes, mais une forme égalitaire du débat respectant relativement les règles du jeu, et au cours duquel chacun, en buvant et en braillant à travers d’épais nuages de fumée, avait réellement le droit de dire ce qu’il lui plaisait et d’insulter qui lui chantait, le tout dans un joyeux bordel dénué de réelle instance de censure ou de référent moral comminatoire. Cela nous paraît aujourd’hui témoigner d’une licence invraisemblable et antédiluvienne. Puis Thierry Ardisson, au cours des années 90, et Canal+ à sa suite, inventèrent une nouvelle mise en scène des échanges. Non seulement, on se mit à mélanger des invités de milieux a priori incompatibles et à traiter sur le même plan une starlette de 22 ans et un député d’âge mûr, mais surtout, les invités cessèrent d’être les vedettes évidentes de ce genre d’émission, pour devenir parfois de simples faire-valoir de l’animateur lui-même et de son comique affidé. Au lieu d’accueillir comme un prince l’artiste en promotion afin que son aura fasse rayonner l’émission, celui-ci se trouvait relégué à constituer avec d’autres une espèce de cour répartie devant le trône de l’animateur-roi attendant son tour d’audience. Lorsque celui-ci venait, il se pouvait même que le ministre ou la starlette se fasse malmener, que le roi exhibe son intimité ou que le bouffon du roi l’humilie d’une plaisanterie douteuse.

D’un plateau l’autre

Au courant des années 2000, c’est Laurent Ruquier, prenant la succession d’Ardisson, qui offre une nouvelle évolution du modèle. Le comique, s’il intervient, est remis à distance, il ne brouille plus le débat ; l’animateur, même s’il trône, reprend le rôle d’arbitre ; et ce sont les chroniqueurs, avec le succès du duo Zemmour et Naulleau, qui captent la position dominante du dispositif. Quant à l’invité, il est moins humilié que très solennellement sommé de s’expliquer à la barre. Clashs, buzz, scores sur YouTube, la formule prend. En dépit du succès, l’animateur décide de se séparer du duo que récupère Paris Première. Il tentera de le reformer avec d’autres chroniqueurs sans réussite flagrante. Et puis voilà que depuis la rentrée 2015, la formule, à nouveau se transforme… Après l’animateur, le comique, les chroniqueurs, c’est de nouveau l’invité lui-même qui fait le show. Mais pas n’importe quel invité : le mal-pensant. Houellebecq, Onfray, Lejeune, Morano, Finkielkraut : chaque samedi soir, l’émission lance sa boulette de soufre. Chaque samedi soir, Léa Salamé, sur la défensive, rappelle que la Pensée dominante a changé de camp.

Qu’est-ce que cette évolution télévisuelle peut donc traduire sur le plan de l’évolution des opinions et sur le rapport que cette évolution entretient avec le pouvoir médiatique ? C’est ce que l’OJIM a tenté de décrypter.


Chaque mutation est un indice

En réalité, chacune de ces mutations télévisuelles est un indice très clair de l’évolution du climat idéologique. Chacune indique soit un changement de règne, soit un changement de contexte général, soit un changement dans l’opinion dominante. La disposition du plateau traduit la pratique générale du débat. Prenons cette première mutation introduite avec l’émission de Polac, « Droit de réponse ». Démarrée en décembre 81, elle est expressément révélatrice de l’arrivée de la gauche au pouvoir quelques mois auparavant et elle porte en effet toutes les valeurs que cette dernière défend alors. Si l’ORTF gaulliste demeurait hiérarchique et patriarcale, « Droit de réponse » est une émission égalitaire et débraillée. Les gamins se révoltent contre l’autorité de papa et cette espèce de fondement œdipien des formes les plus adolescentes de la pensée de gauche est parfaitement sensible au visionnage de quelques séquences du show de Polac. On constate également par ailleurs l’importance du choc des générations, et comment la vulgarité et le débraillé des nouvelles, qui bientôt feront loi, ulcèrent encore les plus anciennes.

Le grand déballage

L’émission révèle toute l’atmosphère d’une époque qui voit se multiplier les radios libres et où est créée la fête de la musique – événement on ne peut plus emblématique. Ce n’est plus l’homme de savoir ou la personne concernée qui dispose d’une légitimité à s’exprimer, mais tout le monde, n’importe qui, surtout n’importe qui. Et de la même manière que n’importe qui peut massacrer les classiques du rock en plein centre-ville un soir dans l’année, n’importe qui peut donner son opinion sur n’importe quel sujet à la radio ou à la télévision, des lycéens au journaliste de Minute. Cet ultra-libéralisme du débat, relativiste, confusionniste et égalitaire, même s’il fait la plupart du temps échouer celui-ci dans la provocation ou l’insulte, est néanmoins cohérent et ignore la censure directe comme indirecte. Bien avant les obsessions hygiénistes des années 2000, les invités ont le droit de fumer et de boire sur le plateau, comme ils ont le droit d’exprimer ce qu’ils veulent et sur le ton qu’ils désirent. Cette nouveauté et cette liberté de ton possèdent en elles-mêmes la dimension sulfureuse suffisante pour capter l’audimat. Et nous verrons que ce dernier point est tout à fait crucial pour assurer la réalisation d’une mutation.

Trouble jeu

Durant les années 90, avec notamment l’émission « Double jeu », et jusqu’au milieu des années 2000 avec le succès de « Tout le monde en parle », Thierry Ardisson est à la pointe du talk-show dont il révolutionne les codes. Or, la mutation qu’il incarne coïncide avec l’hégémonie libérale-libertaire. Pour faire vite, la gauche socialiste a accepté le marché et son idéologie libertaire est devenue compatible avec le libéralisme économique. Cette symbiose implicite se réalise par ailleurs sur les décombres de l’alternative communiste et alors que l’offensive islamiste anti-occidentale n’est pas encore ébauchée. Dans cette époque de fin de l’Histoire et d’épuisement des luttes idéologiques, le soufre fait cruellement défaut dans les débats. Le clivage droite-gauche devient de plus en plus factice, le grand consensus règne. D’ailleurs, Ardisson a beau mélanger les invités, faire asseoir un rappeur à côté d’un ministre, en réalité tous vomissent plus ou moins le même filet d’eau tiède. Mais l’animateur a une idée très simple pour parvenir à faire malgré tout monter la température : le sexe. La séquence où Ardisson demande à Michel Rocard si « sucer, c’est tromper ? » est restée célèbre. On en a fait un symbole de la dégradation du politique par des médias branchés et cyniques. Certes. Mais on peut voir aussi cela selon un autre angle. Puisque plus aucun politique ne tenait un discours véritablement original ou subversif, l’animateur n’avait trouvé comme seul recours pour pimenter un rien la soupe des propos convenus, que d’évoquer l’exégèse d’une fellation avec un vieux notable. On a les condiments qu’on peut…

Nouvelle aristocratie

Par ailleurs, du joyeux bordel relativiste des années 80, Ardisson et l’esprit qu’il incarne vont peu à peu faire surgir une nouvelle aristocratie médiatique constituée essentiellement de chanteurs, d’artistes mineurs ou d’actrices. Si ceux-ci sont les perroquets de la Pensée Unique qui s’institue définitivement au cours de cette période, il se trouve que les politiques « peoplisés », comme nous l’avons vu, ne racontent de toute manière rien de plus. Alors tant qu’à entendre en boucle les mêmes slogans, autant que celui ou celle qui les répète se trouve être mieux adapté aux règles du média qui l’accueille. Au jeu de la vanne, de la « coolitude », de la provocation sexuelle, de la belle gueule ou de l’émotion de surface, évidemment que l’actrice, le chanteur, la littératrice de confessions médiocres, voire le footballeur, sont meilleurs qu’un député chenu. C’est ainsi qu’une légion à paillettes du politiquement correct prend possession des plateaux de télévision au terme d’une évolution de plusieurs décennies. Il était évident dans les années 60 que l’on trouvait plus raisonnable de demander leur avis sur un sujet de société à Sartre ou Aron qu’à un chanteur yéyé de vingt ans (lequel, d’ailleurs, ne se serait guère cru légitime pour en exprimer un). Mais au cours des années 80, les Coluche, les Goldman, les Renaud, se voient investis de hautes missions morales qu’ils assument d’abord essentiellement par l’invention d’un modèle caritatif spectaculaire, avant que leurs descendants ne jouent tout bonnement aux évangélistes bénévoles de la doxa en vogue.

Jeu de massacre

C’est la rupture de ce consensus dont les starlettes sont devenues l’avant-garde qui va représenter l’enjeu fondamental de la mutation suivante. Après qu’Ardisson, tout en la criblant de cruautés mondaines, a élevé cette nouvelle cour à une légitimité intellectuelle et morale inédite, Ruquier en fait défiler les membres un à un dans son fauteuil pour les soumettre à la question. Et là, par une sorte d’effet bascule, un duo « d’intellectuels vintage », Éric Zemmour et Éric Naulleau, un journaliste politique et un éditeur pétris tous deux de culture classique, dévoilent la vacuité et le dogmatisme en toc dont témoigne en réalité cette pseudo aristocratie de plateau adoubée la génération précédente. Commence alors un jeu de massacre suffisamment jubilatoire pour que le public n’éprouve plus la nécessité d’être tenu en éveil par la complaisance graveleuse d’un Ardisson. Les Patrick Sébastien, Francis Lalanne, les Cali, les Raphaël, les Michaël Youn, les Grand Corps Malade et tant d’autres avec eux, sont renvoyés à leur conformisme, à leur sectarisme, à leur invraisemblable suffisance, à leur inculture, alors que la parole critique reprend le pas sur la culture de la vanne. Non seulement ce soudain basculement répond aux nécessités du spectacle – pour surprendre, il faut sans cesse bouleverser les règles du jeu –, mais, comme toujours, il traduit également une évolution de la société française. Depuis le tournant des années 2000, ceux qu’un universitaire stipendié, Daniel Lindenberg, qualifia de « Nouveaux réactionnaires » dans un livre publié en 2002 (Le Rappel à l’ordre au Seuil) commencent d’ébranler la chape de plomb du politiquement correct à l’intérieur du pays. Mais encore, à l’international, l’attentat du 11 septembre 2001 a comme relancé l’Histoire et le monde s’apprête à redevenir multipolaire. En bref, de toute part : le consensus éclate.

Tous contre seul

Or, une décennie plus tard, il paraît donc que la configuration se remodèle encore. Léa Salamé et Yann Moix, une journaliste étiquetée France Inter et un écrivain vassalisé par BHL : les chroniqueurs sont à nouveau en plein dans le giron du pouvoir médiatico-politique. Ils se retrouvent, de fait, sur la même ligne idéologique que l’animateur, Laurent Ruquier, et donc sur la même ligne également que la plupart des invités pailletés. Mais ce nouveau formatage global du plateau est compensé par l’invitation systématique d’un mal-pensant, au centre, seul contre tous, dont on montre la présumée étrangeté, voire la hideur morale, afin d’exciter l’audience, tout en tentant, à tous contre un, d’en circonscrire la puissance. Ce n’est plus la cour, ce n’est plus le tribunal, c’est le cirque où l’on exhibe le phénomène. Ce n’est plus l’animateur-roi, ce n’est plus le chroniqueur-procureur, c’est l’invité-monstre. Le modèle fondateur de ce nouveau dispositif étant l’invitation d’Éric Zemmour le 4 octobre 2014, puisque le Frankenstein de Laurent Ruquier catalyse à lui-seul le processus à l’œuvre depuis quinze ans. Or, depuis que ce qu’il pensait être sa créature lui a totalement échappé, l’animateur tente par tous les moyens de réparer ce qu’il doit considérer comme une impardonnable faute morale tout en bénéficiant encore de l’aura sulfureuse du journaliste-vedette, et il pense sans doute parvenir à concilier ces deux exigences, morale et spectaculaire, en mettant en scène son encerclement, sa prise au piège, tout en vendant son exhibition. Ce qu’il pense donc avoir réussi l’an dernier au moment de la promotion du Suicide français est devenu le patron de la nouvelle formule. Et comme à la plus éclatante époque de son talk-show, quand y officiait le duo Zemmour-Naulleau, chaque semaine : c’est le buzz.

Localisation de la doxa

Et chaque semaine, Léa Salamé, devant l’invité-monstre, martèle ce dont le système a pris acte : que la pensée dominante a changé de camp. Et chaque semaine, l’invité-monstre lui expose comment ce qui est sans doute valable dans l’opinion publique est néanmoins contredit dans le champ médiatique où la Pensée Unique, reliquat d’un consensus défunt, se trouve pourtant toujours être très largement majoritaire. Très concret, dépassionné, factuel, l’écrivain Michel Houellebecq explique qu’il suffit d’ouvrir les journaux pour considérer qu’en terme de volume de discours produit, la Pensée unique couvre encore 90% du panorama, et que celle-ci peut être classée comme relevant globalement du centre-gauche. Ce qui pose tout de même un problème, puisque sans pour autant que l’opinion des médias se doive d’être strictement conforme à l’opinion publique, un trop grand décalage finit par ressembler à une forme de putsch idéologique, comme si des généraux conservaient autoritairement le pouvoir pourtant perdu de manière flagrante aux élections par leur parti. Ce que Michel Onfray traduit ainsi : « Je critique l’usage privé qui est fait du service public. Vous êtes payés par le contribuable, et quand on est payés par le contribuable, on n’a pas une pensée unique, toujours la même. » Face à Geoffroy Lejeune, dont le roman d’anticipation politique imagine la victoire de Zemmour aux présidentielles, le 26 septembre, et alors que ce dernier explique comment le journaliste, par sa parole dissidente, permet à des millions de gens de « respirer », Léa Salamé a cette réaction ahurissante : « Ils n’ont pas besoin de respirer puisque la plupart des gens pense ça ! » prétend-elle après avoir à nouveau avalisé la droitisation générale de la population. Or, sur le plateau où Léa Salamé officie, qui se trouve autour d’elle ? Yann Moix et Laurent Ruquier, qui pensent globalement comme elle ; Xavier Durringer, touche-à-tout politiquement bien borné dans la gauche des années 80 la plus puérile et sectaire, qu’incarnent indirectement les starlettes de l’époque que sont Géraldine Martineau et Marc Lavoine, lequel s’est récemment illustré parce qu’il exigeait l’accueil des migrants par la France sans pour autant accepter d’en recevoir chez lui ; enfin, Frédéric Chau, une recrue du « Djamel Comedy Club » rendu célèbre par le film bien-pensant Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu ?… Léa Salamé est donc politiquement en quasi monopole sur un plateau où celui qui pense différemment, tout en étant totalement isolé dans un tel contexte, est pourtant largement représentatif de l’opinion. Mais elle ne voit pas pour quelle raison ses adversaires politiques pourraient éprouver la nécessité de respirer… Pire, Salamé se laisse aller à revendiquer la subversion ! Il faudrait alors considérer en effet « subversif » un dictateur haï qui oserait pourtant aller systématiquement à rebours des vœux de son peuple ! Kim Jong-Un, roi des rebelles du PAF !

Extrêmes et centre

Ruquier annonce alors, sur ce thème plutôt gênant pour sa caste, que la majorité des personnes des médias seraient « plutôt au centre », autant à droite qu’à gauche. Une telle assertion est facile à étayer : en réalité, 74% des journalistes auraient voté Hollande en 2012. Autant dire que les journalistes sont moins « plutôt au centre » que carrément de gauche libérale ! Mais surtout, il est intéressant d’analyser ce que le journaliste insinue en usant d’une telle dichotomie insidieusement « démophobe », pourrait-on dire. Il y aurait un centre ; et des extrêmes. Ce « centre » manifeste bien, en effet, l’alternance unique libérale-libertaire, que le FN taxait d’ « UMPS », semble-t-il à raison, étant donné de tels aveux. Ce centre, dominant dans les médias mais aussi dans les élites, serait par conséquent modéré, raisonnable, conséquent, tandis que les extrêmes seraient le résultat d’exaspérations populistes dangereuses et potentiellement criminelles. Tout d’abord, il peut paraître un rien délirant de supposer « raisonnable » un « centre » qui a mené le pays dans une telle situation de crise globale, économique, morale, identitaire, en moins de trente ans. Ensuite, il peut sembler un rien hâtif d’amalgamer dans « les extrêmes » une gauche radicale ne l’étant pas davantage, radicale, que le mitterrandisme initial (avant le virage libéral de1983), une droite nationale de plus en plus chevènementiste, des groupuscules anarchistes violents, ou bien véritablement néo-nazis, ou encore des sympathisants de l’État Islamique… Il existe une dichotomie sans doute infiniment plus pertinente, celle qui insisterait sur le clivage entre un pôle conservateur et un pôle contestataire. Non pas conservateur au sens moral, on l’aura compris, mais du point de vue du pouvoir. Le « centre » de Ruquier, ce n’est ni plus ni moins que le camp de ceux qui veulent conserver le système tel qu’il existe, parce qu’ils en profitent au mieux. Quant aux prétendus « extrêmes », c’est une manière de désigner ceux qui contestent le pouvoir, d’où qu’ils le fassent, et qui le contestent en général pour l’excellente raison qu’ils en souffrent.

Le scandale Morano

La particularité de ce dispositif médiatique inédit au cours duquel, chaque samedi, un sénat délégitimé tente de décrédibiliser un tribun du peuple isolé dans l’arène, a déjà été parfaitement compris par certains, parmi lesquels : Nadine Morano. La plus prolo des députés des Républicains n’est pas aussi sotte qu’elle le paraît. Son prétendu « dérapage » est exactement le contraire d’une sortie de route. Sa citation polémique de de Gaulle était même le but essentiel de sa venue. Partant d’un constat simple, que dans une configuration telle que celle que nous avons décrite, celui qui est désigné comme ennemi par le cercle médiatique incarne la majorité croissante de l’électorat, il a dû lui sembler que scandaliser ce cercle revenait à agréger les électeurs de manière quasi mécanique et que plus on frappait fort, plus le bénéfice serait important. Ayant également très bien compris que le tabou des tabous de notre époque était relatif à la race, la députée a dû s’imaginer qu’il suffisait de balancer plus ou moins de but en blanc la fameuse citation du Général pour terroriser l’assemblée et fédérer derrière elle une grande partie des téléspectateurs. L’analyse est pertinente, mais la méthode fut pour le moins grossière, artificielle, tellement téléphonée qu’il est difficile de présumer qu’elle réussisse. Mais en mettant aussi nettement les pieds dans le plat (la question traitée ici, on l’aura compris, n’est pas l’à-propos de sa citation), le scandale Morano aura du moins l’immense mérite de révéler trois choses. Premièrement, ce fameux dispositif que nous venons de décrire et la tentative des politiques de s’en servir selon ses nouvelles règles de fonctionnement. Deuxièmement, comment Yann Moix, à l’instar de nombreux de ses confrères et vérifiant les prédictions de Michel Houellebecq est déjà prêt à la « soumission », ne voyant aucun inconvénient à l’islamisation du pays (laquelle, par ailleurs, est censée n’avoir pas lieu). Troisièmement, comment les prétendus héritiers du gaullisme ne partagent plus du tout la conception de la France qui était celle du Général, une conception qui les répugne même au dernier degré.

Prolonger l’usurpation

Pour conclure, on peut remarquer que cette dernière mutation du dispositif est aussi flagrante, radicale, qu’inquiétante. En effet, elle ne traduit ni plus ni moins que la mise en scène, par un pouvoir idéologique, de sa tentative désespérée de prolonger son usurpation. Au lieu d’ouvrir le cercle, la caste médiatique le referme en public sur ce qui la menace, c’est sa manière ambiguë de laisser s’exprimer ce qui discute son hégémonie tout en tentant du même coup de l’étouffer. Certes, elle admet qu’elle n’a plus beaucoup d’intellectuels et d’idées de son côté, mais une poignée de comiques certifiés conformes, de pouffiasses parvenues, de crooners has-been et d’écrivains ratés, résidus des plateaux télé mitterrando-chiraquiens, lui permet néanmoins de faire nasse, du moins à l’écran. En attendant, les 80% de Français qui ne sont pas ou plus de centre-gauche devraient déjà s’estimer heureux, comme l’affirme Léa Salamé (tous les matins sur France Inter, tous les samedis soirs sur France 2), qu’on leur laisse parfois la parole…

Dossier : « On n’est pas couché », l’entre-soi des idées convenables

Dossier : « On n’est pas couché », l’entre-soi des idées convenables
Par défaut

Les 4, 11, 18 et 25 octobre, l’Ojim a regardé l’émission présentée par Laurent Ruquier et diffusée le samedi soir sur France 2. Décryptage.

Chez Ruquier, on aime à rappeler l’avantage d’une émission longue, plus de trois heures, qui permet de débattre. L’animateur joue les arbitres entre deux chroniqueurs opposés idéologiquement. L’alliage parfait pour un débat cadré. Très cadré même.

On n’est pas couché, c’est une émission originale par son format, terriblement banale quant au matraquage idéologique qu’elle assène.

Censés incarner la « droite » et la « gauche » de l’échiquier politique, les chroniqueurs Aymeric Caron et Léa Salamé semblent s’exaspérer autant qu’ils se ressemblent. La méthode diffère, la personnalité également mais ils sont incontestablement forgés par leur époque, à grands coups de « progressisme ».

Ils ne sont rien, ne représentent personne et n’ont d’autre légitimité que celle que leur confère Laurent Ruquier. Mais c’est à eux de dire ce qu’il faut penser, ce qu’il faut condamner, ce qu’il faut encourager.

Les invités politiques ont la parole…

La plus grande arnaque de cette émission est l’interview politique. L’invité peut être de gauche, de droite, d’extrême-gauche ou même d’extrême-droite, il est la caution de l’émission : chez Ruquier, on fait parler tout le monde. Mais l’invité politique ne sert au final qu’à une chose, faire valoir l’avis des chroniqueurs. Ces derniers attendent qu’on leur livre la bête, qui attend sagement dans les coulisses jusqu’à qu’on lui demande d’entrer. L’exemple est flagrant avec le député de la Drôme, Hervé Mariton, invité le 11 octobre dernier. Il patiente longuement en coulisse, Ruquier lui lance du plateau des « patientez, monsieur Mariton » et quand il entre enfin, il est d’emblée décrédibilisé par les chroniqueurs. « Déjà Bruno Lemaire n’a aucune chance en face de Sarkozy, mais alors vous… », lui lance Ruquier en guise de préambule. Peu importe ce que l’homme a à dire, on commence par expliquer qu’il ne sert à rien.

Pour la suite, il faut que l’idéologie du bien triomphe, quitte à faire dire à l’invité ce qu’il ne dit pas. Mariton veut interdire à des personnes célibataires d’adopter ? Caron l’accuse de préférer un orphelin à un enfant adopté par une seule personne. Mariton rappelle pourtant l’évidence : il y a en France bien plus de parents qui désirent adopter que d’enfants à adopter, l’objection est donc idiote. Qu’importe, Caron conclut sur sa première idée, méprisant la réponse qu’il vient d’entendre.

Même procédé contre Éric Zemmour de la part de Laurent Ruquier. Le premier affirme que le pacte conclu par le régime de Vichy a permis de sauver des juifs français en acceptant de livrer des juifs étrangers, précisant que « l’on peut trouver ça horrible mais que d’autres pays n’ont même pas réussi cela ». Ruquier se jette sur l’occasion : « donc les juifs étrangers, on s’en fout ». Personne n’a évidemment dit une chose pareille, mais peu importe : la formule est choc, c’est elle que l’on retiendra plutôt que la complexité d’un débat.

Quand l’invité est de gauche, les choses sont généralement différentes. Caron précise systématiquement qu’il est globalement d’accord avec l’invité avant même de commencer, ce dernier devient donc intéressant à écouter. L’affrontement tient ici lieu d’encouragement : Caron, Ruquier et parfois même Salamé veulent une gauche plus proche de l’idéologie immaculée qu’ils défendent. Ils attaquent donc sur la méthode, sur quelques chiffres, mais jamais sur le fond des choses : l’idéologie de gauche.

Illustration parfaite avec Najat Vallaud-Belkacem, au sujet du Front National.

L’affrontement entre les chroniqueurs, les invités et le ministre de l’Éducation nationale n’a qu’un objet : de qui cette progression est-elle la faute ? Valaud-Belkacem estime que « le FN est trop bien traité par les médias », Caron approuve en ajoutant qu’il a « la preuve » que le Front National est « le parti le plus menteur de France ». Tout le monde approuve sans que rien ne soit argumenté. Najat accepte le conseil de Caron et promet d’être plus agressive face aux élus FN. Chacun a pris sa bonne résolution et les résultats catastrophiques du gouvernement, vaguement critiqués précédemment, sont passés à la trappe. Aucune cause du vote Front National n’est abordée, les électeurs se trompent, point barre.

Les « idées convenables » de Laurent Ruquier

Mais revenons un peu sur la constitution de ce plateau.

« On n’est pas couché », c’est avant tout Laurent Ruquier, le bouffon rigolo mais aussi l’arbitre, très fort pour faire diversion quand l’entre-soi se fissure. Lorsqu’Aymeric Caron bloque Mélenchon sur des chiffres, le tribun prend la mouche et s’énerve, mais super-Ruquier balance un « Caron est tatillon », tout le monde rigole, le public applaudit, c’est oublié, on passe à autre chose.

La semaine d’après, lorsque Aymeric Caron interroge Najat Vallaud-Belkacem sur les professeurs qui entrent à l’Éducation Nationale sans avoir le niveau, Audrey Pulvar, également invitée, ajoute son grain de sel, Najat panique, super-Ruquier intervient : « Si vous vous y mettez à deux alors… », tout le monde rigole, le public applaudit, c’est oublié, on passe à autre chose.

Ruquier permet de maintenir une ambiance joviale entre gens bien. Mais attention, il pense aussi, et peut même s’énerver. Lorsque Léa Salamé demande à Najat Vallaud-Belkacem si le gouvernement ne se sent pas responsable d’avoir paradoxalement décuplé les forces des « opposants au progressisme » (notamment La Manif pour tous), Ruquier intervient immédiatement : « On parle de 6 millions de Français mais il y en a 40 millions qui ont plutôt des idées convenables, et ces 6 millions emmerdent les 40 millions grâce aux réseaux sociaux ». Le plateau entier acquiesce, d’Audrey Pulvar à Gérard Miller, en passant par Najat Vallaud-Belkacem, Aymeric Caron et les quelques artistes présents. « C’est quoi des ‘idées convenables’ » ose Léa Salamé. Personne ne juge bon de lui répondre. C’est que Ruquier a déjà réenfilé son habit de clown ; la bonne humeur est revenue, le problème est réglé, tout le monde passe à autre chose, Léa Salamé comme les autres.

Caron : monsieur Chiffre s’en va en guerre…

Léa Salamé : si ses questions sont parfois moins conformistes que celles de son camarade, et ses remarques un peu plus « dérangeantes », elles seront néanmoins englouties dans la marche forcée d’une émission qui s’acharne à propager les « idées convenables ».

Le pendant masculin de Léa Salamé, c’est Aymeric Caron, l’homme qui répète qu’il ne peut « laisser dire n’importe quoi ». Il critique à gauche comme à droite, avec une différence essentielle : la droite pense mal, la gauche n’en fait pas assez. Ou si l’on veut : la droite est trop à droite, la gauche pas assez à gauche. Il est devenu le monsieur chiffre de l’émission : la perception naturelle d’un phénomène vécue par un invité est prié de s’incliner face aux saints chiffres (et l’idéologie qui va généralement avec). Mais Aymeric Caron est également le végétarien le plus connu de France.

Lorsqu’il a en face de lui Franz-Olivier Giesbert venu vendre son livre L’animal est une personne, Caron explique que « sauver les animaux ou sauver les syriens, c’est le même combat ». Là encore, Léa Salamé réplique, timidement, rapidement. Personne ne semble gêné. Les veaux sont devenus des « enfants », les vaches sont nos « cousines », l’homme est un animal comme les autres et personne ne trouve rien à redire.

De nombreux sujets largement discutés dans le pays réel deviennent miraculeusement indiscutables sur ce plateau, une formidable manière de faire douter le téléspectateur.

La moitié du plateau n’ose d’ailleurs plus dire qu’elle mange de la viande à la fin de l’intervention… Trois passions donc pour Caron : lui-même, les chiffres et l’« écologie ».

Mais lorsqu’il félicite et fait parler Mélenchon sur ce dernier sujet, les chiffres sont oubliés. Pourtant, le « réchauffement climatique », peu discuté en France, déchire les Américains, politiques ou scientifiques, à cause des chiffres précisément.

Un élément essentiel du dispositif : les artistes

Sur le plateau, il y a également les artistes. Ils font leur promo en dernière partie d’émission, à 2h du matin, mais c’est loin d’être l’essentiel. Le véritable but de leur présence, c’est la caution morale. Ils sont d’accord sur toutes les idées convenables et multiplient les engagements : pour les immigrés, pour les femmes, pour les homos ; contre l’intolérance, contre le fascisme, contre le racisme. Ils sont la substantifique moelle de la doxa. L’artiste de service sert ainsi à lancer des banalités, à enfoncer le clou, à faire en sorte que le martelage idéologique ne cesse jamais. On parle de la pertinence des rythmes scolaires avec Najat Vallaud-Belkacem ? L’artiste du jour, Charles Pasi, donne son avis : « moi ça me fait penser à mes années de primaires dans une école catho que j’ai pas aimée (…) les activités c’était le cathé ». L’entre-soi se marre. Rien que du prévisible pourtant.

Zemmour affirme ne pas voir dans les émeutes de banlieues des feux de joie ? Dans la féminisation de la société, un massacre salvateur des stéréotypes ? L’artiste du jour, Anne Dorval, intervient, larmoyante, pour s’offusquer « d’entendre des choses pareilles ». L’entre-soi ânonne gravement. Bref, les artistes sursautent, les artistes soupirent, les artistes lèvent les yeux au ciel, et véhiculent ainsi une idéologie rendue puissante par le seul effet de groupe. Des idiots utiles dont on fait charitablement la promo en fin d’émission.

Un os nommé Zemmour

Sauf que, misère, un soir, le vernis s’est écaillé. Le passage de Zemmour fut significatif, tant sur le fond que sur la forme. L’invité politique du jour était Cohn-Bendit, et ça fusait : « ça va faire plaisir à Zemmour », « Zemmour doit penser que », « tiens, tout ce que déteste Zemmour ». Bref, son portrait était dressé avant même qu’il ne dise un mot. Lorsqu’il prend place dans le fauteuil, il est donc déjà celui qui « déteste les femmes, les arabes et les homos », ce que répèteront tour à tour Ruquier, Salamé et Caron. Une façon de classer l’affaire au lieu de chercher à comprendre la pensée d’un homme dans lequel, si l’on en croit les chiffres de vente de son dernier essai, se reconnaissent pas mal de Français.

Zemmour précise que son livre n’est pas une thèse et que les chiffres n’ont que très peu d’importance. Mais Caron ne le titillant que sur des chiffres, Zemmour finit par répondre : « vous pouvez répéter que les musulmans ne sont que 6% en France, les gens qui nous regardent se marrent ». Léa Salamé attaque à son tour, lui reproche de se focaliser sur l’islam. « Vous montrez que l’islam est incompatible avec la France, soit. Mais vous proposez quoi ? » Zemmour répond qu’il n’est pas homme politique. Sans intérêt.

Mais Zemmour est une bête médiatique et coupe court : « vous voyez, mon livre parle de mille sujets différents, vous ne me parlez qu’immigration et islam et vous irez dire ensuite que je suis obsédé par l’un et l’autre ». On passe à autre chose. Mais le comportement ne change pas et Eric Zemmour ne peut presque plus parler. Ayant face à eux un panzer qui n’a peur de rien et qui les inquiète, le meilleur moyen est de proposer les réponses avant qu’il ne les donne. Léa Salamé attaque sur Vichy, Zemmour répond : « je veux montrer que l’histoire est complexe ». Ruquier le coupe, « c’est trop compliqué ». « Restez aux choses simples si vous préférez », ironise Zemmour. « Oui, je veux des choses simples », enchaîne Salamé avant d’ajouter que Zemmour bouscule la doxa, pourtant acceptée par tous. L’aveu de trop.

Zemmour nomme les choses et s’applique à décrire la réalité, insupportable atteinte au rêve idéaliste du ramassis d’adulescents qui composent le plateau nocturne de Ruquier. Son interview est un défi pour tous, voire un concours : c’est à celui qui réussira le mieux à montrer son dégoût face à de tels propos, à se démarquer le plus de la bête immonde. Tous tremblent d’être d’accord avec un homme qu’ils reconnaissent par ailleurs volontiers sympathique. En arrivant sur le plateau la semaine suivante, Franz-Olivier Giesbert conclura la séquence : « Zemmour n’est pas là, c’est pour ça qu’il y a une bonne ambiance ! ». Ils ne sont bien qu’entre eux.

Une vision manichéenne du monde

On n’est pas couché, c’est une vision du monde binaire : les gentils aiment ; les méchants haïssent. Le problème, ce n’est jamais l’immigration qui inquiète, le changement de civilisation qui questionne. Le problème, c’est l’inquiétude générée, la question posée. « De toutes façons, la société a changé, il va falloir s’y faire » affirme Ruquier, niant toute possibilité de changement autre que celui auquel « il faut se faire ». Pourtant si la société a changé, c’est par une impulsion politique qui lui a été donnée. Une autre impulsion politique ne pourrait-elle pas la faire à nouveau changer ? Zemmour répond : « mais des gens sont malheureux de voir la société changer ». Le premier de renchérir : « parce qu’on leur a fait croire qu’ils étaient malheureux à cause de ça ». Les gens sont idiots, voilà le principe de base. Ils vivent au quotidien les problèmes engendrés par l’immigration et imaginent, ces nigauds, que cela les rend malheureux.

Laurent Ruquier, perché dans sa tour d’ivoire à paillette, enchaîne : « et d’ailleurs, même s’il y avait 30% de musulmans en France, où serait le problème ? Ca ne me dérange pas moi »… Zemmour répond encore : « les gens ne vivent plus ensemble, et le résultat sera le sang, la violence et la souffrance, pour certains c’est déjà le cas ». Ruquier rigole, Zemmour poursuit : « pas vous Laurent, mais d’autres ». Silence, personne ne comprend de quoi il parle. Ruquier c’est un gars tolérant, qui niera tout jusqu’à la mort pour que l’ambiance reste bonne, déconnectée et aveugle s’il le faut, mais bonne. Caron est son clone sérieux qui « ne peut laisser dire ça », tandis que Léa Salamé n’est qu’une fausse caution d’équilibre, qui se résume à un peu moins d’agressivité et quelques différences de fond mollement défendues. Le tout entouré d’invités dont les avis sont présentés comme équivalents qu’ils soient chanteur, acteur, politique, journaliste ou psychanalyste, et quel que soit le sujet. Bref, du spectacle dans toute sa splendeur. Mais derrière le spectacle, une volonté très nette d’éduquer les foules.

Dossier : Le Phénomène Zemmour, grenade dans un bunker

Dossier : Le Phénomène Zemmour, grenade dans un bunker
Par défaut

Le plus grand événement médiatico-littéraire de l’année aura donc été produit non par les révélations intimes de l’ancienne maîtresse d’un président dévalué, mais au cours de la promotion d’un pavé sur le déclin de la France, Le Suicide français (Albin Michel), où on aura assisté à la convulsion de tout un système autour d’un journaliste isolé.

Le samedi 4 octobre 2014, une véritable déflagration allait partir du plateau du talk show de Laurent Ruquier, On n’est pas couché, dont les échos n’allaient cesser de se répercuter dans tous les médias : télévision, radio, presse écrite, et monopoliser les débats sur Internet ou les réseaux sociaux jusqu’à aujourd’hui inclus. La bête médiatique, le monstre polémiste que l’émission avait elle-même suscité et dont, en contrepartie, elle avait tiré une grande partie du carburant de sa propre ascension aux sommets de l’audience, était de retour dans le fauteuil des invités. Et ce fut comme un court-circuit propre à faire sauter les plombs de tout le système médiatique français. L’ancien chroniqueur était accueilli par son ancien patron vis-à-vis duquel il avait toujours fait davantage figure de Frankenstein, une créature ayant totalement échappé à son créateur, un virus dans le réseau rôdé et routinier des médias. D’abord promu pour contraster un peu la courbe mollissante de l’encéphalogramme et exciter l’audience, mais qui menaçait depuis de tout dévaster. Certes, on se réjouissait sans doute du record d’audience que n’allait pas manquer de produire sa venue, mais cette fois-ci, il allait tout de même falloir circonscrire le monstre. Alors même qu’à l’époque où il officiait, celui-ci représentait la voix « droitière » du plateau, compensée par son binôme de gauche, Éric Naulleau, cette double perspective se trouvant arbitrée par un Laurent Ruquier se tenant à peu près à son rôle, désormais, Zemmour s’assiérait sous les lumières comme un incompréhensible intrus cerné dans une logique du tous contre seul. Seul, sur le plateau, sur celui-ci comme sur les nombreux autres qu’il occuperait par la suite, mais pourtant, déjà environné d’une longue rumeur dont on percevait le bruissement sur les réseaux sociaux.

Le retour du roi

Le Suicide français (Albin Michel), d'Eric Zemmour

Le Suicide français (Albin Michel), d’Eric Zemmour

Sur le forum 18-25 du site www.jeuxvideo.com, des jeunes gens, depuis deux jours, préparaient fébrilement leur samedi soir. Était-ce pour se livrer à une partie de jeu en réseau annexant le week-end entier ? Afin d’élaborer une gigantesque soûlographie ? Non. Ils prévoyaient justement de se « mettre suffisamment la tête » la veille pour ne pas regretter de rester chez eux le lendemain et fixer les yeux sur un écran tout ce qu’il y a de plus classique où devait ressurgir leur idole, une idole n’ayant aucun des attraits de Lara Croft, un maigre intellectuel quinquagénaire faisant la promotion d’un pavé de plus de 500 pages détruisant point par point les coordonnées de l’époque même qui les avait vu naître. Le soir en question, c’est par dizaines qu’ils envahissaient un topic spécialement dédié afin de commenter en direct la prestation d’Éric Zemmour tout en tenant au courant les retardataires de ses dernières sorties. Lorsque le polémiste entra sur le plateau au début de l’émission sous l’ovation des spectateurs, une phrase fusa sur le forum, résumant toute l’excitation qui venait de s’y concentrer : « Le retour du roi ! » Les quelques réfractaires au culte, peut-être deux ou trois internautes, lancèrent bien des anathèmes, la foule n’y répondit même pas. À rebours de tous les clichés véhiculés par les médias en permanence, cette scène extravagante ne prenait pas place sur le forum 60-75 du site nostalgiquesdevichy.com, ou dans une soirée privée organisée par Radio Courtoisie, mais parmi des jeunes gens connectés représentant bien davantage l’avenir du pays que Cohn-Bendit ou Attali, les vieillards triomphants qui ont, depuis quarante ans, établi un règne qui ne se décide pas à offrir une quelconque alternance possible.

Anatomie du Suicide

Ce soir du 4 octobre, toutes les données du traitement médiatique de Zemmour et de son livre vont se mettre en œuvre. Tout d’abord, il faudrait donc rappeler de quel objet il va être question afin de comprendre la manière spéciale dont les médias ont décidé de le traiter. Le Suicide français déroule une espèce de chronologie du désastre, de la mort du Général de Gaulle à nos jours, récapitulant tous les éléments qui ont participé à « suicider » le pays – et dans chaque ordre : économique, politique, moral, esthétique, stratégique. Si l’écriture est souvent assez fruste, emportée par l’efficacité qu’elle vise ; si, en brassant une telle somme de choses si diverses avec des ambitions si profondes, Zemmour est très souvent dans le raccourci, l’approximation, la formule, ces défauts demeurent assez inhérents à son projet : celui de faire un livre de combat dans une situation d’urgence, et un livre qui, pour être efficace, puisse néanmoins être lu par un grand nombre. Il n’en reste pas moins très riche, dégage quelques intuitions lumineuses, et propose en effet comme thèse une certaine « déconstruction de la déconstruction » qui peut, évidemment, être discutée de mille manières, mais qui se trouve en tout cas étayée, cohérente, souvent implacable.

L’idée la plus forte qu’il tente de démontrer – et dans le combat culturel, sans doute la plus stratégique -, est qu’il n’y a pas de « sens de l’Histoire », comme le prétendent sans arrêt les idéologues libéraux/libertaires d’un bord à l’autre de l’Assemblée afin de faire accepter aux Français, par une superstition fataliste, leur déclin, leur déclassement en tous plans, et pourquoi pas, demain, leur remplacement par une nouvelle population. Non, il n’y a pas de « sens de l’Histoire », d’obligation d’en passer par là contre quoi toute rébellion serait immature et stérile, mais, et Zemmour le démontre année après année à travers une liste très importante d’événements symptomatiques, il y a une succession impressionnante de démissions, de renoncements, de choix, de pressions internes et externes diverses qui aboutissent toutes, en se liguant au même faisceau, à la situation actuelle d’une France à l’état de possible mort imminente. Le problème n’est donc pas religieux, au sens d’une fatalité pseudo-progressiste et mondialiste devant quoi il faudrait s’incliner comme le croyant face aux décrets divins, mais le problème est politique et tient à une trahison des élites ayant, sciemment ou non, usé d’une certaine manière de leur responsabilité d’hommes libres et doués d’intelligence. Tradition de la raison critique française, tradition de l’essai polémique qui ne se confond ni avec une thèse ni avec une production de spécialiste, le format et la démarche employés par Éric Zemmour sont a priori naturellement appréhendables par n’importe quel « lettré ».

Stratégie médiatique

Sauf que, nous l’avons dit, l’objectif des chroniqueurs de Ruquier comme de leur patron, n’est pas d’instaurer un débat loyal ou d’établir une critique raisonnable d’un livre dont va être tout juste effleurée la thèse, mais de parvenir enfin à détruire le monstre, en profitant de son retour sur les lieux d’origine de sa puissance, comme si le cercle d’une malédiction pouvait ici trouver sa boucle. La stratégie choisie pour l’abattre n’est cependant pas de viser le cœur avec un pieu, mais, bien au contraire, d’attaquer le plus en marge qu’il soit possible. Qu’importe que, de cette manière, on ne vise jamais le cœur du débat et qu’on ne démonte jamais le fond de l’argumentaire d’Éric Zemmour : la télévision est un flux, l’image impressionne, la célérité des échanges empêche la prise de recul, elle produit naturellement une forme de confusion globale émotive – il suffit donc de créer des impressions à partir du matériau qu’on trouvera pour terrasser la bête au venin de trois fléchettes. 1/Zemmour est un faux prophète. 2/Zemmour ment. 3/Zemmour est fasciste.

Et pour étayer ces accusations, puisqu’on est dans le registre d’un procès, d’une mise à mort médiatique rêvée, pour les étayer, donc, on ne recule devant aucun amalgame ni aucun procédé. Pour démontrer le premier point, on diffuse un extrait d’une émission de juillet dernier au cours de laquelle Éric Zemmour pronostique la défaite de l’Allemagne à la Coupe du monde qu’elle a finalement remportée. Que sur les nombreux pronostics qu’a établis le journaliste, il arrive qu’il se soit trompé, et concernant du football (!), on ne voit guère ce que cela démontre, mais qu’importe puisque cela infuse du moins une idée : celle qu’échouent les prophéties zemmouriennes.

Caron ou le déni par la statistique

Le plan sur lequel va attaquer Aymeric Caron pour exposer, lui, l’idée que Zemmour ment, est le seul qu’il connaisse : celui des saintes statistiques. Les chiffres rassurent toujours les esprits faibles, c’est l’objectivité à la portée des comptables. Et cela participe à nouveau d’une attaque complètement en marge. En effet, la moitié des chiffres présentés par Éric Zemmour dans son livre seraient-ils faux ou tronqués, que ça n’invaliderait pas sa thèse pour autant ! Elle serait seulement très mal étayée… Mais bref, Caron détecte et dénonce un chiffre sur le nombre d’enfants étrangers de moins de quatre ans qui semble en effet impossible. Il a tout à fait raison de le remarquer, mais de là à inférer que l’ensemble de l’argumentaire de Zemmour reprenant la théorie de Renaud Camus sur « Le Grand Remplacement », i.e. la substitution de la population française d’origine par une autre importée d’Afrique, il y a tout de même une conclusion pour le moins hâtive. D’autant que les chiffres qu’il oppose au polémiste comme des tables de la Loi et qui tendraient à prouver que la proportion d’immigrés dans la population est stable depuis des lustres sont à même de faire éclater de rire n’importe quel observateur de son propre quartier. De toute manière, l’immigration est l’angle mort statistique, aucun chiffre ne décrit le phénomène de manière satisfaisante. À partir du moment où la machine assimilationniste française est en panne, il devient impossible de recouper la nationalisation juridique d’une personne et sa francité effective. Les outils statistiques sont donc inopérants pour décrire la réalité. Le débat de chiffres qui s’ensuit n’est plus qu’une diversion sans aucun intérêt. Mais l’on pourra noter, en revanche, comment se révèle la tournure d’esprit particulière du chroniqueur lors de l’émission suivante d’ONPC. En effet, comme Ruquier revient sur le passage de Zemmour notamment en raison des très nombreuses protestations des spectateurs sur le traitement qui lui a été infligé, le présentateur tente de se réconcilier son public en arguant que les ventes faramineuses de son essai – 5000 exemplaires par jour –, sont peut-être aussi une conséquence de son débat avec ses chroniqueurs. Caron, ne supportant pas d’être assimilé de la sorte à un promoteur indirect des écrits d’Éric Zemmour affirme alors qu’on pourrait voir les choses autrement, et, tenant pour acquis les succès commerciaux de Zemmour, prétend que sans son intervention, le livre se serait peut-être écoulé à 10 000, voire 20 000 exemplaires par jour… Immédiatement, l’homme se jette donc sur des chiffres, des chiffres totalement délirants n’ayant d’autre fonction qu’un déni de réel : l’incontestable succès du livre d’Éric Zemmour. Cette réaction spontanée en dit plus long sur les méthodes de Caron que n’importe quelle analyse. On comprend néanmoins l’obsession mathématique du chroniqueur. Lorsqu’il se réfère aux lettres, monsieur a tendance à s’embrouiller, comme quand il prétend ridiculiser l’érudition de Zemmour en citant Schopenhauer brocardant ceux qui citent des auteurs référents, sans s’apercevoir que l’arme qu’il utilise le désigne, en l’occurrence, lui-même comme première cible…

Le lancement de la polémique

Enfin, comment, pour détruire un adversaire idéologique, aurait-on pu se passer d’un bon vieux point Godwin ? C’est facile et toujours efficace, la preuve : l’intervention de Léa Salamé va lancer une polémique qui affolera les médias pour une semaine entière. Reste à savoir, à quel point ces médias sont dupes ou à quel point ils se renvoient le point Godwin comme une balle en tentant à chaque coup de lui conférer un effet plus pervers. Encore une fois, Salamé attaque complètement dans la marge. Le sujet de Zemmour, qui consacre un bref chapitre à Paxton, n’est pas Vichy ni Paxton, d’ailleurs, mais l’entretien par les élites française d’une haine de soi nationale complètement mortifère. L’auteur montre comment la doxa engendrée par l’historien américain faisant de Vichy une incarnation du mal aussi définitive, sinon plus, que le nazisme, va être utilisée dans un but idéologique afin de parvenir à l’équation : France = Vichy = pire qu’Hitler. Evidemment, la démonstration de Zemmour est contrainte de se dérouler sur un terrain périlleux, et le bretteur avance toujours au pas de charge sans prendre peut-être toutes les précautions requises ( et quoiqu’il stipule bien qu’il ne cherche aucunement à réhabiliter Vichy), d’autant qu’il ne s’agit pour lui que d’un élément parmi un vaste catalogue. Mais comme Caron se jette, dans les marges d’une énorme démonstration, sur la statistique improbable ; Léa Salamé se précipite, toujours dans les marges, sur la première possibilité de point Godwin, et transforme les 500 pages de Zemmour en réhabilitation de Pétain, tout en le renvoyant paradoxalement à ses origines juives : celles-ci l’auraient prétendument poussé de manière névrotique à se vouloir plus goy que goy. On admirera ce déterminisme racial, et cette subtilité psychologique.

Une semaine de calomnie

S’en suivra une semaine de calomnie, sur le même mécanisme que l’affaire Millet, que l’affaire Deutsch, que l’affaire Gauchet, sur le même procédé de lynchage hystérique et de mauvaise foi pris en charge par tous les médias dominants en vue de fasciser le déviant sur le mode stalinien. Tout sera utilisé. Le mensonge par Bruno Roger-Petit prétendant, le 6 octobre, sur son blog du Nouvel Obs’ que le discours de Zemmour est : « Il faut réhabiliter Pétain, le bouclier protecteur des Nazis en 1940 », quand bien même Zemmour affirme, durant l’échange en question visible sur la page : « Ce n’est pas la réhabilitation de Pétain. » En outre, souligner que le régime de Vichy, en dépit de toute l’horreur qu’il représente, a paradoxalement protégé les Juifs français tout en se livrant à l’abomination par ailleurs, ne revient pas à reprendre l’antienne du glaive et du bouclier… On vire à la contradiction manifeste aux Inrocks, qui interviewent l’historien Serge Berstein afin que celui-ci donne une leçon d’histoire à Éric Zemmour. Berstein affirme donc que Zemmour a tout faux et explique : « Il est vrai que le quart des Juifs français a été déporté et n’est pas revenu. Le chiffre est moindre que dans d’autres pays. C’est dû d’une part aux effets de protection de la population et d’autre part aux efforts, en tout cas au début, pour essayer de conserver les Juifs français et livrer les Juifs étrangers à l’Allemagne ». Soit, précisément ce qu’affirme Zemmour, qui ne prétend rien de plus… Le 13 octobre, le JDD ira voir l’historien sur lequel s’appuie Zemmour, Alain Michel et titrera : « Le livre de Zemmour ne me concerne pas. », laissant entendre, donc, que l’historien conteste le journaliste. Pourtant, en lisant l’article, on découvre ceci : « L’expression de Zemmour est maladroite. Il aurait fallu dire « entre 90 et 92% », et contrairement à ce qu’affirme Serge Klarsfeld, je ne pense pas que l’on puisse attribuer ces chiffres à la seule action des « Justes parmi les nations », mais principalement à la politique appliquée par le gouvernement de Vichy, qui a freiné l’application de la solution finale en France. » À ce degré de malhonnêteté intellectuelle décomplexée, on sent que la machine déraille complètement. Jacques Attali, sur BFMTV, compare Zemmour à un « traitre glorifié » après l’avoir de nouveau acculé à son ADN juif. Quant à Jean-Jacques Bourdin, le 13 octobre, sur la même chaîne, il ira jusqu’à poser à Éric Zemmour cette question laissant son interlocuteur complètement ébahi : « Vous êtes négationniste, Éric Zemmour ? » Ainsi a-t-on à nouveau quitté l’aire du débat intellectuel depuis longtemps désertée pour s’engouffrer dans le délire collectif. Tout ça pour assimiler à Pétain un homme ne jurant que par de Gaulle.

Collusion des élites

Mais revenons à cette soirée inaugurale du 4 octobre. Zemmour s’y trouve seul contre tous et intervient sur tous les fronts. Cohn-Bendit, Ruquier, Salamé, Caron, Denisot, sont dans la mêlée, mais le cinéaste Xavier Dolan, comme son actrice au bord de l’apoplexie, même s’ils n’entrent pas dans la bataille, partagent le même ennemi. Dolan exprimera son dégoût pour le polémiste le 6 octobre sur Europe 1. Forcément, celui-ci représente une odieuse provocation au tribunal de son univers mental personnel. Néanmoins, personne ne semble relever, quand Dolan pousse un coup de gueule contre les manifestants opposés à la GPA, qu’il y a tout de même quelque chose de légèrement choquant à ce qu’un homosexuel québécois de 25 ans sans enfant vienne tancer brutalement les Français sur leurs choix en matière de politique familiale… La provocation, l’outrance, ne peuvent semble-t-il jamais venir que du même lieu. En tout cas, Zemmour ligue toute l’élite contre lui, phénomène qui devient aussi spectaculaire que transparent sur un plateau de télévision. Politiques, animateurs, journalistes, artistes, tous les représentants du pouvoir politico-médiatico-culturel se trouvent amalgamés d’un coup d’œil par la révulsion que leur inspire Zemmour. Après le plateau d’ONPC, ce sera le reste de la presse qui clamera sa réprobation, puis la classe politique à son tour. De Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS sur LCP à Roselyne Bachelot sur France 5 ou même Pasqua sur Europe 1, sans compter bien entendu les associations prétendument antiracistes, par les voix de Dominique Sopo ou d’Alain Jakubowicz. Tous ne sont plus qu’un seul bloc.

Déni de démocratie, le peuple pue

Et pourtant, dès le début du choc, Léa Salamé l’affirme gravement : « Vous avez gagné, Éric Zemmour… », sous-entendant par là que les idées que celui-ci défend sont désormais majoritaires dans la population française. Mais comment alors ne pas prendre en compte l’invraisemblable distorsion de représentativité qui se joue à l’occasion de la « tournée promotionnelle » de l’essayiste ? Les médias, dans leur immense majorité, l’isolent et l’agressent tout en reconnaissant qu’il a le nombre invisible (de moins en moins invisible) pour lui ! Et ils l’agressent bien sûr soi-disant au nom de la diversité et d’un fallacieux humanisme progressiste que toute leur attitude bat en brèche ! Cette distorsion, si elle ne peut qu’être vérifiée par les ventes record du Suicide français, apparaît de manière plus sensible sur les pages Internet. Chaque article, chaque vidéo, se voient inondés par les commentaires quand ceux-ci ne sont pas purement et simplement fermés. Réalité qui poussera Laurent Ruquier à opérer un debriefing conciliant dans son émission suivante. Ces commentaires soutiennent Zemmour dans des proportions de 50 à 100% selon que les supports vont de la gauche à la droite. Sont-ce des cris de haine ? Des logorrhées xénophobes ? Des discours nazis remixés ? Non ! La plus grande partie de ces posts propose le débat, développe de réelles argumentations, se tient dans un cadre parfaitement rationnel. Ce sont les affiliés aux médias dominants qui se contentent d’invectives, d’injures, de raccourcis infâmants et ferment toute possibilité à l’échange. Et en dépit de cela, par un aveuglement idéologique obstiné, par une surdité démente, cette France-là, qui lit, qui discute, qui développe, qui écrit un français correct et qui, quand elle ne soutient pas totalement l’essayiste, s’étonne au moins du traitement qui lui est réservé, cette France-là est caricaturée et couverte de crachats par la Une de Libé, le 11 octobre, qui titre sur « La France rance d’Éric Zemmour. » Le champ lexical de la moisissure et de la pestilence ne s’étaye que fort peu.

Mais pourquoi le vieux journal de gauche, si célèbre pour ses titres, n’est-il pas allé plus vite à l’essentiel en titrant par exemple : « Le peuple pue. »

La France du repli sur soi… et l’autre

De fait, la stupéfiante semaine médiatique autour d’Éric Zemmour aura confirmé certaines de ses thèses d’une manière spectaculaire. Des élites toutes insidieusement solidaires auront vomi leur bile sur une bête médiatique incarnant le temps de quelques émissions toute la souffrance et l’orgueil d’un peuple méprisé, et auront également révélé le visage cohérent d’une certaine France. Une France du repli sur soi, du repli dans les beaux quartiers et les plateaux de télévision, bien unie derrière ses apparentes divergences, pour fréquenter les mêmes carrés VIP et partager les mêmes maîtresses. Une France de la haine, prête à toutes les calomnies pour faire taire celui qui ose exprimer une opinion divergente ; une France inapte au dialogue et gavée de préjugés sur quiconque se montrerait trop étranger à sa propre culture. Surtout, une France qui panique et perd toute maîtrise rationnelle. En somme, une France qui a peur. Et dont la peur, en effet, n’est sans doute pas seulement nourrie de fantasmes…

Crédit photo : Thesupermat via Wikimedia (cc)