Dossier : La presse française et européenne vent debout contre Norbert Hofer

Dossier : La presse française et européenne vent debout contre Norbert Hofer
Par défaut

L’occasion était trop belle. Le 24 avril 2016, Norbert Hofer, le candidat du FPÖ, termine en pôle position du premier tour de l’élection présidentielle autrichienne, devançant de 14 points l’écologiste Alexander Van der Bellen. Une première étape remportée « à la surprise générale », nous dit-on. Surtout celle des médias occidentaux, faudrait-il ajouter, ces derniers étant de plus en plus coupés du réel alors que l’Autriche fait face à des problèmes migratoires sans précédent.

En prévision d’un second tour le 23 mai où Hofer part favori, c’est le branle-bas de combat dans la presse aux ordres. Partout, notamment en France, on crie à la menace fasciste, on dénonce la montée de l’« extrême-droite » et on entend, à son niveau, influer au maximum sur le résultat du scrutin. Petit tour d’horizon d’une semaine de propagande ouverte pour « éviter le pire ».

Norbert Hofer, un nazi souriant qui vous veut du mal

« Discret et courtois », Nobert Hofer n’en est pas moins d’« extrême droite » pour la presse française. Pour L’Express, et bien d’autres, il est donc, logiquement, « l’extrême-droite avec une patte de velours (et un flingue) ». Un flingue ? Oui, car n’oublions pas que le candidat du FPÖ est un « adepte du tir sportif » et aime, parfois, porter une arme (en toute légalité) pour, dit-il, « renforcer son sentiment de sécurité ». Mais pour qui n’aurait pas pris la peine d’aller plus loin que le titre, ce qui est malheureusement le cas de beaucoup, Nobert Hofer apparaît, à première vue, comme un nazi armé qui a fait campagne « le Glock à la ceinture » (L’Obs).

Car nazi, il l’est aussi ! C’est Christian Rainer, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Profil, qui le dit : « Quand on parle de Norbert Hofer, on parle de quelqu’un fasciné par l’idéologie de la Grande Allemagne. On parle de quelqu’un qui a été sorti du chapeau par un chef de parti qui a frayé dans le milieu néonazi. » Une déclaration sans fondement qui sera reprise et mise en avant, AFP oblige, par toute la presse, Figaro compris. Sans fondement ou presque : dans sa jeunesse, Hofer a appartenu à la corporation estudiantine « Marko-Germania », proclamant l’Autriche comme faisant partie intégrante de la Grande Allemagne. Visiblement, seule l’extrême-droite n’a pas le droit aux casseroles de jeunesse…

De plus, lors de ce premier tour, Hofer a réalisé « le meilleur score jamais enregistré par le FPÖ à un scrutin national depuis la guerre ». On vous l’avait bien dit, que la guerre n’était pas si loin ! Et tant pis si le parti n’a été fondé qu’en 1956… Qui plus est, Hofer partage aussi avec le führer une volonté d’expansionnisme historico-identitaire. En février 2015, l’ingénieur aéronautique s’est en effet prononcé pour le retour du Tyrol, rattaché à l’Italie depuis 1919, à l’intérieur des frontières autrichiennes. Un thème « cher à l’extrême droite depuis la fin de la seconde guerre mondiale », nous dit L’Obs. Sauf que Hofer a défendu le droit à l’autodétermination des habitants de cette région et qu’il n’est évidemment en rien question de conquête militaire…

Pour FranceTVinfo, l’homme politique de 45 ans est un « parano », un « idéologue » qui cache bien son jeu. Autre grief à son actif : il est « islamophobe », expression utilisée tant par Libération que, servilement, par Le Figaro. « Pour moi, la burqa est un symbole de l’oppression des femmes, tout comme le foulard », a déclaré Hofer. Et Metronews de renchérir grossièrement : « Autant de discours prononcés avec un revolver à la ceinture. » Comprenez : Nobert Hofer compte tirer à vue sur les femmes portant le voile ! D’ailleurs, le bougre a même refusé, s’il était élu, de nommer une femme portant le voile dans son gouvernement. Pour ne rien arranger, suite à un accident de parapente, il se déplace désormais avec une canne, en boitant. Cela lui donne, sans aucun doute, un côté étrange et cynique à la Talleyrand (ou à la Docteur House, pour les plus jeunes).

Ce diable boiteux, comme était d’ailleurs surnommé le ministre des relations extérieures de Napoléon, est assurément « anti-Islam », comme nous l’assure L’Obs. Pour preuve : il refuse que l’Autriche, qui accueille déjà 90 000 « réfugiés » ne devienne le premier pays d’accueil de l’Union Européenne. Pire : il ne veut pas que l’Autriche devienne « un pays à majorité musulmane ». Comme le note Libération dans son article, sobrement intitulé « le péril Hofer » : « Pour lui, l’Europe est confrontée à une « invasion musulmane » de réfugiés venus « profiter des allocations » autrichiennes. Armer les soldats à la frontière est, selon lui, une évidence. » Avant, cela s’appelait tout simplement des douaniers. Quant à son rival, l’écologiste Alexander Van der Bellen, il est lui-même « fils et petit-fils de réfugiés ». Il est donc, logiquement, dans le camp des gentils. Peu importe que ce « réfugié » soit un descendant d’aristocrates russes.

L’Humanité, aussi, y va de sa pique. Pour le journal communiste, le candidat d’« ultradroite » « se déchaîne contre les musulmans » et ose évoquer les « valeurs et racines chrétiennes » de son pays. Personne ne conteste son aspect présentable, poli, sympathique. Cependant, dans la presse, c’est la course à l’expression la plus ridicule, de la « main de fer dans un gant de velours » (Le Figaro) à l’« extrémiste si présentable » (Le Point) en passant par le « loup dans un costume de mouton » (Euronews)…

Mais quand bien même cette sympathie évidente lui est reconnue, elle est considérée, partout, comme étant un habile moyen de manipulation. Une stratégie qui est également prêtée, en France… à Marine Le Pen. Dans la presse, on n’a d’ailleurs pas manqué de faire le parallèle entre le duo Nobert Hofer-Heinz-Christian Strache (dirigeant du FPÖ au discours plus direct) et le duo Marine Le Pen-Jean-Marie Le Pen. Comme l’écrit Marianne, le FPÖ n’est-il pas le « cousin d’extrême-droite » du FN ? Car bien-sûr, il n’est même pas nécessaire d’insister sur ce point : en plus d’être armé, nazi, anti-islam et autoritaire, Nobert Hofer est évidemment d’« extrême-droite ».

Sans aucun doute, ce fut l’expression la plus utilisée de la campagne. En cette fin du mois de mai, l’« extrême-droite » était « aux portes du pouvoir » en Autriche, et il fallait se mobiliser…

La menace brune ne passera pas

La diabolisation de Nobert Hofer n’aura pas suffit, il fallait également alerter l’opinion à grand coups de menace d’apocalypse et de désastre. Assurément, l’objectivité aura, une fois de plus, manqué à l’appel lors de cette couverture médiatique disproportionnée et déséquilibrée. Face à l’écolo fréquentable : le nazi susceptible de mettre un terme à la diabolisation de l’« extrême-droite » en Europe (c’est Marianne qui s’inquiète…).

Selon Libération, qui voit Hofer comme un « péril », seules deux solutions s’offrent à la gauche : « un sursaut ou le chaos ». Dans sa boule de cristal sponsorisée par Patrick Drahi, Libération voit donc un avenir apocalyptique pour l’Autriche en cas de victoire du FPÖ. Ses sources ? Des militants de gauche, des communistes, qui se mobilisent avec des drapeaux estampillés « Pas de nazi dans la Hofburg ». Ainsi, conclut Libé, lors du vote du second tour, il faudra un sursaut démocratique : « C’est ça ou le saut dans le vide. Ou un pays au bord du chaos. »

Pour Le Point également l’Autriche n’a que deux solutions. L’une enrobée de miel, l’autre de cyanure : « l’extrémiste Hofer ou l’écologiste Van der Bellen », titre l’hebdomadaire. Partout, on craint que l’actuel vice-président du Parlement autrichien ne sème le désordre dans le paysage politique du pays, notamment avec un renvoi du gouvernement et une dissolution de l’Assemblée. Pourtant, « le candidat d’extrême droite a souvent répété qu’il respecterait les usages et qu’il ne renverrait le gouvernement qu’en dernier recours », explique un journaliste. Mais FranceTVinfo craint « qu’il cache ses vraies intensions (sic) pour ne pas inquiéter les électeurs ». Ce qu’il dit est inquiétant mais ce qu’il ne dit pas l’est encore plus, en somme.

De son côté, La Tribune estime que cette élection serait un « véritable coup de tonnerre en Europe, car, pour la première fois, un représentant de l’extrême-droite deviendrait chef d’un État membre de l’UE et de la zone euro et il y serait parvenu par une élection directe au suffrage universel ». Mais outre ces craintes, comment expliquer cette tendance ? Pour Romaric Godin, toujours sur La Tribune, le pays est « travaillé par la nostalgie de la grandeur perdue des Habsbourg » et à cela s’est ajouté… « un manque de culpabilité pour la période nazie du pays ». Mais oui ! Exit la crise migratoire et les délires austéritaires de l’UE.

Pour BFMTV, « l’extrême-droite est aux portes du pouvoir ». Et de s’inquiéter qu’« en Autriche, Norbert Hofer ne fait presque plus peur ». Il faut donc relancer la peur. D’après La Tribune de Genève, la « percée de l’extrême-droite » se fait dans « une Autriche effrayée ». Effrayée par « les dizaines de milliers de réfugiés ayant débarqué sur leur sol, inquiets par la montée du chômage et furieux de l’immobilisme des gouvernants actuels ». Assurément, leur choix est donc irrationnel. Ainsi fragilisée, apeurée, l’Autriche est donc sur le point de « tomber sous le joug de l’extrême-droite » (Euronews). Quand bien même la victoire se ferait par les urnes, elle aurait donc toujours des allures de conquête militaire, d’occupation, de « joug ».

Au micro d’Europe 1, Jean-Michel Aphatie a quant à lui parlé de « menace pour l’Europe ». Rappelant que Norbert Hofer avait tenu, « dans sa jeunesse », des propos antisémites (la belle affaire), celui-ci a estimé que son élection serait « une mauvaise nouvelle pour une Europe déjà essoufflée, divisée et déboussolée ».

Pour couronner le tout et renforcer l’inquiétude, BFMTV nous parle des 600 000 musulmans autrichiens qui « retiennent leur souffle ». Dans son édition, la chaîne info rapporte le témoignage de « Mona », une blogueuse musulmane voilée dont l’amie, elle aussi voilée, se serait faite agressée dans le tramway à cause de son foulard. Et la chaîne d’ajouter que « dans le pays, les agressions à connotations raciste et islamophobe ont fortement augmenté depuis un an ». Ainsi pour BFMTV, même si l’écologiste venait à l’emporter, « le mal est déjà fait ».

Soulagement… et inquiétude

Ouf ! Nous sommes le lundi 23 mai, les votes par correspondances ont été dépouillés (et ont renversé la situation), les résultats du second tour sont officiels : c’est l’écologiste Alexander Van der Bellen qui remporte l’élection présidentielle, devançant le descendant d’Hitler de seulement 31 000 voix (50,3 %). Le « sursaut de l’Autriche » (La Dépêche) a bien eu lieu ! « Toute l’Europe attendait le résultat ». La voici soulagée. Reconnaissant sa défaite, Nobert Hofer a déclaré que « les efforts déployés pour cette campagne ne sont pas perdus, mais sont un investissement pour l’avenir ». Pour La Dépêche, c’est assurément une « menace ». Et le quotidien du midi de s’interroger : « L’Europe va-t-elle enfin avoir conscience de cette tâche brune qui, si elle n’y prenait garde, pourrait un jour prochain obscurcir son paysage ? »

En plein délire, La Dépêche va jusqu’à considérer cette « ultime réaction des électeurs autrichiens » contre le « national-populisme » contre « un acte de résistance ». Fort de café pour un quotidien qui – sans doute l’a-t-il oublié – a collaboré sous l’Occupation. S’il se dit « satisfait » de la défaite de l’« extrême-droite », il s’interroge encore : « Faudrait-il alors, dans une posture morale, se contenter de rappeler comment naquirent les monstres du passé ? » La mémoire est, visiblement, très sélective.

Dans toute l’Europe, la presse est « soulagée mais inquiète » (Le Soir). En Allemagne, le Der Spiegel alerte sur le fait que « le populisme de droite est en plein essor en Autriche ». La Süddeutsche Zeitung estime que « le SPÖ doit se ressaisir ». En Suisse, La Tribune de Genève estime que la défaite du FPÖ est « une alerte pour le reste de l’Europe ». En Angleterre, le Guardian a choisi de partir à la rencontre des immigrants vivant en Autriche, « soulagés par la défaite de Norbert Hofer ». Enfin en Espagne, El Pais juge que l’Europe est « effrayée ». « La xénophobie a prospéré comme un poison. Ses causes : la psychose terroriste, le délitement social, l’auto-sabotage par l’UE de ses valeurs fondatrices (réapparition des frontières, externalisation du problème migratoire à la Turquie), et l’obscénité avec laquelle les leaders xénophobes se servent des instincts et les sentiments, en faisant appel à la cohésion que propose le récit nationaliste », lance le quotidien de gauche.

En France, les médias ont également été très imaginatifs. Pour France Inter, « l’Autriche a préfère le vert au brun ». Pour FranceTVinfo, c’est « le soulagement qui domine » même si cette élection reste une « forme d’avertissement ». Dans un autre article, la déclinaison web du groupe France Télévisions nous explique « pourquoi il faut s’inquiéter malgré la défaite de l’extrême droite ». En effet, malgré la victoire de l’écologiste, « le très bon score réalisé par le candidat du FPÖ reste préoccupant ». Cette semi-défaite peut ainsi « créer une dynamique en Europe ».

De son côté, La Dépêche en a remis une couche en insistant sur ce nouveau président « écolo fils de réfugiés » et donc « média-friendly ». Concernant la victoire sur le fil de ce dernier grâce aux votes par correspondance, le quotidien lance un « Merci La Poste ! » sans équivoque. Pour le journal, Van der Bellen est « courageux, assurément, et à contresens de la démagogie électorale, quand il défend une position humaniste sur les réfugiés ».

Pour Le Progrès, même son de cloche, l’Autriche a « fait barrage à l’extrême-droite ». Malgré tout, « le FPÖ s’inscrit désormais dans le paysage politique autrichien comme le premier parti du pays ». Et ça, c’est un problème. Pour Ouest-France, l’Autriche a « échappé de peu à l’extrême-droite » mais, encore une fois, « l’excellent résultat de Norbert Hofer (49,7 %) inquiète ». Enfin du côté de RTL, l’inénarrable Alain Duhamel s’est félicité : « le fameux plafond de verre face à l’extrême droite n’est pas un mythe ».

Alléluia ! Au regard de cette campagne ahurissante menée tambour battant par l’ensemble de la presse européenne contre le FPÖ, le Front National (le fameux cousin d’extrême-droite) peut déjà avoir une idée de ce qui se passera, en France, en cas de présence de Marine Le Pen au second tour. De quoi présager un nouveau dossier Ojim bien fourni !

Source : ojim.fr

Publicité

« Daech vote FN »: la chronique délirante de France Inter

Par défaut

Source : Ojim.fr – Après les attentats du 13 novembre, on attendait évidemment l’offensive « padamalgamiste » des médias.

Cela n’a pas manqué. Dès le 19 novembre sur France Inter, Renaud Dély repoussait les limites du délire, allant jusqu’à affirmer sans sourciller que « Daech vote FN ».

Pour le rédacteur en chef de L’Obs, le FN est visiblement le seul parti à n’avoir pas fait preuve de « modération » ces jours derniers. En réclamant la démission du gouvernement, Marine Le Pen réalise ainsi, selon Dély, le « rêve de Daech ». « C’est évidemment ravir les terroristes, qui veulent déstabiliser l’état français », poursuit-il, jugeant que « ce n’est pas franchement étonnant ».

Mais le chroniqueur va plus loin dans son analyse. Pour ce dernier, il y aurait « quelques convergences de vue entre le FN et les terroristes ». Vous avez bien lu. Daech et le FN : même combat ! Citant diverses réactions d’élus frontistes, pas franchement dans la demi-mesure vis-à-vis de l’islam ou du gouvernement, Renaud Dély estime que le FN veut « bordéliser » le débat public pour parvenir à ses fins en 2017.

Une analyse qui pourrait être recevable, et même applicable aux autres formations politiques, si le journaliste ne sombrait pas dans le délire le plus total en conclusion. « Certes, on ne dira pas que le FN vote Daech, non bien sûr. Mais en revanche, ce qui est clair, c’est que Daech vote FN », assure ainsi M. Dély.

Si l’on peut facilement accuser les responsables politiques de récupération suite aux attentats, le rédacteur en chef de L’Obs apporte ici la preuve que dans les médias, on peut parfois repousser encore plus loin les limites de l’odieux pour tenter de dévier les colères…

Salarié à Radio France, une vie de pacha ?

claude chollet
Par défaut

Voilà maintenant des semaines que la grève à Radio France dure. Si les revendications sont très floues aux yeux du grand public, 218 journalistes titulaires du groupe ont néanmoins signé dans le Nouvel Obs une tribune dans laquelle ils interpellent Mathieu Gallet, le PDG, et Fleur Pellerin, la ministre de la Culture.

Face à des « changements profonds » des conditions de travail à venir, les signataires expliquent s’inquiéter de la situation de ce qu’il convient d’appeler les « précaires » du groupe. « Disponibles 24 heures sur 24, appelés à travailler parfois la veille ou le jour même, dans toutes les rédactions de l’entreprise (France Culture, France Info, France Inter, France Musique, FIP, Mouv’ et les 44 radios locales de France Bleu), ils sont soumis à une astreinte qui ne dit pas son nom et qui n’est donc pas rémunérée », clament-ils.

Et ces derniers de dénoncer un « système illégal » de reconduite de CDD à outrance. « N’importe quel conseil des Prud’hommes requalifierait cette situation en CDI. Mais nos jeunes confrères n’ont d’autre choix que de subir cette période d’essai interminable : ce système est la seule voie d’accès à un CDI à Radio France », estiment les signataires.

Et de conclure : « Le sort de ces journalistes précaires nous importe. Ce sont nos collègues. Comme nous, ils travaillent exclusivement pour Radio France. Sans eux, nos antennes ne fonctionnent pas. Ces dernières semaines, ils n’ont pas fait grève. Impossible de cesser le travail, par peur de le perdre. »

À première vue, le procédé semble louable : s’indigner des conditions de travail des précaires du groupe est une chose on ne peut plus recevable. Pourtant, alors que la grève dure depuis des semaines (la plus importante de l’histoire de Radio France) et qu’il faut bien justifier cette action, c’est à se demander ce que les salariés de la Maison Ronde tentent de masquer en braquant soudain les projecteurs sur leurs confrères en CDD.

La cour des comptes a peut-être apporté un début de réponse au début du mois. Dans un rapport accablant, les hauts magistrats dévoilent les avantages confortables dont jouiraient les salariés de Radio France.

Tout d’abord, ces derniers se verraient accorder de généreuses vacances : jusqu’à 56,5 jours par an, RTT inclus, pour les personnels techniques et même jusqu’à 68 jours pour les journalistes ! Qui plus est, les congés ne seraient pas déclarés correctement, ce qui laisse entrevoir une situation peut-être encore plus confortable qu’elle ne le paraît déjà.

Selon la Cour des comptes, 8 % des journalistes du groupe (dont 24% à France Info et 15 % à France Inter) s’aménageraient en plus un rythme de travail des plus tranquilles : 4 jours de travail suivis de 3 jours de congés… Quant aux musiciens, ils ne travailleraient que 700 heures par an (alors que la convention collective en prévoit 1 100).

Aussi, les salariés de la Maison ronde toucheraient beaucoup d’à-côtés. Primes de fonction pour le travail de nuit, la matinale, ou encore la promotion à un poste de cadre… celles-ci sont nombreuses. Mieux : certains journalistes continuent de percevoir leur prime de nuit alors qu’ils travaillent la journée.

À cela, ajoutez qu’un tiers des salariés bénéficie d’heures supplémentaires. « Cela constitue même un élément permanent de rémunération pour certaines catégories: 71% des techniciens du son en ont perçu en 2013 », notent les magistrats. Ce n’est pas tout : 131 salariés en CDI perçoivent des cachets d’intermittents du spectacle en guise de « complément de rémunération ». Une pratique « d’autant plus condamnable qu’elle ne donne lieu à aucun contrôle ».

Selon la Cour des comptes, les avantages en nature seraient également monnaie-courante à Radio France. Le remboursement des amendes des salariés, pratique pourtant interdite, se pratiquerait régulièrement. Pour ce qui est des voyages, a priori en classe économique, « des incertitudes subsistent sur les dérogations à cette règle ». Quant aux abonnements téléphoniques, « il a fallu un contrôle de l’Urssaf pour que l’usage des portables à titre privé soit encadré ».

Enfin les hauts magistrats terminent leur bilan par le constat d’un sureffectif à plusieurs niveaux. Par exemple, la communication compte une centaine de personnes. Pour les trois antennes FIP en province, qui réalisent pourtant de modestes audiences, on compte 17 personnes et un coût d’un million d’euro par an.

Même constat pour les trois bureaux régionaux d’information (9 équivalents temps plein), dont la « productivité est difficile à établir ». Enfin se pose le problème du très grand nombre de techniciens malgré le passage au numérique de la production. Le groupe compte en effet 582 techniciens du son et 150 chargés de réalisation. « Les effectifs de techniciens affectés à France Inter (41,6 équivalents temps plein, soit 3 millions d’euros de masse salariale) sont d’un niveau inexpliqué, lorsqu’on les compare à ceux de France Info (19), France Culture (14) ou France Musique (11) », explique la Cour.

L’explication est pourtant simple : « cette situation tient à la capacité de cette équipe de techniciens à paralyser l’antenne, comme la grève de janvier 2013 l’a montré »… À noter que tous ces avantages sont exclusivement réservés aux CDI, malgré le fait qu’ils fournissent un volume de travail inférieur d’un tiers à celui des CDD.

À la vue de ce rapport, on comprend mieux désormais pourquoi les salariés titulaires tentent de mettre en avant la situation des précaires qui elle, est réellement inacceptable.
Voir notre infographie de Radio France