8 médias français s’allient à Facebook contre les « fausses informations »

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Source : Ojim.fr – Pour lutter contre les « fausses informations » véhiculées sur les réseaux sociaux, huit médias français ont choisi de s’allier à Facebook pour réduire ce phénomène.

Traumatisés par la victoire de Donald Trump et l’influence présumée des rumeurs sur cette élection, Facebook et les grands médias souhaitent réagir. Lundi 6 février, le réseau social a ainsi annoncé sa collaboration avec 8 médias français : Le Monde, l’AFP, France Télévisions, BFMTV, France Médias Monde, L’Express, Libération et 20 Minutes.

Le but : mettre en place un système similaire à celui déjà lancé aux États-Unis, avec ABC News, AP, FactChack, Politifact et Snope, permettant aux utilisateurs de signaler des informations jugées « fausses ». Une fois signalés, les liens sont remontés jusqu’à un portail et « vérifiés » par les médias partenaires, qui disposent d’un accès.

« Si deux médias partenaires établissent que le contenu signalé est faux et proposent un lien qui en atteste, alors ce contenu apparaîtra aux utilisateurs avec un drapeau mentionnant que deux « fact-checkers » remettent en cause la véracité de cette information. Quand un utilisateur voudra partager ce contenu, une fenêtre s’ouvrira pour l’alerter », précise Le Monde.

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les rappeurs dans le collimateur

claude_chollet
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Drogue, armes, paroles : plusieurs clips de rap ont récemment attiré l’attention de la justice. Si vous aussi vous envisagez de jouer au gangster sur YouTube, voici quelques conseils de base. Au cas où.

Avec un minimum de matériel et de compétences, n’importe qui peut réaliser son clip de rap et le poster sur YouTube. Un moyen très simple de faire connaître son boulot, même si l’écrasante majorité de ces petits artisans passe totalement inaperçue. Néanmoins, de temps en temps, les autorités décident de donner un coup de pouce à certains anonymes.

Compiègne, Sarcelles et récemment Strasbourg : plusieurs clips ont titillé la curiosité des élus et de la justice. En cause, la drogue, les armes et les paroles trop crues qu’on peut y voir et y entendre.

Dans ces cas-là, trois grilles de lectures (au moins) sont possibles :

  • il faudrait enfermer ces jeunes et faire un exemple. Interdire le rap aussi, car c’est une musique qui encourage la violence, les doublements scolaires et la débauche ;
  • la justice a mieux à faire et de toute façon, c’est simplement de la com’. Condamner des rappeurs qui se donnent en spectacle ne changera rien tant qu’on n’agira pas sur le fond. La drogue continuera de circuler, les armes aussi, quand bien même on remplacerait le rap par la folk ;
  • c’est simplement de la fiction. Une sorte de court-métrage à budget quasi nul, où les jeunes fantasment leurs modes de vie et reproduisent des codes utilisés par des stars du rap. Un divertissement, quoi.

Flemme et manque d’imagination

A Sarcelles, le réalisateur du clip polémique – qui met en scène des mineurs – se justifie :

« On parle de drogue, comme dans les films. Mais ce ne sont pas des dealers, ils vont tous à l’école. Il n’y a rien de méchant, ce n’est que de la comédie, que des comédiens. »

Peut-être. Mais comme l’explique le sociologue Anthony Pecqueux aux Inrocks :

« On refuse systématiquement la possibilité du second degré au rap, c’est une constante depuis plus de vingt ans. Et on continue à prendre les spectateurs de ces clips pour des idiots culturels, incapables de ne pas les prendre au premier degré. »

Ces jours-ci, Les Dernières Nouvelles d’Alsace, Le Parisien ou encore FranceTV Info ont évoqué le cas d’Abdelos, un jeune rappeur strasbourgeois. Son clip, qui transpire la flemme, le copié-collé et le manque d’imagination (en gros, tous les ingrédients pour se taper la honte), fait l’objet d’une enquête de la Direction départementale de la sécurité publique.

Si vous êtes « gangster-apprenti rappeur YouTube » et que vous envisagez de faire quelque chose dans son style, voici quelques petits rappels (de base) avant de vous lancer dans cette périlleuse aventure. On ne sait jamais.

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Les images restent, parfois pour toujours

Les images peuvent être vues par n’importe qui, n’importe où, à commencer par la famille. A propos des gamins de Sarcelles, le rappeur JP Manova dit à nos confrères de Vice :

« Je ne doute pas, par ailleurs, qu’au moins l’un d’entre eux que son daron a reconnu dans le clip ait du prendre quelques coups de ceinture. »

Dans le cas d’Abdelos, c’est très problématique puisque ce qu’il a fait s’apparente plus à un dossier qu’à une œuvre. Au-delà du clip foiré, il y a quelques belles punchlines dégueulasses, comme :

« J’ai appris à lire entre les lignes, comme un sourd qui mime les signes. »

Certes, des artistes vendent des disques avec des phases beaucoup plus nazes. Mais ce n’est pas une raison valable pour repousser les limites. En juin 2014, il a fait une confession sur Facebook qui aggrave son cas :

« Il reste une scène a faire, après il est terminé. Il sort vers mi-août, merci de patienter, ça sera un clip de ouf salement hardcore. »

Ce clip, mis en ligne le 1er mai 2015, serait donc le fruit de plusieurs mois de travail. Mec, efface ce message de toute urgence !

2

Ne jamais prendre pour argent comptant ce que dit votre entourage

Les joyeux lurons vous disent « Tu plies tout le monde au micro » ou « Tu vas perforer l’industrie du disque ». C’est surtout un coup à finir dans un bêtisier ou un « best of des pires clips/punchlines du siècle ». Sachez-le, ces salauds se moquent de vous quand vous n’êtes pas là. C’est votre gueule qu’on retiendra, pas la leur.

Donc, demandez conseil à quelqu’un de neutre avant de faire quoi que ce soit de visible. Tant que vous y êtes, coupez au montage les figurants qui font des doigts d’honneur, surtout quand le majeur n’a rien à voir avec les paroles au moment où il est dressé.

3

C’est tout un art de filmer les grands ensembles

Vous aimez votre cité HLM ? C’est normal, mais dans ce cas, ne l’humiliez pas. Ne dites pas que vous la représentez non plus, puisque personne ne vous a rien demandé.

[Petite parenthèse pour les non-initiés au rap : parfois, vous avez l’impression que les cités dans lesquels sont tournés certains clips sont des ghettos. En fait, non. Ce sont de petits quartiers pittoresques déguisés pour l’occasion]

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Les meilleurs clips « ghettos » ont déjà été faits, tous les plagiats possibles aussi

Le filon a été exploité de toutes les manières possibles. Pourquoi vous obstinez-vous, bon sang ? YouTube est l’espace idoine pour innover et oser. Avec 250 euros, des Tunisiens ont réussi à filmer leur galère – bien plus compliquée que la vôtre – et faire 17 millions de vues.

Les bécanes, les pitbulls, les gueules cassées qui bougent la tête spliff au bec, les gamins qui crient en arrière-plan, c’est ringard quand c’est mal fait. Ou bien c’est un clip pour les copains. Si c’est le cas, précisez-le en introduction en caractère gras pour que nous puissions resituer ça dans son contexte.

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Osez la sobriété

Si vous êtes fauché et que vous ne faites pas appel à un pro pour la réalisation, demandez-lui d’éviter les petits effets spéciaux, genre les focus au ralenti sur certains visages. Ça donne l’impression que vous vous foutez de notre gueule.

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Soyez discrets

Quelle que soit la situation, c’est contre-productif de se vanter de ses larcins. Le but, c’est quand même d’être discret. Là, je ne m’adresse pas à l’écrasante majorité qui s’invente une vie, mais à la minorité de petits trafiquants (les gros n’ayant pas le temps de faire du rap).

Imaginez vous faire coffrer à cause d’un clip et cette discussion délicate avec un codétenu :

« Tu t’es fait balancer par un associé ?
– Non, j’ai fait un clip sur YouTube où j’ai tout raconté.
– T’es con, non ?
– Je ne sais pas trop. »

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Non au jeans du souk

On peut être hardcore sans montrer des armes et du mauvais shit. C’est ça l’enjeu d’un clip. Et si vous tenez quand même à jouer les gros bonnets friqués et ultra-violents, sapez-vous comme tels, pas en jeans Diesel du souk de Casa ou de Tunis (on ne me la fait pas). Sinon, on ne vous suit plus.

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Vous avez le droit de sourire

Ce n’est pas parce que vous faites la gueule avec des liasses de 10 euros et la mâchoire serrée que vous faites flipper. Le rap, c’est du divertissement. Faites-vous plaisir, lâchez-vous, mettez un petit short à fleurs comme Jul. Bandit, mais propre sur lui, comme un trader à La Baule. Ça, c’est hardcore.

Là, les médias qui parleront de vous seront embêtés. Racailles ? Pas racailles ? Vous embrouillerez même les juges.

« Dis donc, il est sympa lui, avec son petit short à fleurs ?
– Ben je l’aime bien moi, même s’il insulte les CRS. En plus il a les jambes épilées. On abandonne les poursuites. »

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Soignez votre image (au cas où)

La médiatisation peut arriver à n’importe quel moment. Sur les réseaux sociaux, mettez une photo beaugosse et surtout, vos coordonnées. L.A.R, le pote d’Abdelos (il apparaît dans son clip) a réussi à décrocher un rôle dans le film d’Abd Al Malik en faisant des clips ghettos bâclés. Pour l’anecdote, il est meilleur acteur que rappeur.

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Entre nous…

Serrer des meufs n’est pas une bonne motivation pour faire du rap. Parce qu’avouez-le, c’est un peu pour ça que vous vous affichez sur YouTube. Vous avez la flemme d’aller à la chicha et de tchatter sur Facebook, c’est ça non ?

 

(source)

« Internet comme territoire sans frontières, c’est une vaste blague »

claude chollet
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Surveillance des Etats, collecte de données par des entreprises comme Facebook ou Google : pour l’informaticien Franck Leroy, il y a des liens consanguins entre entreprises et services américains.

Tout est parti de ce dialogue initié par un journaliste du Figaro :

« Qu’on m’explique. Pourquoi les opposants au projet de loi renseignement acceptent-ils que Facebook, Google ou Twitter sachent tout de leur vie ? »

Cette manière de présenter les choses pourrait paraître simpliste (après tout les opposants à la loi sur le renseignement sont souvent très critiques vis-à-vis des GAFA), mais elle est souvent revenue ces dernières semaines : pourquoi se focaliser sur la surveillance de l’Etat alors que l’actualité nous apporte chaque semaine des exemples flippants de ce que les géants du Web pourraient faire avec nos données ?

L’émergence du Big Data permet déjà de prévenir (en partie) le crime avant qu’il n’ait lieu et le développement des objets connectés pourrait, par exemple, servir à identifier les appareils que vous utilisez chez vous grâce à leur empreinte électrique…

Des personnes bien intentionnées ont essayé de lui répondre, sur le thème « Google et Facebook n’ont pas de prérogatives de puissance publique, pas le monopole de la violence légitime, nous ne risquons que la publicité ciblée ». Cette réponse paraissait un peu courte (Twitter oblige).

Deux livres du même auteur permettent d’éclairer ce débat : « Réseaux sociaux et Cie » (2013) et « Surveillance. Le risque totalitaire » (2014). Deux bouquins symétriques sur les pratiques de l’Etat (surtout les Etats-Unis) et celles des entreprises privées (surtout américaine). Sur la quatrième de couverture, « Franck Leroy », l’auteur, est présenté comme un « consultant en architecture des réseaux informatiques ».

Des Franck Leroy, il en existe à la pelle sur Internet. Il y en a beaucoup dans l’informatique. Pour éclaircir ce point, j’ai donc appelé l’éditeur. Il se trouve que le Franck Leroy qui nous intéresse écrit sous pseudonyme par crainte d’« être enquiquiné dans ses activités professionnelles ». C’est donc lui qui m’a contacté, avec un numéro masqué. Il était « à l’autre bout de l’Europe », il ne revenait que la semaine suivante.

Rendez-vous a été fixé chez son éditeur, Actes Sud. Ce dernier m’assure que l’identité de M. Leroy a été vérifiée. Je n’en saurai guère plus. C’est un monsieur plus âgé que je ne l’imaginais, sympathique, articulé. Il parle comme ses livres, qui sont très clairs pour le profane et ont le mérite de replacer les révélations de Snowden dans l’histoire longue. « C’est parce que je n’ai pas qu’un fond technique », m’explique-t-il. Il dit avoir suivi les cours de Michel Foucault, au collège de France. Cet enseignement a façonné sa vision.

Rue89 : Qu’est-ce qui vous paraît le plus dangereux, la surveillance des Etats ou la collecte de données par des entreprises commerciales comme Facebook ou Google ?

Franck Leroy : C’est un faux débat. La meilleure façon d’approcher cette question est de bien comprendre qu’il y a des liens de nature consanguine entre les entreprises américaines, puisque c’est d’elles que nous parlons, et l’appareil de surveillance et de renseignement de l’Etat fédéral étatsunien.

Ces liens ne sont pas nouveaux. Ils sont connus ou suspectés depuis plus de vingt ans, bien avant que Edward Snowden ne révèle que Google, Facebook et consorts livraient des données sur leurs utilisateurs à la NSA, via le programme PRISM. Certains vont même jusqu’à affirmer que certaines de ces entreprises sont des créations ex-nihilo des services secrets.

En 1999, un rapport de la commission de la Défense à l’Assemblée nationale abordait les liens entre Microsoft et la NSA. On y apprenait « la présence de personnels de la NSA dans les équipes de développement de Bill Gates ». A travers des prises de participation du fonds d’investissement In-Q-Tel, qui est une émanation de la CIA, des personnes très proches du renseignement siègent ou ont siégé au conseil d’administration de Facebook.

Ce « papillonnage » des personnes entre l’appareil d’Etat et des entreprises du secteur informatique est fréquent aux Etats-Unis. Au-delà des personnes, nombre de technologies qui descendent dans le grand public – la reconnaissance vocale, les empreintes faciales, les moteurs de recherche – sont issues de budgets militaires.

Bien sûr, tout cela est dissimulé derrière une légende faussement « cool » d’entreprises dirigées par des jeunes en T-shirt.

Est-ce que ce schéma se retrouve en France ?

Cette relation fusionnelle nous choquerait en France, même si cela existe un peu dans l’aviation. Il faut surtout dire que nous sommes en présence de technologies totalement maîtrisées par les Etats-Unis, qui font tout leur possible pour en conserver le leadership.

OK, mais vos exemples remontent à quelques années. Est-ce que les intérêts privés des grandes entreprises n’ont pas débordé cette origine « militaire » ?

Je ne vois pas pourquoi ces liens auraient cessé d’exister. Certes, la réalité est éminemment plus complexe qu’une simple relation de vassalité entre les géants du Web et l’Etat fédéral américain, mais cela ne signifie pas que les données collectées pour la vente d’espaces publicitaires ne remontent pas ensuite vers les institutions de surveillance.

Mais cela reste un souci lointain. La plupart des gens sont emmerdés au quotidien par des choses comme l’auto-complétion sur Google qui accole un terme peu flatteur à votre nom. Est-ce que ce n’est pas l’activité purement commerciale qui nous pourrit la vie ?

Nous sommes arrivés à un point où ne pas avoir de compte Facebook peut être suspect aux yeux d’un employeur. Il y a une espèce d’obscénité. Vous êtes présenté à un groupe de personnes et vous savez qu’en rentrant chez elles, elles vont entrer votre nom dans un moteur de recherche. Or, vous n’êtes pas ce que Google dit de vous.

C’est un poison lent dans la société. Nous sommes en train de créer une culture délétère, une culture de délation. Et comme tout poison, ses effets ne se ressentent pas immédiatement. Il est de coutume de distinguer la surveillance orientée par les Etats, celle dirigée par les entreprises et celle menée par les individus sur d’autres individus. En réalité, tout cela va de pair.

Quelque chose est descendu du haut de la pyramide et, par capillarité, s’est immiscé dans tous les comportements sociaux. C’est la contre-utopie du rêve des années 80 et 90 : le partage, l’échange, l’enrichissement. Il est intéressant de constater maintenant le double sens de cette « société de la connaissance ». C’est d’ailleurs ce que disait Michel Foucault : le pouvoir, au sommet, ne peut pas fonctionner lorsqu’il est isolé des petits pouvoirs. Et c’est un petit pouvoir que nous donnons aux gens : celui d’espionner son voisin.

Mais il y a aussi des applications très concrètes. On parle des algorithmes qui vont encadrer nos comportements, les lisser…

Oui, cela rejoint la question de l’intelligence artificielle. Il y a tout un courant aux Etats-Unis qui estiment que, dans moins d’une génération, la capacité des cerveaux artificiels (pour eux, le cerveau humain est assimilable à un ordinateur) dépassera celle des individus. Pour eux, la seule solution est d’appareiller les humains pour combler leur « défaillance ». Nous serons alors comme du bétail, allant nous faire injecter des implants qui « normeront » nos comportements. Adieu la créativité, le rêve, la flânerie. Ces gens ne sont pas de doux rêveurs même s’ils parlent d’utopie.

Pourriez-vous nous donner un exemple ?

La santé. L’Apple Watch est un outil bien gentillet à côté de ce qui est en train d’être testé et bientôt commercialisé. Ce sont des implants qui diffuseront des molécules dans votre corps et seront en connexion permanente avec des robots médecins. Sans tomber dans un délire orwellien, nous ne serons pas très loin du tri des individus. Les assurances pourraient s’engouffrer là dedans (certaines vous font des ristournes si vous leur ouvrez votre compte Facebook). Toutes ces technologies dites « d’assistance » sont à double tranchant. Je ne suis pas contre la technologie, je dis simplement qu’il faut en contrôler les usages.

Mais est-ce possible ? Il y a une espèce de défaitisme ambiant, l’idée qu’Internet a « un esprit », qui irait vers plus de transparence, plus de fluidification, sans que la régulation ne puisse rien y faire…

Je n’y crois pas. C’est de la mythologie. La technologie est issue de l’esprit humain. L’individu et la collectivité sont capables d’en définir les usages. Il y a des civilisations qui connaissaient l’existence de la roue et qui ont décidé de ne pas l’utiliser.

Revenons à cette fausse dichotomie, selon vous, entre l’Etat et les GAFA. La surveillance étatique apparaît comme une citrouille surplombante sans conséquences immédiates dans le quotidien, tandis que tout le monde est titillé par les publicités ciblées de Gmail…

Ce n’est pas faux. La visibilité des outils intrusifs des entreprises est finalement assez importante si l’on s’y intéresse de près. Mais le monde de la surveillance est par définition dans l’ombre, son impact est moindre dans l’immédiat. Nous sommes plus dans la crainte des usages possibles par des pouvoirs qui peuvent être amenés à changer. Mais ce ne sont que des plans différents. C’est le rapprochement des deux qui devrait nous inquiéter.

Mais ces outils de surveillance étatique peuvent aussi avoir des conséquences concrètes. Nous vivons dans des sociétés complexes avec des pouvoirs qui sont relativement isolés des populations et qui sont dans l’obsession prédictive. Ils veulent savoir ce que le citoyen pense de ceci ou cela. Pas dans une perspective « altruiste », mais parce qu’ils s’inquiètent de leur survie. Les outils de surveillance peuvent compléter la pulsion sondagière. Les gouvernants vont disposer de tout un tas de capteurs pour palper le corps social. On est dans l’obsession divinatoire : il faut prédire. Cela norme donc aussi le comportement de nos gouvernants.

Ne sommes-nous pas tous devenus paranoïaques après une période d’insouciance pré-Snowden ?

C’est le climat délétère dont je parlais tout à l’heure. Les gens se sentent espionnés. Ce n’est pas un dégât collatéral. C’est une conséquence de la peur diffusée pour justifier le système.

Peut-être, mais vous y participez aussi. En lisant votre livre, on se dit que la NSA, c’est Sauron, un œil omniscient et omnipotent…

Oui, mais ce n’est pas faux non plus. Nous sommes sous un régime permanent de viol des correspondances. Vous en concluez que tout ce qui est de l’autre côté de votre écran est du domaine du visible.

C’est vrai qu’il existe un point de vue général, qui peut être simpliste : parler de « viol permanent de correspondance », c’est une généralité. Quand on gratte, les choses sont plus complexes, le réel est tiraillé par des procédures, des techniques et des intérêts parfois divergents entre Google, Facebook, la DGSE, la NSA, le GCHQ. Chacun fait son petit métier. Mais cette complexité n’empêche pas la généralité.

Comment faire le tri entre la réalité et le fantasme à tendance complotiste ?

J’ai écrit ces livres parce que je voulais clarifier les choses au-delà de l’accumulation des articles de presse. En replaçant tout cela dans une perspective « historique », on découvre des répétitions, des archétypes. Par exemple, l’idée de placer des portes dérobées (backdoors) dans des logiciels, hardwares ou solutions cryptographiques est une vieille pratique de la NSA.

Je pense par exemple aux cartes SIM de l’entreprise Gemalto. Mais ce n’est que le dernier exemple d’une longue liste d’entreprises qui ont été noyautées par les services américains ! Prenez Crypto AG. C’était une boîte soi-disant suisse qui a commercialisé un dispositif de chiffrement dans les années 50. En réalité, les services secrets américains y avaient probablement placé une « clé dans la clé », qui leur permettait de lire « en clair » les communications qui passaient par ce système. Or, cela n’a été découvert que 30 ans plus tard !

Une fois que vous avez identifié ces pratiques, vous commencez à vous poser des questions sur Tor, ce réseau qui est présenté comme garantissant l’anonymat. Pourtant, il a été développé sur des fonds du Pentagone…

Même l’open source – qui permet à tout un chacun de passer en revue le code à la recherche de failles volontaires ou non – n’est pas une garantie. Des failles subtiles peuvent exister. On peut citer le cas d’OpenSSL dont une première faille majeure de sécurité avait été révélée en 2008 alors que le code était supposé relu par la « communauté ».

Peut-on poser le problème sous l’angle de la souveraineté numérique ?

On va revenir sur cette supposée tension entre les États (l’Europe) et les grands groupes. Mais ce qui est certain, c’est que le vieux rêve libertarien d’un Internet « flottant », un nouveau territoire sans frontières, est une vaste blague. Au cœur du système, nous retrouvons l’État américain.

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Et donc sur cette tension entre l’État et les entreprises ?

Les questions de fond ne sont pas abordées. La donnée – et donc la vie privée – demeure une marchandise. Ce n’est vu qu’en terme de concurrence. « On donne cela aux Américains, pourquoi ne pas le garder pour nous ? » C’était bien visible lors des premiers débats sur le Big Data, ce tas d’or de l’économie numérique. Ce fut le cas également, lors de la révision avortée de la directive européenne sur les données privées. La présidente de la Cnil expliquait alors que l’Europe avait « intérêt à constituer un marché unique des données personnelles ». S’ensuivaient des recommandations pour encadrer la collecte et l’utilisation de ces données, mais c’est bien le postulat de départ qui pose problème. Parler de « marché unique des données » revient à accepter la marchandisation des données.

Mais vous ne pouvez pas nier que des institutions publiques entreprennent de limiter l’intrusion dans la vie privée ?

Pour l’instant, je constate que rien ne bouge. On pourrait même considérer que les choses empirent avec la loi sur le renseignement. Des gens se battent, mais la réglementation n’évolue pas. Les boîtes privées font du tam-tam – « On refuse cela, ceci » –, mais la collecte continue.

Mais est-ce qu’on n’exagère pas le pouvoir de ces entreprises ? La vie ne se résume pas en données, les robots ne nous « comprennent » pas. Est-ce que cette limite n’est pas notre meilleure protection ?

Des gens vous disent qu’il suffirait de développer ses propres robots pour balancer de fausses infos dans les serveurs et les inonder. C’est mal connaître ces technologies. Certes il y a beaucoup d’erreurs, mais les algorithmes sont puissants. C’est pour cela que je ne crois pas en une solution purement technologique. À supposer qu’elle soit possible, pour toutes sortes de raisons elle serait très difficilement inaccessible à la grande majorité de la population. La solution ne peut être que politique.

Donc vous ne croyez pas en la « dégafamisation », le fait de se retirer de Google, Facebook, Twitter, etc. ?

Ça ne me parait pas pertinent. Il faut simplement être réaliste. On le dit en blaguant, mais les agents russes seraient revenus à la machine à écrire. À partir du moment où l’on sait que c’est « visible », vous n’y mettez pas votre intimité. Ce qui ne veut pas dire que vous ne pouvez pas mener un combat pour les libertés. Ce n’est pas de la résignation.

Mais vous ne choisissez pas forcément. Un smartphone peut être indispensable à une vie professionnelle et cafter sur vous grâce à la géolocalisation…

Oui.

Vous avez un compte Facebook ou Gmail ?

Non. On ne va quand même pas leur faciliter le travail. Ce n’est pas parce que je ne suis ni agent secret, ni trafiquant, ni terroriste que je dois accepter que l’on fouille continuement dans mes tiroirs. C’est une sensation très désagréable…

Le fait de se « retirer » peut paraître suspect : « Pourquoi cette personne a-t-elle demandé à flouter sa maison sur Street View ? »

C’est pour cela que le droit à l’oubli est pour moi une imposture. On garde la trace de la gomme. Or, si vous voulez effacer un élément, c’est que vous avez quelque chose à vous reprocher. Vous êtes un citoyen en permanence mis en examen. C’est aussi pour cela que la surveillance touche tout le monde. Votre choix individuel engage les autres.

Vous semblez craindre une nouvelle inégalité : entre ceux qui auront les moyens de protéger leur vie privée (crypto, e-réputation) et les autres…

Il y a deux aspects. Le premier est celui du rapport de force. Nous sommes confrontés à des organisations qui regroupent les meilleurs mathématiciens de la terre. Imaginer qu’un groupe d’individus est capable de s’opposer à eux en permanence me paraît illusoire. Mais supposons que des individus créent des solutions de protection. Ce seront des technologues, des personnes qui ont la maîtrise des outils. Allez expliquer cela à Mme Michu… C’est aussi pour cela que les gens sont cyniques et baissent les bras.

OK, il faut réguler, mais vous venez d’expliquer que les États n’y ont pas réellement intérêt...

Oui. Nous sommes en opposition, c’est clair.

Vous parliez de « poison lent » tout à l’heure. Comment expliquer ce paradoxe de la vie privée : les gens savent que leurs données et métadonnées sont moulinées par des boîtes privées, mais ils ne semblent pas s’en soucier. C’est de la mithridatisation ou un calcul coûts/avantages ?

C’est tout bête. Il faut être confronté à un danger pour en prendre conscience… Il y a un rapport entre l’usage et le danger qui est encore favorable à l’usage. Et les gens s’habituent peu à peu à cette intrusion. Mais je pense que la prise de conscience se fera en cas de gros pépin, dans un moment de tension très important. Je pense à la loi sur le renseignement, qui pourrait s’appliquer en « prévention des atteintes à la forme républicaine des institutions, des violences collectives de nature à porter atteinte à la sécurité nationale »… Imaginez cela en mai 68 ou pendant les grèves de 95 …

Vous suggérez aussi que cette surveillance est dans la culture américaine…

C’est très lié aux racines calvinistes profondément ancrées dans la culture américaine : l’individu est sous le regard de Dieu à travers celui de sa communauté. Or la religiosité a toujours été associée à la technologie aux États-Unis. C’est un vaste sujet… Le concept de technologie est un pur produit étatsunien du XIXe siècle. Il n’y a qu’à voir aujourd’hui les présentations d’Apple, le surnom que se donnent les « évangélistes ».

Le « Grand Réveil » aux USA s’est largement appuyé sur les technologies de l’époque – télégraphe, chemin de fer, bateau à vapeur – pour faire son « œuvre salvatrice. » L’image de la toile d’araignée (le web) était déjà utilisée à l’époque pour parler du télégraphe, et certaines personnes rêvaient déjà de prendre le pouls de la population en écoutant ce réseau.

Et cela se diffuserait en France, dans une espèce de « soft Power » de la surveillance ?

En rencontrant notre propre culture de la transparence, celle que décrit Foucault, la pulsion panoptique : « Les Lumières qui ont inventé les libertés ont aussi inventé les disciplines. » Seul le sommet de la pyramide est dans l’opacité, tout le reste est sous le regard des autorités.

Les débats que nous avons eus lors du projet de loi sur le renseignement font écho à une très vieille histoire. Il suffit de relire le débat en pleine révolution française entre le député Gouy d’Arcy, qui avançait que « dans un état de guerre, il est permis de décacheter les lettres » et Mirabeau qui lui opposait que « les complots ne circulent pas par les courriers ordinaires » et que ce n’est pas digne d’un peuple « qui veut devenir libre d’emprunter les maximes et procédés de la Tyrannie. »

( source )
cr flickr
cr wikimedia

Facebook va publier des articles de presse en entier

claude chollet
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D’après le Wall Street Journal, le New-York Times et la National Geographic font partie des premiers titres qui verront leurs articles repris intégralement sur Facebook, comme nous vous le rapportions il y a peu.

Prévu pour la fin du mois, le service « Instant Articles » permettra au réseau social de reproduire intégralement les contenus de ses partenaires sur sa plate-forme, avec un partage des revenus publicitaires à la clé.

Facebook espère ainsi que ses utilisateurs passeront plus de temps sur son réseau, alors que 60 % du trafic des sites d’information part de ses pages. Cependant, la redirection de la plate-forme vers les sites sources peut prendre plusieurs secondes, en particulier sur mobile, ce qui a tendance à décourager certains utilisateurs.

En tout, une douzaine de médias sont d’ores et déjà en négociation avec le géant américain. Parallèlement, certains éditeurs critiquent ce nouveau partenariat, craignant une trop grande dépendance des sites en question vis-à-vis de Facebook.

Comment les Français s’informent à l’heure des réseaux sociaux

Comment les Français s'informent à l'heure des réseaux sociaux
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Du 20 heures à Twitter : les réseaux sociaux bousculent l’info. L’Observatoire Orange-Terrafemina, dont la huitième vague est consacrée aux nouveaux modes de consommation de l’information montre que plus de 7 Français sur 10 consultent l’information sur Internet, via des portails d’actualité généralistes, des sites de grands médias ou de « nouveaux entrants » tels que Rue89.

Plus d’un tiers d’entre eux (et la moitié des moins de 35 ans) commente des articles et diffuse des liens sur les réseaux sociaux.

« Rien ne se perd tout se transforme »

Un clavier. (Marcie Casas/Flickr/CC)

Un clavier. (Marcie Casas/Flickr/CC)

Malgré la transformation profonde de la cartographie des médias à laquelle nous assistons, les nouveaux entrants au lieu de prendre la place des anciens, se combinent à eux et trouvent leur propre place…

Au-delà des effets de mode, les blogs, Twitter, Facebook et les autres trouvent leur place… Une recomposition permanente où chaque média, comme dans un grand orchestre – parfois cacophonique il faut le reconnaître ! – joue sa partition.

Même si certains ont prédit ces temps-ci la mort définitive des journaux en 2040, nous n’assistons pas à une apocalypse prédit mais à un mix de Héraclite (« tout bouge ») et de Parménide (« rien ne change ») : un mélange de permanence et de mouvement.

Parce que si l’affaire DSK a éclos via un tweet, c’est bien au « sacro saint 20 heures » que le principal intéressé est venu s’expliquer…

Éloge de la diversité

Il existe dans le public une soif d’information toujours plus forte. Une soif qui tourne parfois à l’addiction… au risque de la schizophrénie. Mais contrairement à l’idée reçue que le public serait perdu face à la diversité de l’offre – « l’avalanche d’infos » que critiquent certains – , ils semblent plutôt l’apprécier et en jouer habilement…

Les « consommateurs » de l’actualité ont instinctivement le mode d’emploi. Ils savent parfaitement quoi attendre d’un canal d’information et composent leur propre Paysage Audiovisuel Personnel (PAP)… Dans lequel, ils sont à la fois récepteurs et émetteurs.

De la même manière qu’ils ont une capacité à décrypter aujourd’hui les dispositifs de communication révélant des qualités de sémiologues aguerris, ils savent décoder instinctivement chaque canal.

Nul n’est propriétaire de ses lecteurs. On peut écouter une radio le matin, consulter le site Orange actu et celui de Rue89 et d’autres encore, suivre Twitter comme un télescripteur, lire un ou plusieurs quotidiens, regarder une chaîne d’informations en continu et le journal de 20h… De fait, la diversité est une richesse

« Il faut que tout bouge pour que rien ne change »

Plus que jamais il y a un besoin de repères, un besoin de marques transmédias fortes avec journalistes. Dans cette nouvelle combinatoire élargie, le public a toujours besoin de repères. C’est l’élément invariant dans ces grands bouleversements.

D’où le succès des grandes marques d’informations. Derrière de réelles réussites marketing, les journalistes constituent plus que jamais les garants de l’information en perpétuant au sein des grands bouleversements leur savoir-faire unique : vérification des informations, croisement des sources, contextualisation et hiérarchisation…

Et c’est rassurant de voir que le public – toutes générations confondues – reconnaît toujours et encore cette valeur ajoutée indispensable.

source :  Rue89

Facebook veut héberger directement les articles de presse

Par défaut

Selon le New York Times, Facebook mène actuellement des négociations avec des éditeurs de presse pour publier leurs contenus directement sur le réseau social.

Une méthode qui, selon Facebook, serait plus efficace que le simple partage d’un lien renvoyant vers le site d’origine, surtout pour les utilisateurs de smartphone. En échange, Facebook s’engage à partager avec les éditeurs les revenus publicitaires générés par la lecture de l’article.

L’entreprise fondée par Mark Zuckerberg serait actuellement en négociation avec le New York Times, BuzzFeed et National Geographic pour tester ce nouveau modèle économique dans les prochains mois. Un modèle qui induirait que les journaux n’auraient, de fait, plus accès aux informations sur leurs lecteurs, comme c’était le cas auparavant lors des visites directes.

Un « saut risqué », reconnaît le Times, qui a néanmoins décidé de tenter l’aventure.