Les syndicats font la loi à l’AFP

afp claude chollet
Par défaut

Suspendue pendant le long week-end du 14 juillet, la grève à l’Agence France Presse, devrait être reconduite mercredi 15 juillet. Le PDG, Emmanuel Hoog, qui veut dépoussiérer une organisation sociale obsolète, est sous pression.

Pas moins de 117 accords sectoriels au sein des cinq métiers de l’AFP (journalistes, employés, techniciens, ouvriers de transmissions, commerciaux). En 71 ans d’existence, l’agence a accumulé un épais mille-feuilles de textes qui assurent à ses salariés un eldorado social. La moyenne des congés payés et des RTT y est respectivement de 44 et de 18 jours. Les salaires sont du même tonneau : très avantageux.

L’énarque Hoog, qui a rempilé pour un second mandat à la tête de l’AFP en 2014, a franchi le rubicon le 6 juillet. Il a demandé de mettre à l’ordre du jour du comité d’entreprise du 16 juillet la dénonciation de l’ensemble des conventions internes. Le PDG pensait sans doute que ce casus belli vis-à-vis des syndicats de l’AFP passerait mieux en période estivale. Raté. Ces derniers sont plus remontés que jamais. CGT et FO, ultra-majoritaires dans l’entreprise, savent y faire pour chauffer à blanc leurs troupes. Les assemblées générales, qui ne réunissent qu’à peine la moitié des salariés du siège, place de la Bourse à Paris, ont jusqu’à présent reconduit la grève à plus de 80% des votants.

Si Hoog s’attèle seulement maintenant à ce gigantesque chantier, c’est qu’il subit une autre pression, émanant elle des pouvoirs publics. L’État assure la moitié du budget de l’AFP, sous forme d’une dotation de quelque 130 millions d’euros (en 2014). Cette dernière serait dispensée, selon un statut unique au monde, au nom de la mission de service public exercée par l’AFP. À l’heure de la réduction de son train de vie, l’État cherche à faire des économies partout. Il tente de surcroît de rogner sur des subventions généreuses, dont le montant ne lui semble guère plus justifié au vu des avantages sociaux extravagants des « agenciers ».

Publicité

Gratuité des informations publiques : la CGT du Journal Officiel pointe le mélange des genres entre public et privé

Par défaut

L’enfer est pavé de bonnes intentions. C ‘est ce qu’on peut déduire du renforcement par l’État de la gratuité de l’accès aux données publiques alors que la CGT de la SACIJO – c’est à dire du journal officiel – publie un document qui fait plusieurs révélations intéressantes sur les dessous bien peu reluisants de cette évolution – en apparence – pour le citoyen lamda. Puisque l’open-data se conjugue avec l’open-bar concernant le respect des libertés publiques. Et pas seulement faute d’anticipation.

C’est l’arrêté du 24 juin 2014 qui a mis le feu aux poudres : les données des bases « JORF », « LEGI », « KALI », « JADE », « CONSTIT », « CASS-INCA », « CAPP », « CNIL » et « CIRCULAIRES » peuvent être réutilisées gratuitement, y compris par les entreprises. La CGT pointe une perte immédiate pour la DILA (direction de l’information légale et administrative) de 300.000 € par an. Les perspectives sont encore pires : l’État vient de mettre en place par arrêté du 23 juin 2015 la gratuité du BODACC (annonces civiles et commerciales), du BOAMP (marchés publics) et du BALO (annonces légales). Ce qui entraînera de nouvelles pertes importantes.

Est-ce une avancée pour le citoyen ? Oui et non. La CGT, qui s’inquiète de la baisse des effectifs – 62 pour la SACIJO, 130 pour la DILA d’ici 2020 – qui risque d’être accélérée par les pertes, y voit un grand danger : « la DILA brade sa principale richesse : des bases de données alimentées, consolidées et vérifiées par les salariés du service public (…) dont le travail sera offert au secteur privé, qui pourra seul engendrer des confortables plus-values ». Un rapport du Sénat en juin 2014 avertissait l’État sur le risque de saper le modèle budgétaire de la DILA, sans qu’il n’en soit tenu compte.

Le syndicat a dans sa ligne de mire les responsables de cette évolution : le Conseil d’orientation de l’édition publique et de l’information administrative (COEPIA), qui détermine notamment les orientations stratégiques – dont fait partie la mise à disposition gratuite des contenus. Dans ses statuts, le COEPIA permet d’associer des membres d’entreprises privées à ses travaux – ce qui est largement le cas, puisque des représentants du Syndicat national de l’édition, de la fédération nationale de la presse française, du groupement français de l’industrie de l’information, de l’association des professionnels de l’information et de la documentation ou de l’Institut National de la Consommation siègent dans ses rangs et en représentent un tiers. Tous représentants de ces entreprises privées d’autant plus attirées par la richesse des bases de données publiques qu’elles peuvent influer sur le coût des redevances d’utilisation.

La CGT fustige le mélange des genres qui se dessine : « les principaux bénéficiaires qui feront ensuite un commerce juteux de l’utilisation des données publiques sont juge et partie dans les recommandations soumises au Premier ministre sur, entre autres, les «lignes directrices relatives à l’instauration de redevances de réutilisation des informations publiques ». Sous couvert de faciliter l’accès du citoyen aux données, ces représentants des entreprises privées peuvent ainsi améliorer nettement leurs marges, puisque lesdites données, dont l’accès était plutôt cher, leur est maintenant aussi gratuit. Et est aussi ouvert aux multinationales, même si la loi a prévu quelques maigres gardes-fous – sur l’utilisation commerciale des données, qui doit être déclarée au préalable et peut être refusée au cas par cas – qui n’ont jusqu’alors pas réussi à arrêter Google ou bien Microsoft.

Outre la question de l’avenir du Journal Officiel en particulier et de l’information légale et administrative en général – sans les entrées d’argent dues au redevances pour l’accès aux informations, les déficits ne peuvent que se creuser, motivant de nouvelles coupes budgétaires et salariales – la CGT pose deux questions qui ne sont pas dénuées de sens. Quel est l’intérêt de l’État de travailler exclusivement pour les intérêts privés ? Et qui garantira la sécurisation et l’anonymisation des données publiques – largement nominatives quand cela concerne les dirigeants des entreprises, les dossiers des marchés publics ou les arrêts des juridictions de tous ordres – si les entreprises peuvent y accéder librement ? Deux questions qui rendent tout à coup la gratuité de l’accès aux bases de données légales et économiques de l’État moins intéressantes.

Le journal L’Alsace imprimé en Allemagne

Le journal L’Alsace imprimé en Allemagne
Par défaut

Faire imprimer son journal à l’étranger quand les rotatives sont bloquées par des ouvriers en grève : voici la solution imaginée et mise en œuvre par Michel Lucas, patron du Crédit Mutuel, et donc du groupe Ebra qui regroupe la plupart des titres de l’est de la France, pour sortir le journal L’Alsace, mardi 25 novembre dernier !

Comme le rapporte Rue89 Strasbourg, « des instructions avaient été données à la rédaction pour « bater » (c’est à dire valider) les pages à 17h30, afin qu’elles soient imprimées ailleurs, probablement par l’imprimerie d’un journal du Bade-Wurtemberg. Les exemplaires ont ensuite été ramenés dans la nuit près de Mulhouse, un rendez-vous a été donné aux employés de L’Alsace en charge de la distribution pour qu’ils les récupèrent ».

Le 25 novembre, une édition spéciale de L’Alsace pour la venue du pape François à Strasbourg, était donc distribuée chez les abonnés et disponibles dans les kiosques.

Forcément, les grévistes, eux, ne sont pas contents. « Michel Lucas nous a fait le coup une fois mais il n’y en aura pas deux », prévient Brahim Bouchareb, délégué syndical Filpac-CGT, de l’imprimerie du journal, évoquant un « coup de force », qui va à l’encontre d’un « droit constitutionnel ». Et d’annoncer : « nous avons des relations avec les ouvriers des journaux en Allemagne et nous en appellerons à leur solidarité le cas échéant ».

Mais si le délégué CGT espère compter sur la solidarité des imprimeurs allemands, force est de constater qu’il n’a pas obtenu celle des journalistes du quotidien. Comme le note Rue89 Strasbourg, « les journalistes apprécient à mots couverts de voir le monopole de la Filpac-CGT sur l’impression battu en brèche ». Et de citer l’un d’entre eux : « s’ils perdent leur capacité de blocage, ils arrêteront peut-être de tirer contre tout un journal à 30 ! ». Pire : pour les grévistes, « les retours des abonnés ont été très bons ».

Période difficile, donc, pour les syndicalistes. « La Filpac-CGT est encore sous le coup » estime Rue89 Strasbourg. Et l’avenir ne s’annonce pas plus simple : « Michel Lucas a prévenu dans un email que si les ouvriers se mettaient à nouveau en grève, il fermerait purement et simplement le centre d’impression de L’Alsace ».

À suivre…

Source : Rue89 Strasbourg – crédit photo : L’Alsace / montage : Ojim