Dossier : Numéro 23, retour sur le casse du siècle

claude chollet
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Comment devenir riche en seulement 2 ans et demi avec un investissement réduit ? Ce programme digne d’une bannière publicitaire pour site web véreux, Pascal Houzelot a fait mieux que le tenter : il l’a appliqué. Avec le rachat de sa chaîne Numéro 23 par le groupe NextRadioTV, annoncé en avril, pour près de 90 millions d’euros, le quinquagénaire proche de tous les pouvoirs a su transformer le plomb en or… Autrement dit l’attribution gratuite d’une fréquence publique en jackpot à retardement. Chronique d’un scandale d’État.

La diversité pour bannière

Le 8 mars 2012, après un appel à candidature, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) auditionne le projet de chaîne de Pascal Houzelot pour une attribution de fréquence sur la Télévision numérique terrestre (TNT) gratuite. L’homme, lobbyiste discret inconnu du grand public, est confiant et serein. Avec son projet, platement intitulé « TVous, la télédiversité », il a toutes les raisons de se mettre les Sages dans la poche. Sous couvert de bons sentiments et de défense de « toutes les diversités », il a un dossier qui, malgré ses nombreuses zones de flou, ne se refuse pas. « Pascal Houzelot a senti que la diversité dans l’audiovisuel, sur laquelle le CSA travaillait de plus en plus, devenait un créneau porteur, ce qu’il a admirablement su exploiter », se souvient un témoin dans Télérama.

Il faut dire que Pascal Houzelot, qui détient 70 % de Numéro 23, peut se vanter d’un actionnariat intimidant : François Pinault (Pinault-Printemps-Redoute), Bernard Arnault (LVMH), Matthieu Pigasse (banque Lazare, Le Monde), Xavier Niel (Free, Le Monde), Jean-Charles Naouri (groupe Casino) ou encore Jacques-Antoine Granjon (Vente-privée.com). Le tout pour un capital de départ de… 11 000 euros. Une broutille. La manœuvre semblait écrite d’avance.

Quoi qu’il en soit, le 27 mars, après une délibération à huis-clos sur laquelle pèsent déjà de nombreux soupçons (à l’époque, le président du CSA, Michel Boyon, dépend directement du président Sarkozy), le Conseil annonce la liste des 6 chaînes retenues (sur 34 dossiers) pour une attribution gratuite de fréquence : cinq chaînes appartenant à des groupes de télévision existants, pour la stabilité, mais aussi la petite TVous, seul projet indépendant retenu… à la consternation générale.

Les dés pipés d’avance ?

Dans un livre à charge, Didier Maïsto, proche de l’homme d’affaires Christian Latouche, patron de Fiducial (dont Fiducial Médias détient le mensuel Lyon Capitale), est revenu sur les coulisses de l’attribution. À l’époque, il avait lui aussi tenté d’obtenir une fréquence pour lancer une chaîne documentaire, D-Facto, mais le projet n’avait pas été retenu.

Dans TNT, un scandale d’État (éditions Les Enquêtes de Lyon Capitale, 2015), il raconte son parcours du combattant pour tenter de décrocher le Graal. Pressions, copinages, arrangements… La délibération du CSA aurait selon lui été truquée depuis le début, c’est-à-dire depuis l’appel à candidature lui-même qui « fonctionne à l’envers, et n’est lancé par le CSA que lorsque l’Élysée a donné son aval aux futurs bénéficiaires ». Mais alors, pourquoi le lancer tout de même ? « C’est que le pouvoir a nourri un doute grandissant sur le groupe NextRadioTV, dirigé par Alain Weill » (qui propose sa candidature pour la chaîne RMC Découverte), juge Maïsto. « Les principaux conseillers de Nicolas Sarkozy – Patrick Buisson, président de la chaîne Histoire (appartenant au groupe TF1), et Camille Pascal, ancien secrétaire général de France Télévisions – finiront eux-mêmes par douter du bien-fondé de leur décision initiale », ajoute-t-il.

Justement, Buisson est au cœur de l’affaire, c’est lui qui « tire toutes les ficelles », lui affirme le président d’un institut de sondage. Rendez-vous est pris. Sur place, au Royal Monceau, l’ancien conseiller de Sarkozy annonce la couleur : « Bon, on ne va pas se raconter d’histoires, TF1 et M6 c’est fait, NRJ et TVous la diversité aussi. Restent les cas BFM et L’Équipe, pour eux c’est un peu plus compliqué. » Jouant le naïf, Didier Maïsto bondit : « Les autres chaînes, je peux comprendre, mais TVous, franchement, ça me dépasse complètement. Comment peut-on sérieusement défendre un tel projet ? La diversité, ça doit être transversal, ça ne peut pas être sur un seul canal, ça n’a pas de sens… »

Et Patrick Buisson de trancher net : « Ne cherchez pas à comprendre, Houzelot a déjà sa chaîne, c’est fait, c’est comme ça, il a ses entrées partout, vous feriez mieux d’arrêter de poser des questions et de fouiner. » Voilà qui a le mérite d’être clair ! Et puis, « quand Sarkozy dit quelque chose, le président du CSA écoute », confie l’homme de l’ombre du Président. Juste pour s’« amuser », Maïsto continuera tout de même de solliciter le conseiller, mais ses courriers resteront sans suite. Lorsqu’il lui annonce que Yazid Sabeg et Salima Saa soutiennent le projet de D-Facto, Buisson répond poliment : « Tous ces soutiens sont totalement inutiles… Ne perdez pas votre temps. »

Engagements non-tenus et flop historique

TVous la télédiversité, rebaptisée Numéro 23, est finalement lancée le 12 décembre 2012, avec une convention réécrite à la dernière minute. De chaîne consacrée à la défense et à la promotion de la diversité, celle-ci a ainsi muté en mini-généraliste. Un format fourre-tout qui, en plus, a l’avantage d’être plus facile à vendre, aux annonceurs mais aussi… aux potentiels repreneurs. Aussi, la chaîne Urb TV, portée par l’humoriste Yassine Belattar et que le CSA avait contraint de fusionner avec Numéro 23, a été totalement absorbée jusqu’à disparaître. « Un Sage m’a dit : « Vous avez la meilleure offre sur le plan éditorial, Houzelot le tour de table le plus solide financièrement, il faut vous entendre » », confie Belattar. Au final, il ne restera rien de cette fusion décidée uniquement pour la forme. La diversité, c’est vendeur, et ça peut rapporter gros.

Raison d’être originelle de la chaîne, cette « diversité » laissera rapidement sa place à des rediffusions de programmes américains et d’émissions de téléréalité. « Où est la diversité dans les émissions à la c… diffusées par la chaîne, des concours de tatouages aux magazines sur le paranormal ? », peste le député PS Marcel Rogemont, furieux contre ces engagements non-tenus. Résultat : avec ses 5 salariés, la chaîne devient vite la lanterne rouge de la TNT, réunissant en moyenne un faible 0,7 % de part de marché et accumulant des pertes de 10 millions d’euros par an. Dernièrement, elle s’est à nouveau illustrée par une audience risible : samedi 20 juin 2014, elle a réuni 4 000 téléspectateurs pour sa rediffusion de la série canadienne « Orphan Back », soit 0 % de part d’audience… en prime time.

Une revente à prix d’or

Pourtant, deux ans et demi après son lancement, malgré ces résultats lamentables, Numéro 23 s’offre au groupe NextRadioTV pour la coquette somme de 88,3 millions d’euros. Une question se pose alors : comment expliquer qu’un tel boulet audiovisuel ait pu attirer la convoitise d’un groupe solide et sérieux ? La réponse est simple : plus que les résultats d’audience et les bénéfices, c’est la fréquence elle-même, denrée rare, dont il est surtout (pour ne pas dire essentiellement) question.

Si Pascal Houzelot se défend d’avoir eu pour seul objectif de revendre, le fait que cette transaction intervienne pile au moment où s’achève la date limite d’interdiction de revente (fixée à deux ans et demi par le CSA) soulève bien des soupçons et des indignations. D’autant qu’il s’agit d’une fréquence – et donc d’un bien public – attribuée gratuitement, et que la taxe sur la plus-value liée à sa revente ne s’élève qu’à 5 %..

Dans un courrier commun envoyé aux Sages, trois chaînes de télévisions (TF1, M6 et Canal+) ont dénoncé une « fraude », notant au passage qu’Houzelot s’était justement évertué à faire passer l’interdiction de 5 ans à 2 ans et demi juste avant l’attribution de la fréquence…

Selon les trois patrons en colère, l’homme d’affaires a « rencontré des groupes audiovisuels en place pour proposer sa chaîne à la revente, alors que rien dans la conjoncture extérieure ni dans son tour de table ne le justifiait ». Un « dévoiement de la loi » qui « pénalise le contribuable, mais aussi [leurs] groupes qui eux respectent les règles de la régulation », estiment-ils. Enfin, ces derniers ont rappelé que c’est justement « au motif notamment de la protection de Numéro 23 et des chaînes de NextRadioTV que le CSA a refusé le passage en gratuit de LCI, Paris Première et Canal+ » auparavant.

Mais les trois hommes sont loin d’être les seuls à crier au scandale et à dénoncer un trafic de fréquences. « L’unique objectif des porteurs de ce projet était de planifier une belle opération financière », dénonce l’ancien sage Rachid Arhab. À l’époque de l’attribution, il avait été le seul, avec Alain Méar, à s’opposer au projet très vague d’Houzelot.

Pour la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques), « le CSA a surtout aidé des investisseurs financiers à utiliser le paysage audiovisuel pour faire fructifier leurs affaires ». Et d’ajouter : « Les créateurs non plus n’ont pas pu compter sur l’engagement de Numéro 23 dans la création et attendent par ailleurs toujours le versement de sommes importantes de droits d’auteur, toujours en souffrance depuis le lancement de la chaîne, qui n’applique pas l’engagement de respect de la propriété intellectuelle qui figure dans la convention qu’elle a signée avec le CSA ». En effet, depuis sa création, la chaîne n’a jamais versé le moindre centime aux auteurs, accumulant une dette qui s’élève aujourd’hui à 1,5 million d’euros pour l’ensemble des sociétés d’auteurs (Sacem, Scam, SACD).

Pour le député PS Marcel Rogemont, « il est inadmissible que des gens puissent se faire autant d’argent sur un bien public ». « C’est un vrai braquage ! Un scandale insensé ! », clame l’ancien ministre de la Culture Frédéric Mitterrand. Et celui-ci de faire remarquer : « C’est étrange (…) que personne ne s’étonne, par exemple, de ce que Pascal Houzelot, à qui le CSA attribuait gratuitement et pour deux ans une fréquence pour Numéro 23, revende sa chaîne le jour J de la fin de son bail et empoche 90 millions d’euros ! » Même colère du côté de la sénatrice UDI Catherine Morin-Desailly, qui juge, sur son blog, que « revendre ses parts juste après la date limite légale, et ceci dans un contexte de fragilité des finances publiques, ne peut que susciter l’indignation ».

Pas dupe, le magazine Lyon Capitale note de son côté, au sein d’un dossier très approfondi sur le sujet, qu’il est « très surprenant d’entendre aujourd’hui des parlementaires (notamment UMP et UDI) crier au scandale, quand tout était connu, expliqué, disséqué depuis trois ans »… De plus, ce n’est pas la première fois qu’une fréquence publique est ainsi revendue. En 2009, TF1 s’offrait TMC et NT1 auprès du groupe AB pour 192 millions d’euros. L’année suivante, Lagardère cédait Virgin 17 à Bolloré pour 70 millions. En 2011, le même Bolloré revendait Virgin 17 (devenue Direct Star) et D8 pour 465 millions d’euros à Canal+.

Et Houzelot dans tout ça ? Avec 70 % du capital, il touchera 50 millions d’euros en « cash », et 40 autres millions en actifs reconvertibles en capital de NextRadioTV (qui possède déjà BFMTV et RMC Découverte sur la TNT), soit 5 % de celui-ci. « C’est plus une fusion qu’une vente. Numéro 23 devrait arriver à son point d’équilibre l’an prochain. Si j’avais voulu faire de la spéculation, j’aurais attendu un an de plus et revendu beaucoup plus cher à un grand groupe », explique-t-il. Et de poursuivre en ajoutant qu’il est un « professionnel des médias depuis vingt-cinq ans », qu’il a « accompagné le groupe TF1 pendant quinze ans », qu’il a « produit des films et créé une autre chaîne, Pink ». « Si j’avais voulu faire une opération avec un groupe plus puissant, je l’aurais fait avant. Je continue sur ma logique d’entrepreneur », conclut-il pour se défendre. En vain, au vu des circonstances.

Qui est Pascal Houzelot ?

Titulaire d’une licence en droit privé, fils d’un notaire bordelais, Pascal Houzelot est un lobbyiste très actif. En 1986, il rejoint Matignon au cabinet de Jacques Chirac et y tisse ses amitiés politiques. En 1989, il passe des palais de marbre aux tours de verre. Il rejoint TF1 en tant que « chargé de mission » auprès d’Étienne Mougeotte, dont il deviendra l’homme à tout faire. Il y passe dix ans, de quoi étoffer largement son carnet d’adresse.

Intime de Pierre Bergé, c’est par son intermédiaire qu’il obtiendra un siège au conseil de surveillance du Monde. « Pascal Houzelot a la bise, l’accolade et le tutoiement faciles, surtout avec ses amis politiques, para-politiques et du CAC 40, qu’il appelle par leur petit nom et à voix haute, sur un air entendu », note Lyon Capitale. Dans son appartement du Marais, il donne régulièrement des dîners mondains auxquels se presse le Tout-Paris. On y croise, entres autres, Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, Manuel Valls, Premier ministre, Fleur Pellerin, ministre de la Culture, Anne Hidalgo, maire de Paris, ou encore Olivier Schrameck… président du CSA. En somme, du beau monde.

Depuis 2004, il est président (et fondateur) de Pink TV, à l’origine chaîne de divertissement destinée au public homosexuel, mais transformée en chaîne pornographique gay suite à son flop d’audience et sa perte d’argent chronique, qui ne s’est du reste pas arrangée. Gay, Pascal Houzelot l’est, et l’affirme haut et fort, allant jusqu’à accuser tous ses détracteurs d’homophobie. « C’est un intrigant, un réseauteur, très présent dans le lobby gay. Il ne s’intéresse qu’à ceux qui gravitent dans ces univers. Soit on fait partie de sa coterie, soit on n’existe pas », confie l’un de ses anciens collaborateurs dans Le Parisien.

Politiquement, s’il a de nombreux réseaux à gauche, l’homme a soutenu Nicolas Sarkozy en 2007 et a ses relations également à droite de l’échiquier politique. Toujours dans Le Parisien, un journaliste et ami de l’intéressé, qui a préféré rester anonyme, déclare : « C’est un lobbyiste, et il est rémunéré pour cela. Il l’assume. Ses connexions ont sûrement favorisé la revente de Numéro 23. » Un avis évidemment partagé par Didier Maïsto : « N’ayant ni la surface financière ni le talent pour porter un projet audiovisuel digne de ce nom, ayant par ailleurs accumulé les plantages et les fiascos professionnels, Pascal Houzelot a cependant, de l’avis général, “de l’entregent » », écrit-il dans son livre.

Le 13 février 2015, il est fait Chevalier des Arts et des Lettres par la ministre de la Culture, Fleur Pellerin. Une distinction censée récompenser « les personnes qui se sont distinguées par leur création dans le domaine artistique ou littéraire ou par la contribution qu’elles ont apportée au rayonnement des arts et des lettres en France et dans le monde »… Comble de l’ironie pour quelqu’un qui, de son propre aveu, « ne sait pas dessiner et accumule les fautes d’orthographe ». Ironie également pour Fleur Pellerin qui, comme on va le voir, se montrera plus tard favorable à une taxation accrue de son opération avec NextRadioTV. Une chose est sûre : il y a des ministres qui feraient bien de réviser leurs fiches…

Rebondissements et tergiversation du gouvernement

Pour en revenir à la levée de boucliers qui a suivi l’annonce de la revente, le Sénat a adopté en réaction, le 6 mars 2014, un amendement à la loi Macron visant à faire passer de 5 à 20 % la taxe sur la revente des fréquences publiques moins de cinq ans après leur attribution. Une initiative soutenue par Fleur Pellerin, ministre de la Culture, mais à laquelle s’oppose le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron. Le but : sanctionner par une taxation accrue cette transaction avant que le CSA ne lui donne son agrément.

Pour le député UMP Christian Kert, « le délai d’interdiction de cession doit être au minimum porté à cinq ans ». « L’idéal serait même d’obliger les propriétaires à rendre purement et simplement leur fréquence », ajoute Rachid Arhab.

L’affaire semblait en marche quand, jeudi 11 juin, l’amendement a été purement et simplement supprimé de la loi en commission à l’Assemblée nationale. Pour Catherine Morin-Desailly (UDI), qui a défendu l’amendement au Sénat, il s’agit d’une « suppression incompréhensible » qui revient « dans les faits à avaliser les conditions de vente de Numéro 23 ». Et celle-ci d’ajouter que, si la suppression était maintenue, « la gauche devra assumer face aux Français d’avoir entériné des pratiques parmi les plus discutables du ‘monde de la finance’ favorisant, qui plus est, l’enrichissement de personnalités réputées proches des cercles actuels du pouvoir ».

Face au nouveau tollé provoqué, la tentative capote et l’amendement a eu vite fait d’être réintroduit. Comme M. Macron l’avait annoncé, celui-ci est de retour avec une forme « mieux adaptée », porté par le député socialiste Patrick Bloche. Il sanctionnera d’une taxe de 20 % la revente d’une chaîne moins de cinq ans après son attribution, de 10% entre cinq et dix ans et de 5% au-delà. Quant au montant limite de la taxe sur la plus-value, il est fixé à 26 %.

Après de multiples rebondissements, la réponse législative à ce scandale d’État semble donc ressuscitée… à moins qu’un nouvel épisode ne survienne avant le 14 juillet, date d’adoption définitive du texte. Quoi qu’il arrive, cette taxation, bien que révisée, ne remet aucunement en cause une pratique dont la frontière avec l’escroquerie est mince… Après tout, qu’est-ce que 20 % quand on a hérité d’une fréquence publique gratuitement, sans avoir rien investi ou presque ? Pascal Houzelot pourra en témoigner.

Au fait : à l’origine, la TNT était censée incarner la démocratisation de la télévision…

Publicité

Ouest-France en flagrant délit de complaisance ?

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Les journalistes le nient, mais les commerciaux des régies publicitaires en font un discret argument de vente : l’achat d’encarts publicitaires entraine souvent un « rédactionnel » positif. En clair, si une entreprise ou une collectivité locale veut de bons articles dans la presse locale, il est préférable qu’elle sorte son carnet de chèques et achète de la publicité. Habituellement, l’opération se fait discrètement, de manière à ce que les lecteurs ne se rendent pas compte du marché. Mais il y a parfois des ratés…

C’est exactement ce que chacun a pu constater le 23 juin 2015, dans les éditions Pays de la Loire d’Ouest France. Un grand article y est en effet consacré au parc angevin « Terra Botanica ». Un parc contesté et régulièrement renfloué par de l’argent public. Bref, un parc qui est loin de faire l’unanimité et qu’Ouest-France n’a d’ailleurs pas toujours ménagé. Pourtant, cette fois-ci, l’article est élogieux et la nouveauté du parc y est présentée sous son meilleur jour… Or, que trouve-t-on immédiatement sous cet article très favorable à Terra Botanica ? Un encart publicitaire de… Terra Botanica !

Une maladresse de mise en page qui illustre, encore une fois, le poids de la publicité sur les finances d’un journal et sur les rédactions. Comme le dit le proverbe : qui paye, commande !

Source : Ouest-France

Marc Laufer, l’homme de Drahi, bientôt à la tête de Libération et L’Express

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Le 20 juin dernier, Presse News annonçait le départ de Corinne Pitavy de la direction général de L’Express-Roularta. Deux jours plus tard, François Moulias, co-gérant de Libération, annonçait à son tour qu’il quitterait ses fonctions fin juillet.

Les deux dirigeants seront remplacés par un seul homme, Marc Laufer, directeur général d’Altice Media Group France, marquant l’entrée des deux titres dans l’« ère Drahi », celle de l’homme d’affaires israélien qui déploie ses tentacules dans le monde des médias. Laufer aura pour mission de chapeauter les directions éditoriales de Libé et de L’Express, en s’appuyant sur Laurent Joffrin, Johan Hufnagel et Pierre Fraidenraich pour l’un, et sur Christophe Barbier pour l’autre.

Arrivé en janvier 2014 à Libération, François Moulias était un parfait inconnu. Dans un message interne annonçant son départ, il se dit satisfait du travail accompli malgré les tensions : « Cela a été extrêmement compliqué mais nous y sommes arrivés, ensemble. Même les ascenseurs fonctionnent mieux ! Enfin, Libération sera bénéficiaire cette année, après une perte abyssale en 2014. »

Mardi 23 juin, dans un communiqué, les élus de Libération ont souhaité « la présence d’un directeur général et d’une gouvernance stable et distincte des autres titres d’Altice Media Group afin d’éviter une confusion éditoriale et managériale préjudiciable pour Libération ».

Voir nos infographies du groupe L’Express-Roularta et de Libération

Crédit photo : DR

Michel Field futur directeur de France 5

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Selon l’AFP qui confirme une information de Télé 7 jours, Michel Field (voir portrait) s’apprêterait à diriger France 5 et aurait été directement choisi par la nouvelle PDG de France Télévisions, Delphine Ernotte.

Mais Mme Ernotte se refuse pour le moment de confirmer cette nomination qui, quoi qu’il en soit, ne sera pas annoncée avant le 22 août prochain, date de la prise de fonction de la nouvelle présidente.

À 60 ans, Michel Field est actuellement animateur sur LCI (« le 5 à 7 ») TF1 (« Au field de la nuit ») et Europe 1 (« Médiapolis » avec Olivier Duhamel) Il est surtout connu pour son émission « Le Cercle de minuit » diffusée sur France 2 dans les années 1990. Ex-Trotskiste révolutionnaire et enragé, il est montré faisant la promotion de Casino et de Lagardère dans l’excellent documentaire de Balbastre et Kergoat, Les nouveaux chiens de garde, dont il est l’une des vedettes. Il est désormais en passe de devenir ce qu’il haïssait le plus dans sa jeunesse : un patron.

À la tête de France 5, il aura pour tâche de poursuivre la progression de cette petite chaîne publique, et de faire en sorte qu’elle demeure « la chaîne du savoir, de la connaissance et de l’éducation ».

Voir notre portrait de Michel Field

Crédit photo : DR

Le Figaro, propriété de Serge Dassault, ménage-t-il les clients du Groupe Dassault ?

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Le Figaro, grand quotidien de la droite libérale française détenu par l’avionneur Serge Dassault, semble régulièrement confondre business et journalisme. Le 1er juin dernier, une réunion entre le patron des rédactions, Alexis Brézet, et la société des journalistes du titre a donné lieu à des récriminations à propos du traitement de certains sujets d’actualité visant visiblement à ne pas gêner les intérêts de l’industriel propriétaire du titre, au détriment de la liberté d’informer.

Le Canard Enchaîné en donne des extraits savoureux. Première point de friction : l’Égypte qui vient d’acheter quelques Rafales. Un article du service étranger est tout simplement sucré dans la première édition du dimanche 24 mai puis réécrit et « planqué » dans la seconde. Au passage, la condamnation à mort d’un universitaire par le régime d’Al-Sissi a disparu. Commentaire d’Alexis Brézet qui sonne comme un terrible aveu : « tous les journaux qui sont détenus par des industriels (et ils le sont tous) sont confrontés à cette problématique (…) Il faut être particulièrement rigoureux, avoir conscience de la surinterprétation à l’extérieur des articles que nous écrivons sur les pays dans lesquels notre actionnaire a des intérêts ». Voilà qui rappelle singulièrement Nicolas de Tavernost sur M6 qui avouait censurer certaines de ses émissions (« Capital » et « Zone interdite » notamment) car il ne pouvait pas « supporter qu’on dise du mal de ses clients ».

Autres sujets sensibles en ce début juin : le Qatar et l’Inde, pour les mêmes raisons. Avec un petit numéro de langue de bois d’Alexis Brézet en prime : « il n’y a pas de papier sur le Qatar qu’on ne peut pas écrire. La preuve ce matin [1er juin] avec Philippot qui est attaqué en diffamation par le Qatar. » Mais il s’empresse d’admettre que « dans ce cas précis, il était plutôt de nature à rendre service au Qatar »

Dernier sujet soulevé par la SDJ : Le Figaro a été le seul des principaux médias français à ne pas avoir titré en une sur le scandale de corruption qui secoue la Fifa, relégué en sujet secondaire. Ce qui rappelle le temps des affaires Dassault qui faisaient la une de la plupart des journaux mais d’un entrefilet pudique dans Le Figaro.

La SDJ accuse : « certains journalistes nous affirment qu’on leur a demandé d’être prudents avec le Qatar et la Fifa ». Le patron quant à lui botte en touche : « je ne suis pas un spécialiste du football ». Mais pour ménager les clients, en revanche, il s’y connaît très bien.

Affaire Vincent Lambert : le CSA met en garde quatre chaînes

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Saisi après la diffusion d’une vidéo de Vincent Lambert sur certaines chaînes de télévision, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a mis en garde quatre d’entre elles, qui n’avaient pas pris soin de flouter son visage : BFMTV, LCI, M6 et TF1.

« La diffusion de ces images de M. Vincent Lambert sans consentement préalable et sans floutage constitu(e) une atteinte à l’intimité de sa vie privée et à son image », ont écrit les Sages dans un communiqué.

Concernant les quatre autres chaînes ayant diffusé la vidéo en floutant toutefois le visage de Vincent Lambert, France 2, France 3, Canal+ et i>Télé, le Conseil s’est contenté d’une lettre pour rappeler « que la diffusion de telles images sans consentement préalable était de nature à porter atteinte à l’intimité de la vie privée ».

Le CSA avait été saisi le 10 juin dernier après la diffusion sur ces chaînes de cette vidéo, filmée par les proches de Vincent Lambert quelques jours après l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme validant l’arrêt des « soins » de ce grand handicapé. La vidéo, qui en a troublé plus d’un, le montrait sur son lit d’hôpital, semblant interagir avec son entourage.

TNT gratuite : Paris Première et LCI vont pouvoir retenter leur chance

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Mercredi 17 juin, à la surprise générale, le Conseil d’État a annulé les deux décisions du CSA refusant le passage des chaînes LCI et Paris Première sur la TNT gratuite.

L’été dernier, les Sages avaient jugé qu’il n’y avait aucun avenir dans le « ghetto du payant » et que ce passage allait fragiliser les chaînes déjà présentes, voire entraîner leur fermeture. LCI et Paris Première avaient alors eu recours aux autres sages du Palais Royal qui leur a finalement données gain de cause. Désormais, avec l’annulation du Conseil d’État, les chaînes pourront donc à nouveau formuler une demande afin qu’elle soit reconsidérée.

La décision de l’institution est motivée par un « motif de procédure ». Le CSA ayant publié sa décision et les études d’impact le même jour, alors que la loi prévoit une publication de ces études avant qu’il ne prenne sa décision, il s’agit d’une « procédure irrégulière ». En conséquence, « le CSA devra se prononcer de nouveau sur les demandes de LCI et de Paris Première », a indiqué le Conseil d’État. Un nouveau coup dur pour le président du CSA Olivier Schrameck, originaire du Corps d’État qui vient de le désavouer…

Mais cette fois, le contexte sera différent, le marché publicitaire ayant rebondi et les 20 % de marge de BFMTV ainsi que son acquisition de Numéro 23 indiquant que les concurrents semblent désormais assez solides.

Crédit photo : caribb via Flickr (cc)

Hyper Casher : les médias ont-ils contraint le RAID à lancer l’assaut précipitamment ?

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Lundi 15 juin sur France 3 était diffusé le documentaire de Serge Moati, « L’Intérieur au cœur de la crise », qui montrait les coulisses du ministère de l’Intérieur lors des attentats terroristes de janvier.

À cette occasion, le document souligne le rôle prépondérant joué par les médias d’information en continu, dont l’influence a été jusqu’à contraindre la police de lancer sans plus attendre l’assaut de l’Hyper Casher, porte de Vincennes.

En effet, lors d’une séquence, on aperçoit un policier appeler l’un de ses collègues pour l’informer : « C’est marqué sur BFM. Le plein écran : ‘Un assaut est lancé à Dammartin’. » Une annonce en direct qui va contraindre les hommes du Raid postés près de l’Hyper Casher à lancer, eux-aussi, l’assaut pour protéger les otages, le terroriste Coulibaly ayant prévenu qu’il les tuerait si l’assaut était lancé à Dammartin.

En février, le CSA avait prononcé 13 mises en demeure pour cette dangereuse précipitation. En enfants gâtés, les médias concernés avaient crié au scandale, estimant que la liberté d’information était menacée.

Mais la liberté d’informer est-elle supérieure à la vie humaine ?

Voir notre dossier : « Les enfants gâtés de l’info en continu »

Crédit photo : DR

227 millions d’euros de subventions pour la presse en 2014

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Comme chaque année, le ministère de la Culture a publié la liste des titres de presse les plus subventionnés.

Dans le tableau de présentation, les différents types d’aides sont bien distincts : les aides directes, les aides à la filière (distribution), les aides aux tiers (modernisation sociale), ainsi que les aides indirectes, telle que la compensation au tarif postal.

À l’arrivée de cette course peu glorieuse, Le Figaro termine en tête avec plus de 15 millions d’euros de subventions en 2014. En deuxième position, Aujourd’hui en France affiche plus de 14 millions d’euros d’aides, dont 13 427 000 euros d’aide à la filière. Suivent Le Monde avec 13 millions d’euros de subvention, La Croix avec 8 300 000 d’euros, Ouest-France avec 8 200 000 d’euros et sa diffusion colossale de 246 millions d’exemplaires par an, Libération avec 8 millions d’euros et Télérama avec 7 millions d’euros.

Bien plus bas, en 53e position, Valeurs Actuelles ne peut se vanter d’aucune aide directe et affiche un peu plus d’un million d’euros de compensation au tarif postal. De même pour L’Opinion, quotidien libéral lancé par Nicolas Beytout il y a deux ans, qui affiche, comme VA, de bons résultats malgré l’absence de subventions directes.

Au total, en 2014, l’État aura déversé près de 227 millions d’euros pour tenter de maintenir en vie une presse à l’agonie, dont la situation ne s’arrange pas avec les années.

Télécharger le tableau complet

Rupert Murdoch laisse le trône de la 21st Century Fox à son fils

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À 84 ans, le magnat des médias Rupert Murdoch s’apprête à céder son poste de PDG de la 21st Century Fox à son fils, James Murdoch (photo).

La famille n’a pas toujours été en bons termes, mais il semblerait que les intérêts supérieurs ont fini par réconcilier le père et le fils. James, 42 ans, était déjà co-directeur général du studio de cinéma et de télévision. Après le scandale des écoutes illégales du News of the World, il avait démissionné de son poste à la tête du BskyB avant de rejoindre la Fox.

Dans le même temps, son frère, Lachlan Murdoch, 46 ans, devrait être nommé co-président exécutif du groupe. Selon la presse américaine, la succession devrait avoir lieu à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine, même si rien n’est encore fixé définitivement.

« Autoritaire, audacieux, sans scrupule, doté d’un sens aigu des thèmes populistes qui font acheter les journaux, et parfois élire les chefs de gouvernements ou les présidents, Rupert Murdoch est la bête noire de la gauche sur trois continents (Australie, Grande-Bretagne, États-Unis, NDLR) », écrit le Figaro. Avec son empire médiatique colossal, l’australo-américain Rupert Murdoch dispose, notamment via Fox News, première chaîne d’information en continu des États-Unis, d’un pouvoir d’influence énorme sur la politique américaine.

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